EMMANUEL GOBILLIARD – LUC OLIVIER – OLIVER
TODD – THE CATHEDRAL OF NOTRE DAME DU PUY EN VELAY – 2010
Ce livre n’a pas
de prétention historique ou scientifique mais il a la prétention justifiée de
donner une image fidèle de cette cathédrale. Son auteur, Emmanuel Gobilliard, à
l’époque de la publication, était le recteur de la cathédrale et est aujourd’hui
évêque auxiliaire de Lyon et évêque de Carpentras. Pour avoir une vision
beaucoup plus scientifique de cette cathédrale il est fortement conseillé de se
procurer ou de consulter l’ouvrage somme de la restauration et des fouilles des
années 1990, publié sous la direction de Xavier Barrat i Altet par l’équipe
CNRS qui a dirigé cette restauration et les fouilles partielles pratiquées à l’époque.
Ainsi dans ce petit
livre de présentation il est fait allusion et référence aux diverses légendes
sur la création de cette cathédrale, mais uniquement de façon un peu lacunaire.
Ainsi il est passé sous silence la guérison miraculeuse de Saint Georges tombé
malade à son arrivée au Puy et guéri par Saint Front qui fit un aller-retour
jusqu’à Rome pour ramener de Saint Pierre un bâton qui sauva Saint Georges. On
est en 46 après Jésus Christ. Il est un peu risible de faire un aller-retour
aussi vite qu’en avion ou en TGV du Puy entièrement enclavé dans sa montagne à
Rome. Cependant cette histoire aussi incroyable qu’impossible est une marque
importante de la méthode employée pour christianiser ce site qui était occupé
en 46 par un temple gallo-romain dont les fouilles des années 90 ont retrouvé
des mosaïques et des soutènements sous le chœur actuel. La deuxième histoire
classée comme légende est celle donnée dans ce livre. Une matrone locale monta
sur le mont Anis pour guérir sa fièvre en s’allongeant sur ou contre la célèbre
pierre des fièvres, réputée sans aucune preuve réelle avoir été un dolmen celte
ou gaulois fort ancien et dédié au dieu gaulois Cernunnos généralement
représenté par un cerf. Ce nom du dieu gaulois a donné le deuxième nom de ce
mont Anis, le mont Corneille.
Cernunnos est un
dieu majeur des Celtes généralement reconstruit à partir de l'onomastique (étude des noms propres) et l'iconographie (étude des représentations
picturales sur divers supports : pierre, parchemin, peinture, sculpture, etc.)
pour comprendre son rôle dans la religion gauloise puis gallo-romaine. Cernunnos incarnerait le cycle
biologique de la nature, reflétant simultanément la vie et la mort, la germination et le dépérissement, à l'image du cerf qui perd ses bois
en hiver pour les recouvrer au printemps. Fréquemment associé à la Déesse-mère, autre figure majeure du panthéon celtique qui est un culte
primitif de la fertilité universellement pratiqué à la fin de la préhistoire, d’après ce qu’en dissent certains. En
fait on trouve à 30,000 BCE dans les sites gravettiens d’Europe centrale des
représentations de la femme sculptée et polie dans des défenses de sanglier en
ivoire et en plus on est en droit de penser aujourd’hui que la femme été l’artiste
principale des peintures rupestres des grottes de Cro-Magnon en Espagne et en
France. Ce culte, dans lequel la figure de la femme
aurait tenu une grande place et revêtu une dimension sacrée, aurait consisté
essentiellement en une vénération de la Terre, de la fertilité et de la fécondité. Cernunnos représenterait par ailleurs la
puissance masculine et sa fécondité.
Notons que dans de nombreux sites romans
du Livradois Forez entre Le Puy et Puy Guillaume on trouve une survivance celte
dans la représentation de la wuivre, cette force vue masculine qui représente
les circulations et les magnétismes souterrains ainsi que de nombreuses Sheila-na-gig
d’origine celte aussi et au nom Irlandais représentant la sexualité féminine et
sa fertilité. C’est pour dire que la dalle noire exposée dans la cathédrale
dans une abside latérale est chargée d’une histoire et d’une mythologie bien
plus ancienne que l’on veut dire et surtout ne relevant pas de la préhistoire
mais de l’histoire car les Celtes écrivaient en utilisant l’alphabet Ogham élaboré
à leur arrivée dans la vallée du Rhin autour de ce qui est aujourd’hui
Frankfort et Stuttgart avant de poursuivre leur migration vers la Gaule, l’Espagne
(Galicie) et bien sûr les îles britanniques y compris l’Irlande qui n’est en
rien britannique en tant qu’île. On a en fait là la décantation de la déesse
triple ancienne qui a survécu en tant que déesse triple dans le domaine
germanique et qui a été coupée en deux par l’es Celtes entre la wuivre
masculine et la Sheila-na-gig féminine, les deux couvrant le cycle de la
naissance, de la vie et de la mort si parfaitement conservée dans le domaine
méditerranéen Grec ou Romain avec les Parques, les Erinyes et autres Furies.
Ceci étant dit ce livre donne à voir
beaucoup d’images et enrichit l’information du visiteur d’un texte simple et
facile à lire, qui plus est en plusieurs versions linguistiques pour les visiteurs
étrangers. Le livre bien sûr se centre sur la Vierge Noire et il est important
de savoir qu’une Vierge dont on ne sait pas grand-chose existait avant celle qu’on
attribue à Saint Louis et cette ancienne Vierge romane assise portant l’enfant
sur ses genoux est attestée dans un sceau du chapitre ancien de la cathédrale
ou encore dans une enseigne de pèlerinage du Musée Crozatier. Ceci semble normal
quand on sait que le culte marial est positionné à l’origine même de la cathédrale
et de la christianisation du site, certes par des légendes, mais dans une société
principalement orale les légendes sont des paroles d’Évangiles et comme les
dits Évangiles, elles sont transmises de génération en génération souvent sans
la moindre altération. Le culte marial est central dans la chrétienté romane et
dans les pratiques religieuses et rituelles de la période qui suit la réforme
religieuse du 9ème siècle. La Vierge Noire actuelle attribuée à
Saint Louis qui l’aurait ramené d’Egypte n’est que la forme qu’elle assuma au
13ème siècle. Il est évident qu’une vierge en majesté devait exister
au Puy en Velay bien avant et être de la même facture que de nombreuses Vierges
en majesté d’Auvergne ou du Velay qui n’étaient sombre que du fait du bois
sombre dans lequel elles étaient sculptées et pour beaucoup d’entre elles sans
être peintes.
Un petit livre donc de haute qualité
pour visiteurs curieux qui veulent avoir une vision plutôt synthétique des choses.
Dr. Jacques COULARDEAU
# posted by Dr. Jacques COULARDEAU @ 7:11 AM