ZERO – LE HASARD – MYMAJOR.COM – 2016
LA VÉRITÉ EST
TROP DURE.
Lancinante
rythmique qui d’harcelante devient martelante et même trépidante créant une
polyrythmie mesmérisante qui littéralement emporte la voix d’Adrien Bricard. Et
sa question, à elle, à lui, résonne comme un cri d’animal blessé, Quand est-ce
qu’on arrive ? Mais tout de suite car tout se passe dans votre tête.
Et c’est la femme
qui le mène, qui le tient, qui le fait se fondre dans cette musique aux tempos
multiples et endiablés, mi diable mi ange, saraph le serpent punisseur de Dieu,
et seraph l’ange libérateur de ce même Dieu. Ou ce Dieu est-il en fait quelque
diable travesti ?
Et il ne peut
donc espérer qu’une chose, partir, fuir, quitter la grisaille urbaine avant de
s’y fondre, de s’y confondre en désolation et de s’y morfondre comme dans une
cage même si elle est dorée car on a perdu la clé, on a jeté la clé au plus
profond de quelque fleuve boueux.
Mais, mon frère,
il ne suffit pas de rêver la fuite car le lion ne sortira jamais de sa cage
dorée, même pour distraire les spectateurs simiesques d’un cirque urbain où que
ce soit, de La Villette aux Tuileries, ce cirque qui n’en finit pas de dresser
ses tentes et ses mâts pour l’oubli des enfants gâtés, pourris, dépérissants
dans l’absence d’amour.
Lion, fauve ou
autre, peu importe la cage dorée est la tare qui le fera se couler dans la
grisaille comme une brume du matin et il s’enfuira en gouttelettes minuscules,
microparticules de la pollution vitale de l’évasion entre les barreaux de sa
cage.
Mais Par Terre il
tombe dans un romantisme rêvé de je ne sais quelle aventure qui ne sera qu’une
fuite en avant, peut-être à deux, vers un autre monde, une autre vie qui semble
tellement lointaine. Et l’homme ne perd le sens du froid et la morsure du gel
que dans la tombe qui est au-delà des sens, qui est insensée, insensible. Le
cocon de la tombe qui retient la chaleur de la terre.
Et ce’ n’est pas
un hasard si la fanfare tonitruante de la foule tambourinante, battante,
combattante revient en force. La vérité fait-elle vraiment si mal ? J’ai
l’impression que plus que la vérité il cherche une fable qui pourrait être
vraie du moins là où elle ne sera pas rejetée. La vérité n’est que fiction, une
œuvre de fiction. Mais dieu que ce diable qui se hurle Zéro est vrombissant et
il peut faire un tour à Berlin, le rouleau compresseur d’une musique qui
veut vous convertir à ce monde cruel qu’il décrit ne laisse rien sur le tarmac
qu’une tâche humide d’huile humanoïde.
Il veut vivre
cependant et que sa vie commence tout de suite. Il se jette dans la mêlée et il
court après je ne sais quelle balle. Qu’importe la balle pourvu qu’on ait la
course folle, affolée, affolante Et il essaie d’oublier le dernier placage et
la prochaine chute, le prochain dévissage de n’importe quel Himalaya.
Et la chute vient
comme un silence d’une simple guitare qui égrène quelques notes. Adrien demande
des nouvelles, ignorant que la curiosité tue le chat et parfois la chatte,
petit ou grande, méchant ou douce, qu’importe. Quémander à l’autre s’il a peur
ou si elle a peur et de quoi ne fait qu’amplifier le malheur, la solitude, les
pleurs, le silence des larmes, ces armes qui coulent sans le moindre mot, sans
le moindre cri. Malheur à qui les voit au visage de l’autre. Et le silence peu
à peu se peuple de rapaces goulus, velus et voraces. Et il peut toujours rêver.
Le rêve est l’opium des pauvres. Le rêve est la religion des abandonnés. Et
pauvres et abandonnés ne savent pas s’unir dans le monde entier, et s’unir
contre qui, contre quoi ?
Et l’opium veut
nous assommer jusqu’au suicide. Facile, mon frère, d’outre-solitude. C’est vrai
que ce ne sont pas les raisons qui manquent et que c’est confortable de fermer
la porte de son crâne sur ce monde invivable. Si invivable que l’on ne sait
même pas que l’on est déjà mort et que mourir est déjà fait et qu’il ne reste
plus qu’à se laisser porter par ce flot musical jusqu’à l’océan de l’oubli.
Adrien atteint là un profond précipice qu’il gravit de deux enjambées et il
nous ensevelit dans un blues qui atteint des sommets de douleur, de noirceur,
de frayeur, le silence des foules où un simple pauvre paumé pourrait se pendre
sans que personne ne coupe la corde.
Cette vie
mortelle ou cette mort vitale vous donnera des insomnies avec son mal au cœur
et une musique d’orgue de barbarie barbarement pesante. Et pourtant ce n’est
pas un manège vénitien mais nous souffriront de son désolement, de son
isolement, de son isolation, de sa désolation.
Avec Transporter
il se mue en charge encombrante pour les autres car n’ayant rien demandé à
personne, surtout pas de venir dans ce monde, et ce ne fut qu’une histoire de
cinq minutes sans raison, déraisonnées, irraisonnables, il transforme la foule
du monde qui l’étouffe et l’assomme en sa propre décharge. Puisque demain il ne
fera pas beau, loin de là, jouissons donc de l’instant présent de souffrance
exquise. Et il ne restera qu’une écuelle de larmes essorées de cet instant
évanescent qui n’a pas de lendemain pour le pauvre gosse mal aimé de la vie.
Vous n’aurez plus jamais envie de sourire, encore moins de rire, à la rive de
cette écuelle d’amertume.
Dans ce bas monde
tout finit par commencer par des confessions. Mais se confesser de tous ses
crimes, ses désirs, ses manquements est simplement un rouleau compresseur qui
vous lamine et quand vous êtes laminés vous pouvez simplement partir. Il n’y a
aucun espoir dans cette mort ambulatoire.
Johnny nous amène
alors son piano que noie Adrien dans une langueur profonde et une horreur mutilante,
militante. La mort de quelqu’un qu’on connait ou qu’on a connu est comme la fin
d’une histoire qui n’arrive pas à trouver sa fin car la mémoire tue le présent
au nom du passé qui n’a aucun futur en perspective dans tous ces monuments
commémoratifs, ces tombes itinérantes de ville en ville auquel on accroche qui
sait quoi deux ou trois fois par an, des drapeaux, des cris, des pleurs, des
souvenirs, des discours inutiles. Vive la paix des cimetières. La vérité fait
vraiment trop mal. Restons-en aux histoires des batailles anciennes.
Il ne reste plus
alors qu’à aller chercher Les Vieux pour fermer cette impasse, j’entends
l’entrée de cette impasse, et puis se rapetisser dans son petit trou crânial,
sa petite tombe cervicale. C’est peut-être le moyen de ne pas vieillir et finir
abandonné, parqué, oublié comme justement ces vieux. Adrien, tu peux le dire
tant que tu le veux et le peux, tu finiras tout seul, sans un ami, sans
personne, sauf si cet autre, cet ami, cette personne autre nous l’avons en
mémoire. On emporte ses souvenirs de mémoire dans ce petit passage d’ici à ici
à peine plus loin qu’ici. N’oubliez pas qu’Adrien nous a dit qu’on est déjà
mort. Apprenez à vous enfermer dans la cellule monastique de l’attente de la
mort et pour ne pas mourir seul, vivez avec un ange dans votre tête et dans vos
yeux, mi saraph mi seraph. Cet ange partira avec vous le jour de votre mort,
sans désir de vous quitter pour revenir chez les vivants car il n’y a aucune
place pour lui.
Zero est un de
ces jeunes groupes de rock français qui essaient de donner forme et corps
au malheur de ne pas avoir faim, sauf d’amour, ni soif sauf d’amitié. Ces
jeunes ont trop pratiqué les marges de la normalité pour réussir à se fondre,
confondre et morfondre dans cette normalité qui en devient un cri de mort au
cœur de leur vie.
Dr. Jacques
COULARDEAU
MORPHÉ – MON IMAGE ET MES MANIÈRES – 2016
ÉROTISME À FLEUR DE MOTS
Ce brave jeune
homme est absolument centré sur celle qu’il aime, qu’il désire, dont il se
souvient, qu’il imagine, qu’il regrette, qu’il espère être éternelle, le naïf.
Et pour évoquer cet amour qui n’a duré qu’un temps et qui reste pour toujours
dans sa tête il se laisse aller dans des images de fleurs et dans des
métaphores, des méta-fleurs de latitude et de longitude, de Bermudes et autres
paradis qui étrangement sont des paradis fiscaux autant que des plages de sable
fin et des ghettos d’enfants riches qui fuient tout contrôle et essaient de
dépenser des fortunes en simple vue de réaliser leurs désirs les plus profonds,
les plus fous. Rêve trahi ?
Amour propriété.
Il aime quand il contrôle des yeux ou des oreilles, des doigts ou simplement de
sa peau, de son corps. Il n’y a pas de secret sinon celui de simplement prendre
possession et jouir de cette possession. Il est un possédé alors même qu’il
croit qu’il possède. Il est amoureux du centre du monde qu’il projette dans celle
qu’il aime, centre du monde qu’il réduit à celle qu’il aime sans voir qu’ainsi
il la possède mais aussi qu’elle le possède à jamais, car son monde se met à)
virevolter comme une toupie autour de ce centre du monde auto-proclamé. Et il ne
reste plus dans ce monde décentré que des corps. Quel avenir que la
rencontre d’épiderme d’un épicentre perdu.
« C’est
quand on veut qu’on est heureux,
C’est quand on
veut qu’on peut
Prendre la vie
comme un jeu. »
Oh le naïf, comme
si la vie peut être, pourrait être, sera jamais un jeu. C’est gentil mais c’est
une folie impossible. Son amour est une drogue fascinante, accoutumante,
mesmérisante et hypnotisante. Et ainsi ne va plus la vie. Au plus fort de
n’importe quel hasard il tombe et devient aveugle à la vie et il se met à faire
des rimes qui sont des échos de Ronsard et sa rose mignonne autant que d’un
slam facile, un peu facile, beaucoup facile, à la Grand Corps Malade. Et ainsi
va la vie d’impression soudaine en oubli quasi immédiat. Il est comme un homme
qui n’a pas le temps de simplement conserver ce qu’il désire, qu’il prend et
qu’il consomme, et aussitôt qu’il perd, ou laisse partir, ou rejette, ou
gaspille.
En somme il se
laisse ainsi aller à ces rimes qui vous tuent parce qu’elles ne sont que des
rimes et que le slam n’est pas autre chose que des mots. Le duo avec Shaké est
comme un de ces moments où il rencontre, conquiert et prend en mots celle qu’il
rêve, qu’il découvre tout en simplement s’en souvenant comme si le souvenir
était la vie quand il devient le souvenir d’un rêve ou d’un fantasme, d’un
désir brûlant mais qui se consume en un simple coup de feu. Il y a peut-être
trop de ce peut-être dans l’invitation de celle qui l’obsède sans que jamais il
ne soit satisfait car la satisfaction n’est que dans la durée qu’il n’atteint
jamais, sinon la durée de l’évanescent permanent.
Et ne croyez pas
que ces métaphores ne sont pas érotiques. La flamme de cet homme qui enflamme
la mèche de celle qu’il désire qui réussit ainsi à lui tendre la mèche, une
image pour le moins phallique. Mais pourtant son désir est de parler à la
femme, de parler d’amour, parler tout court, mais parler n’est pas jouer et le
jeu se perd dans un événement évanescent, sans queue ni tête, sinon le
début, le milieu, la fin qui arrive presque avant le début et qui est programmé
bien avant le début.
Ah ! c’est
amoureux éternels qui ne savent satisfaire leur amour que dans des mots et des
contacts charnels sans plus de tambour que la peau, sans plus de résonance que
cette même peau et d’une ou deux muqueuses furtives et flatteuses. « Tu
sais la vie n’est pas toujours comme on l’imagine. »
Il ne reste plus
qu’à faire un petit effort et sortir de l’imagination ou de l’écriture de
simples mots sur du simple papier et découvrir que la vie c’est dur, long,
pénible, et qu’il faut tous les jours la gagner et que ce n’est pas avec des
mots d’amour qu’on peut faire cela. La musique peut cependant marteler nos
oreilles et nos âmes, en plus de nos sens, de rythmes qui nous feront oublier
la rumeur du trafic dehors, le retard du train qui a perdu sa locomotive, de la
journée perturbée et ruinée par cet incident qu’il faut assumer. Alors l’amour
dans tout cela ?
Cet album est en
plus l’œuvre d’un aventurier qui à 31ans décide de passer de l’autre côté de la
butte du rêve et de se saisir de MyMajorCompany pour mettre sur CD ses belles
chansons et ses belles amours et ses beaux rêves qui sont et seront toujours
des rêves aussi beaux que beau. Mais l’homme ne vit pas que de rêves, mêmes parfois
de lendemains qui chantent alors que nous savons tous que ces lendemains ne
chantent pas du tout sauf bien sûr pour les maîtres de ce monde pour qui seuls
on rase gratis. Les autres n’ont plus qu’à raser les murs.
Dr. Jacques
COULARDEAU
# posted by Dr. Jacques COULARDEAU @ 4:15 AM