ARNAUD DESPLECHIN – ROUBAIX UNE LUMIÈRE
- 2019
Petit film par le sujet, peut-être sauvé du naufrage par le
réalisme ethnique, cependant un tantinet excessif, surtout sur la misère
justement synonymes d’ethnicité, mais aussi de femmes isolées, avec un soupçon
lourd d’alcoolisme, d’absence de travail, et pourtant plusieurs caractères
ethniques sont sauvés des accusations d’autres pas ethniques du tout parce qu’ils
travaillaient quand on les accusait de commettre un crime. Mais dire que
Roubaix croule dans la misère est faux car Roubaix a une économie de marché
noir à faire frémir. Il est vrai que comme cela est bien connu, justement des
flics, les plus gros trafiquants dans ce domaine ont dû se déplacer vers
quelques banlieues plus lointaines, mais pas Tourcoing car Roubaix est Algérien
kabyle et Tourcoing est Algérien arabe. Mais Lille, Wazemmes par exemple, ont
quelques moyens dans ce domaine.
La vision de la ville est absurdement squelettique à tous
les sens. On ne voit rien de la ville. On voit une station de métro déplorable
alors que la ligne 2 est quasi neuve. On nous montre une courée en état de
délabrement sans pareil, mais où ont-ils trouvé cette ruine ? C’est au
mieux un squat. Il y a 25 ans les courées étaient en voie de disparition et il
n’en restait guère qu’à l’Épeule. Mais de Roubaix même vous ne verrez rien, une
vague image en fond d’écran avec la mairie toute en lumière artificielle et c’est
tout. Le nouveau commissariat, certes non, les grandes avenues absolument pas.
Même le Parc Barbieux n’est peut-être même pas le Parc Barbieux, le Beau Jardin.
Et ne parlons pas de la langue. L’accent du Nord, le picard de Roubaix ont
disparu. Une ou deux expressions et c’est tout. L’accent lui-même effacé au
profit d’un accent français sous-standard homogénéisé et un accent magrébin
digne de Belleville ou du 93. Lamentable.
La délinquance de Roubaix c’est le marché noir, le trafic de
drogue, mais en plaque tournante, la prostitution y compris de jeunes adolescents,
plus que de jeunes adolescentes. Le textile est parti. Il a commencé à brûler à
la mi-années 70 quand j’arrivais à Roubaix, et quand elles ne brûlaient pas,
les usines, elles étaient fermées de toute façon. Où est la lainière ? La
Redoute ne fait pas ou plus dans le textile. Et pourtant la ville est devenue
une annexe des universités de Lille avec plusieurs départements installés en
dur dans des bâtiments ou usines historiques, sans compter les Archives du Monde
du Travail. Ne parlons pas des écoles supérieures d’Arts Appliqués et des BTS
de haut niveau, audiovisuel ou informatique, sans oublier le Fresnoy, centre de
formation audio-visuel et cinéma qui recrute à niveau licence au niveau
européen.
Les une ou deux familles magrébines montrées dans le film ne
correspondent pas à ce que ces familles sont, et je ne pense pas que les choses
aient changé à ce point depuis vingt ans. Roubaix a simplement souffert d’avoir
été gouverné de 1880 à 1983 par des socialistes, communistes et autres partis
de gauche extrémistes dans le discours classe contre classe avec des vedettes
dans le domaine comme Jules Guesde (il a sa statue et sa place quelque part, et
pour faire plus récent, Emile Duhamel, le dernier adjoint au maire communiste
de 1977 à 1983. Et ce discours a été tellement efficace avec grèves et autres perturbations
de toute production que le patronat a préféré importer de la population étrangère
de façon régulière depuis le 19ème siècle jusqu’à « toujours »
des Flandres belges, les « pots-au-burre », comme on les appelait en
ce temps là :
J’n’aime pas les pots-au-burre
Tout l’monte comprindra cha
Ch’est la peste et j’vous l’jure
A Roubaix y
n’a qu’cha
puis Polonais (la seule église
catholique polonaise de France est à Roubaix, puis magrébins avec sélection « naturelle »
au profit des Kabyles et Berbères, plutôt que de continuer à employer des
ouvriers à niveau CAP au plus, et encore parfois maigre, mais qui exigeaient d’être
payés comme des techniciens au moins moyens. L’augmentation du smic en
particulier a tué la ville en faisant fuir les travailleurs français de la ZUP
nord-est pour les villes de banlieue, puis les quartiers standing moyen du centre-ville
de l’Avenue des Nations Unies, une folie de planification urbaine de l’ère socialiste
séculaire. Et les meilleurs, s’entend les enfants, ont quitté Roubaix aussi
vite qu’ils le pouvaient pour leur éducation supérieure et pour leur carrière
professionnelle.
Si vous n’êtes pas dans le marché noir de pièces automobiles
ou de drogue, vous n’avez rien pour vous. Si vous êtes sans qualification, mère
célibataire, un peu handicapé, beaucoup penché vers la bouteille de bière, ou
plus fort, vois devenez un squatter dans des conditions infernales et vous n’avez
alors pas d’espoir et donc pas d’avenir. Et personne ne s’occupera de vous, sauf
la police bien sûr. Si le commissaire concerné dans le film est lui-même arrivé
à Roubaix du Maghreb quand il avait sept ans et qu’il a su monter un peu dans la
société, au point d’être attiré par la police qui a une Ecole Nationale de
Police justement à Roubaix depuis le début des années 1990, vous avez de la
chance car il ne va pas vouloir vous massacrer. Mais il vous tirera les vers du
nez, même si on devrait dire les verres du nez, vu que vous buvez de la bière
au petit déjeuner et du Wambrechies pour réussir à sortir at aller chercher
votre pain quotidien, si vos pensions diverses at aides alimentaires ne sont pas
taries pour un jour ou deux. Mais comme le film est à Noël les restaurants du coeur
marchent à fond. Coluche est bien la coqueluche de ces « pauvres ».
C’est le discours misérabiliste réformiste en vogue dans les
milieux petite classe moyenne, moyennement éduquée et totalement coupée de la
réalité réelle. Il fait si bon de rester dans le cocon de la réalité corrigée
des variations saisonnières. On aurait pu faire un autre film sur Roubaix, et définitivement
sur le sujet de l’aliénation sociale. On a fait là un truc qui sera mort dans à
peine douze mois.
Dr. Jacques COULARDEAU
# posted by Dr. Jacques COULARDEAU @ 3:44 PM