LÉA FAZER –
MAESTRO – 2014
Un Film d’auteur sur un cinéaste qui ne faisait que des films d’auteur et
auquel on se doit de rendre hommage. Le film d’auteur derrière tout cela c’est « Les
amours d’Astrée et de Céladon » d’Éric Rohmer de 2007. Il en existe même
une version anglaise, « The Romance of
Astrea and Celadon ». Rustique, merveilleux, rupestre, bucolique,
bergers et déesses se la coulent douce et se distraient du mieux qu’ils peuvent
sans rien d’autre que leur peau, leur chair, leur lubricité qu’ils appellent
bien sûr amoureuse. C’est merveilleusement artificiel. Ils parlent la langue de
la cour en alexandrin et autres vers rimés et cadencés. Ils jouent du biniou,
de la cabrette ou je ne sais encore quel autre instrument primitif. Tout est
fondé sur le langage et donc sur l’artificialité des personnages et des
situations. Une femme peut être un homme, l’amour n’est qu’un concept verbal,
et même, disons le clairement, verbeux qui se consomme avec du lexique et de la
rimaillerie. Il suffit de penser à la « Fille de l’ouvreuse et du sapeur
pompier » pour qu’aussitôt Phèdre se dresse impériale et majestueuse
devant nous drapée « de Minos et de Pasiphaé ». Tout n’est qu’artifice
et donné ainsi aux porcs à la fois jouissifs et culinaires, ni cachère ni
hallal, c’est vraiment de la confiture donnée aux pourceaux.
Mais que faire de cette confiture de fruits rares
et de senteurs douçâtres et mielleuses ? Que faire de ces scènes qui en
deviennent risibles car tellement artificielles ? Tout n’est qu’apparences
et il faut les sauver du mieux qu’on peut. Malheur à l’acteur ou à l’actrice
qui ne sait pas faire semblant et qui se donne à son rôle comme si c’était réel
et vrai, j’entends bien sûr entre les personnages pas entre les acteurs. Le script
dit d’embrasser, j’embrasse, même si ce que j’embrasse n’a de nom dans aucune
langue civilisée. L’acteur est comme un labrador qui doit être dressé et qui
fait ce qu’on luit dit. Et les actrices ne sont pas mieux mis à part qu’elles
pleurent comme des madeleines de Proust. Alors princesses embrassez toutes les
bêtes de l’Apocalypse et vous nous sauverez d’une catastrophe.
On rit aux bêtises d’un tournage qui n’a rien de
réel mais qui a tout d’irréel et cela doit faire rêver quiconque sait qui est
Verlaine, vous savez ce poète au genre ambigu qui aimait Rimbaud d’un amour pas
du tout ambigu et dont le révolver dont il a blessé Rimbaud vient de se vendre
un demi million d’euros. Mais ce que je dis ici est un crime de lèse majesté
des poètes pérambulatoires qui hantent nos classes de terminale et nos
arrière-cours renaissance. Ils ne font que les hanter car ils sont des spectres
sans la moindre réalité. Car en définitive au plus profond du malheur de cette
humanité notre sort est celui de Caïn. Tuer d’abord et subir ensuite.
« On fit donc une fosse, et Caïn
dit ‘C’est bien !’
Puis il descendit seul sous cette
voûte sombre.
Quand il se fut assis sur sa chaise
dans l’ombre
Et qu’on eut sur son front fermé le
souterrain,
L’œil était dans la tombe et
regardait Caïn. » (Victor Hugo)
Cela me touchait à 15 ans plus que
les bergeries de Marie Antoinette et les rupestres pitreries des poètes de cour
de Louis XIV. « Par dieu, cachez ce sein que je ne saurais voir. » Quant
à le regarder, tout à loisir tout du soir et de la nuit mais à condition de ne
pas toucher. « Mais n’te promène donc pas toute nue ! » Toujours
à 15 ans je préférais le Capitaine Nemo, digne ancêtre du Capitaine Haddock, ou
encore Lagardère, bossu ou non. Mais ces bergers qui font des chichis pour
savoir s’ils doivent regarder la bergère dans la rivière ou bien détourner les yeux
pour regarder le berger dans la meule de foin, et entre les deux mon cœur balance,
ces bergers dis-je me laissaient pantois et pantelant sans que j’ai jamais su
de quel côté mes yeux clignaient, sans compter que comme je louchais je pouvais
même me permettre de ne pas choisir. Mais il est vrai que sans faire de
manières quand le vin est tiré il faut bien le boire.
Mais je suis sûr que vous trouverez
quelque charme à ce film négligemment batifolant dans les prairies de certaines
montagnes moyennes entre un mouton et une licorne. Les deux bien rôtis sont
excellents. Ajoutez-y un acteur ou une actrice, mais eux vous pouvez les
consommer crus, bien qu’il soit ou fût conseillé de les déshabiller d’abord. Bon
appétit.
Dr Jacques COULARDEAU
# posted by Dr. Jacques COULARDEAU @ 2:58 PM