Monday, October 31, 2016

 

Babillages lettrés de messieurs con-s-typés

ROLAND DUBILLARD (1923-2011)– LES DIABLOGUES – ANNE BOURGEOIS – 2009

Un humour si grinçant et si froid qu’on tire la couverture à soi et qu’on s’emmitoufle dans une peau d’ours grizzly chauffante branchée sur panneaux solaires. C’est un de ces humours que l’on ne peut supporter qu’en scène car dans la vie réelle c’est exécrable, horrible, abominable et tous les gens moyens, bien dans le rang, intégrés comme les pièces d’un puzzle achevé se révolte contre ce type de remarques qu’ils prennent nécessairement comme des insultes.

C’est du genre (pas de citations de Dubillard ou d’un autre, simplement de ma vie quotidienne quelque part rue Taitbout à Paris 9, car vous savez les droits d’auteur et surtout le droit moral) qui suit :


« Comment ça va ?
-- Mal bien sûr, avec un air abattu et lassé qu’il répond, le grossier et bourru personnage.
-- Eh bien, voilà que je regrette déjà d’avoir demandé, sur un ton de colère et même de ressentiment sinon de haine. »

Que voulez-vous que ce pauvre homme y fasse puisqu’il va mal et que cela ne changera pas parce qu’il répondrait la réponse encensée et aussi insensée des bonnes convenances comme si les convenances faisait vivre un homme : « Bien, merci et vous ? » C’est alors que nos deux zèbres sur la scène pourraient se lancer l’un comme l’autre dans la liste de tous leurs maux et ils en ont plus qu’une charrette et ils concluraient, l’un comme l’autre, après s’être asséné des coups de cancer plein la figure, et quand je dis figure, « On ne parle pas de corde dans la maison d’un pendu ! Raison de plus de ce pendu-là ! »


Je dois dire que devant cet humour qui enfile des gouttes, des billes, des bulles et oublie les berlons, les berles, les agates et autres petits objets ronds qui amusent les gamins de l’école primaire pendant la récréation, des objets mâles car ces boules-là comme bien d’autres ne sont que des attributs des garçons dans les cours de batailles de marrons à l’automne, au point qu’à Bordeaux ils n’avaient planté que des marronniers d’Inde stériles. . . Devant cet humour donc je reste un peu choqué, moitié pensif, définitivement jaloux, plutôt reconnaissant, mais bien sûr totalement en désaccord avec le parisianisme d’un des deux personnages, le personnages de toute façon dominant. Dans un couple il y en a toujours un qui joue le rôle de l’homme. Et de là Dubillard pourrait se lancer dans la roulade jusqu’en bas de la pente pour ensuite y lancer ses boules de billard ou de pétanque à la tête des moqueurs.


Les deux acteurs sont bons mais on sent de bout en bout qu’ils ont fait ce spectacle cent fois et que sans faillir ni sans périr ils ont répété les mêmes répliques soir après soir et parfois deux fois dans la journée, en matinée et en soirée. S’ils osaient il le ferait aussi à l’heure de la messe ou pour shabbat puisqu’ils n’utilisent aucune machine, aucun ustensile mécanique et qu’ils ne se déplacent qu’à pied. On pourrait alors penser qu’il s’agit d’un kaddish pour le dépérissement de notre monde de consommation aveugle et d’injustice proclamée. J’entends déjà le violoncelle du  AVINU MALKEINU de Barbara Streisand (https://www.youtube.com/watch?v=0YONAP39jVE).


N’y a-t-il que Paris pour produire cet humour si noir, si lexical, si guttural, si charnel parce que purement sémantique ? J’ai bien peur que oui, bien que je connaisse quelques Juifs qui en font autant, et parfois avec le sourire. D’ailleurs comment allez-vous ? Une question à ne jamais poser à Mr Sammler, un personnage d’un prix Nobel de littérature qui s’engage alors dans au moins une demi-heure d’explications sur toutes les opérations qu’il a subies, qu’ils a appréciées, dont il est très fier. . .  sur son lit d’hôpital, pourvu du moins que sa mère ne soit pas là : pas de chance elle est restée quelque part en Pologne et ses cendres font pousser le blé.


Il est sûr que les formules consacrées, s’entend bien sûr sacrées absolument idiotes, de la vie quotidienne en prend pas mal dans la figure et le fondement, même si les seules références à des femmes, dont une épouse qui n’aime pas la musique de placard, comme je la comprends, semble un tantinet misogyne et que Dubillard ne me dise pas que certains de ses meilleurs amis étaient des femmes. Pour moi les femmes on peut les aimer que si elles sont nos meilleures ennemies, et j’en sais quelque chose. Alors on a une ou deux amitiés mâles dans quelque placard. Mon dieu que cette musique de placard est étrange ! Comme dirait ou chanterait Leonard Cohen : « Don’t pass me by, please. » (https://www.youtube.com/watch?v=W90723antCM).


Dr Jacques COULARDEAU



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