BELMONDO FAMILY SEXTET –
MEDITERRANEAN SOUND – 2013
Soyons donc familiaux et familiers et rencontrons le père et ses deux fils,
de vrais frères, dans la musique dans laquelle les fils sont nés et ont grandi
et dans laquelle ils vont nous bercer pendant une heure. On est loin d’une
musique dramatique, morbide ou funéraire comme si souvent attaché à Lionel
Belmondo. Ici c’est la musique douce de la Riviera, de la Côte d’Azur, une côte
si paisible quand on ne voit que l’élite des villas de luxe, que le farniente
de ceux qui ne travaillent pas ou que peu, la joie et la facilité de vivre dans
un monde nonchalant car ceux qui peinent et suent pour que cette façade de vie
facile et insouciante puisse se développer et rutiler sont bien cachés, loin de
la Promenade des Anglais ou de la Croisette, loin des casinos qui pourtant ne
pourraient pas vivre sans leur travail mais on ne les voit, ces pauvres hères
du travail, que le matin tôt ou le soir pas trop tard quand ils vont travailler
pour l’élite (et souvent très tôt) ou reviennent du travail pour cette même
élite (et dans ce cas parfois très tard). Et dans certaines zones dites
industrielles, les activités de ce genre sont des activités hautement
supérieures en revenus et en prestige comme fabricant de torpille pour les
industries de l’armement, trop souvent directement liées à l’état avec des
salariés quasi-fonctionnaires de facto travaillant un gros maximum de 1200
heures par an, et parfois même bien moins, là où la moyenne des Français font
1600 heures et cela implique que certains font jusqu’à 2000 heures dans l’année.
C’est cette musique insouciante et légère que nous avons ici. C’est du jazz
bien sûr mais ce n’est pas le jazz auquel je donnerai des palmes d’honneur ou
des heures d’écoute car il n’apporte pas grand-chose si ce n’est le confort de
l’écoute justement, le silence de l’éthique, le calme du repos perpétuel, et
oui, une certaine mort de l’esprit et de la conscience. Le jazz blanc des
quartiers huppés de New York ou de Chicago, des hôtels et restaurants cinq
étoiles, des casinos de Las Vegas. Mais le jazz noir des quartiers populaires
de la Nouvelle Orléans, de New York (et c’est de moins en moins Harlem en
pleine mutation de classe supérieure), du Sud profond et du Midwest industriel
est absent de ce disque. Dommage. Comme je suis prêt à donner à Jimi Hendrix du
temps et de l’honneur et peu par contre aux Beach Boys, à David Bowie et peu
aux Boys Bands de toutes catégories qui sont juste capables de se mesurer à des
Sheila et même pas Petula Clark, à Sydney Bechet et même Dave Brubeck mais
certainement pas au jazz d’ascenseur, le célèbre Elevator Jazz que l’on peut
entendre et en fait subir sans dommage dans les ascensurs, bien sûr, mais aussi
dans de nombreux lieux publics musicalisés, autant je suis capable de ne pas
donner quoi que ce soit à ce jazz devenu une religion de la classe moyenne où
ils et elles montrent leurs cravates (le Slip Français en vitrine) et leurs jupettes
(lingerie fine sexy en prime).
Une exception d’une autre inspiration est l’emprunt (car toutes ces
musiques sont empruntées) à Jules Massenet, « Meditation », mis en
ordre jazzé, tendre, langoureux, gentil comme tout, une musique tout tout ce
que l’on peut attendre pour survivre à la langueur d’une vie sans vie, une
musique toutou ou pékinois pour mémé endormie et pépé assoupi. Il y a cependant
un peu de dépassement car même Jules Massenet rêvait de faire de la musique
pour autre chose que les salons bourgeois parisiens. Mais ce n’est pas assez
pour régénérer une heure de musique qui adoucit les mœurs. Cela me rappelle un
inspecteur primaire, vraiment primaire, il y a longtemps qui expliquait dans sa
conférence de rentrée aux instituteurs de l’école de Sainte Foy La Grande que
la musique était faite pour adoucir les sentiments des gens vers la paix, le
calme et l’entente universelle, bref le méchouis passé à la moulinette pour esprits
surtout pas critiques, éveillés et alertes. Une heure entière de ce discours de
petit intellectuel assis dans un fauteuil de velours m’avait endormi en son
temps, ce qui me valut une remarque acerbe que je n’avais pas écouté avec soin
et attention.
Voilà. Dommage mais cette musique ne me remue pas les méninges, ni mêmes
les hormones et me laisse plutôt froid et réservé comme si pris dans un bocal
de conserve qui a vieilli sur les rayonnages de ma cave depuis plusieurs années
et a perdu toute couleur dans l’obscurité et presque tout goût dans le verre,
mais a vieilli, vieilli sans fin comme un vin gaulois récupéré deux mille ans
plus tard, même si ce vin gaulois est plutôt romain, mais qu’importe l’ivresse
pourvu qu’on ait la bouteille
Lionel Belmondo ou Stéphane Belmondo peuvent faire mieux, beaucoup mieux,
surtout Lionel dans ses compositions mais ici ils ne sont que des
instrumentalistes de qualité pour une musique qui n’est qu’un trip, j’allais
dire une tripe, nostalgique d’une heure de musique avec papa. Notons que cela
donne du jazz une image phallocrate dont j’ai horreur : le jazz est une
musique d’homme qui se transmet de père en fils, et est faite pour des hommes.
Je sais, on doit bien trouver une femme par ci par là, mais dieux que cela est
rare aussi rare qu’une femme dans le grand conseil du Vice-Président Pence sur
les droits de la femme réuni à la fin mars 2017 à la Maison Blanche : c’est
clair PAS UNE SEULE. J’imagine que le jazz doit faire un peu mieux. Mais
combien de femmes dans un big band classique de jazz ? A quand un big band
de femmes ?
Tu rêves Jacquot ! Tu rêves debout un rêve de « gender fluidity ».
Restons raisonnable, s’il te plait.
Dr. Jacques COULARDEAU
# posted by Dr. Jacques COULARDEAU @ 5:37 AM