Wednesday, April 12, 2017

 

Voyage aux racines de notre civilisation européenne


EMMANUEL GOBILLIARD – LUC OLIVIER – OLIVER TODD – THE CATHEDRAL OF NOTRE DAME DU PUY EN VELAY – 2010

Ce livre n’a pas de prétention historique ou scientifique mais il a la prétention justifiée de donner une image fidèle de cette cathédrale. Son auteur, Emmanuel Gobilliard, à l’époque de la publication, était le recteur de la cathédrale et est aujourd’hui évêque auxiliaire de Lyon et évêque de Carpentras. Pour avoir une vision beaucoup plus scientifique de cette cathédrale il est fortement conseillé de se procurer ou de consulter l’ouvrage somme de la restauration et des fouilles des années 1990, publié sous la direction de Xavier Barrat i Altet par l’équipe CNRS qui a dirigé cette restauration et les fouilles partielles pratiquées à l’époque.


Ainsi dans ce petit livre de présentation il est fait allusion et référence aux diverses légendes sur la création de cette cathédrale, mais uniquement de façon un peu lacunaire. Ainsi il est passé sous silence la guérison miraculeuse de Saint Georges tombé malade à son arrivée au Puy et guéri par Saint Front qui fit un aller-retour jusqu’à Rome pour ramener de Saint Pierre un bâton qui sauva Saint Georges. On est en 46 après Jésus Christ. Il est un peu risible de faire un aller-retour aussi vite qu’en avion ou en TGV du Puy entièrement enclavé dans sa montagne à Rome. Cependant cette histoire aussi incroyable qu’impossible est une marque importante de la méthode employée pour christianiser ce site qui était occupé en 46 par un temple gallo-romain dont les fouilles des années 90 ont retrouvé des mosaïques et des soutènements sous le chœur actuel. La deuxième histoire classée comme légende est celle donnée dans ce livre. Une matrone locale monta sur le mont Anis pour guérir sa fièvre en s’allongeant sur ou contre la célèbre pierre des fièvres, réputée sans aucune preuve réelle avoir été un dolmen celte ou gaulois fort ancien et dédié au dieu gaulois Cernunnos généralement représenté par un cerf. Ce nom du dieu gaulois a donné le deuxième nom de ce mont Anis, le mont Corneille.

Cernunnos est un dieu majeur des Celtes  généralement reconstruit à partir de l'onomastique (étude des noms propres) et l'iconographie (étude des représentations picturales sur divers supports : pierre, parchemin, peinture, sculpture, etc.) pour comprendre son rôle dans la religion gauloise puis gallo-romaine. Cernunnos incarnerait le cycle biologique de la nature, reflétant simultanément la vie et la mort, la germination et le dépérissement, à l'image du cerf qui perd ses bois en hiver pour les recouvrer au printemps. Fréquemment associé à la Déesse-mère, autre figure majeure du panthéon celtique qui est un culte primitif de la fertilité universellement pratiqué à la fin de la préhistoire, d’après ce qu’en dissent certains. En fait on trouve à 30,000 BCE dans les sites gravettiens d’Europe centrale des représentations de la femme sculptée et polie dans des défenses de sanglier en ivoire et en plus on est en droit de penser aujourd’hui que la femme été l’artiste principale des peintures rupestres des grottes de Cro-Magnon en Espagne et en France. Ce culte, dans lequel la figure de la femme aurait tenu une grande place et revêtu une dimension sacrée, aurait consisté essentiellement en une vénération de la Terre, de la fertilité et de la fécondité. Cernunnos représenterait par ailleurs la puissance masculine et sa fécondité.

Notons que dans de nombreux sites romans du Livradois Forez entre Le Puy et Puy Guillaume on trouve une survivance celte dans la représentation de la wuivre, cette force vue masculine qui représente les circulations et les magnétismes souterrains ainsi que de nombreuses Sheila-na-gig d’origine celte aussi et au nom Irlandais représentant la sexualité féminine et sa fertilité. C’est pour dire que la dalle noire exposée dans la cathédrale dans une abside latérale est chargée d’une histoire et d’une mythologie bien plus ancienne que l’on veut dire et surtout ne relevant pas de la préhistoire mais de l’histoire car les Celtes écrivaient en utilisant l’alphabet Ogham élaboré à leur arrivée dans la vallée du Rhin autour de ce qui est aujourd’hui Frankfort et Stuttgart avant de poursuivre leur migration vers la Gaule, l’Espagne (Galicie) et bien sûr les îles britanniques y compris l’Irlande qui n’est en rien britannique en tant qu’île. On a en fait là la décantation de la déesse triple ancienne qui a survécu en tant que déesse triple dans le domaine germanique et qui a été coupée en deux par l’es Celtes entre la wuivre masculine et la Sheila-na-gig féminine, les deux couvrant le cycle de la naissance, de la vie et de la mort si parfaitement conservée dans le domaine méditerranéen Grec ou Romain avec les Parques, les Erinyes et autres Furies.

Ceci étant dit ce livre donne à voir beaucoup d’images et enrichit l’information du visiteur d’un texte simple et facile à lire, qui plus est en plusieurs versions linguistiques pour les visiteurs étrangers. Le livre bien sûr se centre sur la Vierge Noire et il est important de savoir qu’une Vierge dont on ne sait pas grand-chose existait avant celle qu’on attribue à Saint Louis et cette ancienne Vierge romane assise portant l’enfant sur ses genoux est attestée dans un sceau du chapitre ancien de la cathédrale ou encore dans une enseigne de pèlerinage du Musée Crozatier. Ceci semble normal quand on sait que le culte marial est positionné à l’origine même de la cathédrale et de la christianisation du site, certes par des légendes, mais dans une société principalement orale les légendes sont des paroles d’Évangiles et comme les dits Évangiles, elles sont transmises de génération en génération souvent sans la moindre altération. Le culte marial est central dans la chrétienté romane et dans les pratiques religieuses et rituelles de la période qui suit la réforme religieuse du 9ème siècle. La Vierge Noire actuelle attribuée à Saint Louis qui l’aurait ramené d’Egypte n’est que la forme qu’elle assuma au 13ème siècle. Il est évident qu’une vierge en majesté devait exister au Puy en Velay bien avant et être de la même facture que de nombreuses Vierges en majesté d’Auvergne ou du Velay qui n’étaient sombre que du fait du bois sombre dans lequel elles étaient sculptées et pour beaucoup d’entre elles sans être peintes.

Un petit livre donc de haute qualité pour visiteurs curieux qui veulent avoir une vision plutôt synthétique des choses.


Dr. Jacques COULARDEAU

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