ÉRIC-EMMANUEL SCHMITT – LE LILBERTIN – BERNARD MURAT -
2007
La pièce est légèrement trop longue. Il est vrai qu’un
libertin ça libertine mais là le libertinage est un peu en roue libre parfois
et la route comme monte ici et là ce qui rend la roue libre un peu poussive.
L’idée de base est amusante : peindre le
grand, le célèbre, l’inénarrable Denis Diderot en philosophe mécéné par un
quelconque noble et qui s’adonne à son passe-temps favori puisqu’il n’a pas de
soucis d’argent, la philosophie qui est le farniente corporel et la surchauffe
mentale d’un part et d’autre part à une sexualité débridée faite de courtisaneries
et de libertineries, toutes activités musculaires, musculantes et musculatoires,
et encore pas tous, les muscles, et faites de plaisirs de bouche, et là tous
vraiment. A misère sociale il faut des mots nouveaux pour guérir les maux
anciens. Et la misère sociale chez notre Denis est qu’il est entretenu par la
noblesse qu’il est sensé exécrer mais qu’il tolère largement tant qu’elle paie.
Alors entre une escroque qui se dit peintre, l’épouse
légitime, la fille, une amie de la fille et son « assistant », sans
compter le chat de l’antichambre, il est très occupé, et encore on nous épargne
une petite aventure de tendresse avec l’assistant, ce qui aurait changé de la
sauce baroquement perpétuelle de sa cour facile, et de ses tentatives successivement
interrompues. Avec Diderot le coïtus ne risque pas de porter de fruits :
il est interrompu plus souvent que de coutume.
On apprend que l’éthique renvoie à la morale et que
la morale renvoie à l’éthique. On appelle cela un cercle vicieux, ce qui est un
comble pour morale et éthique. Je vous dis pas à quoi vertu va renvoyer, à
petite probablement, et petite renverra à culotte, et on aura un nouveau cercle
vicieux, la quadrature du cercle en quelque sorte en ajoutant que culotte
renvoie naturellement à sans-culotte. Et envoyez nous un air de Carmagnole, et
deux ou trois milles aristocrates à la guillotine.
A force d’être sérieusement un philosophe
dilettante et un amant inachevé Diderot risque fort de finir comme un renard
belge. Si vous ne savez pas la spécialité du renard belge, demandez donc aux
Wallons, ils vous diront s’ils se rappellent qu’ils nous doivent bien cela
puisque ils ont volé les pinderlots del Castafiore entre le château de
Moulinsart et la Boucherie Sans-Os.
Mais que reste-t-il après tout ce charivari
amoureux, enfin hormonalement perturbé ? Pas grand-chose sinon quelques
bons mots et des aphorismes sans importances puisqu’ils sont débités si vite qu’on
n’en entend que les virgules et les pauses. Il est vrai que si les acteurs avaient
parlé normalement la pièce aurait duré trois heures. On ne fait plus ça depuis
Louis XIV et la Révolution Française a remplacé la roue qui faisait un
specatcle d’au moins douze heures, et encore il fallait parfois achever l’acteur
sur sa roue qui n’en finissait pas de mourir, par la guillotine qui permet d’étêter
cent nobles ou contre-révolutionnaires en environ trois heures et si on a une
batterie de cinq guillotines, cela prend encore moins de temps, j’entends moins
d’une heure, surtout qu’on a économisé en ce temps sur le prêtre et ses bouffonneries
pour mourants programmés. Laissez-les donc mourir ! La première
industrialisation, enfin proto-industrialisation, de la peine de mort. Et encore
ils auraient pu brancher la machine à vapeur d’un autre Denis, le Papin, pour
remonter la lame plus vite. Prochaine étape Allemagne 1933.
Dommage car on peut lui en faire dire des sottises
à Diderot et à son Jacques, ce Jacques que l’escroque-peintre a tenté de
peindre avant que le Diderot ne passe une robe de chambre, sans chemise et sans
pantalon bien sûr, et parfois on pourrait y trouver une perle dans une meule de
foin. En d’autres termes la pièce souriante m’a parfois rappelé l’étable des
fermes où je passais mes étés : elle m’a remémoré l’odeur du foin et même
son goût quand j’étais puni à dormir et manger avec les vaches. Heureusement la
laitière ou le vacher venait me consoler la nuit. Et ni l’une ni l’autre n’étaient
circoncis
Dr Jacques COULARDEAU
# posted by Dr. Jacques COULARDEAU @ 3:09 PM