Thursday, September 22, 2016

 

Que l'ennui est ennuyeux!

BRUNO DUMONT –TWENTYNINE PALMS – 2002

Ils étaient partis à cinq il y a deux films. Ils étaient arrivés à trois il y a un film. Et voilà que maintenant ils ne sont plus que deux. Ils fondent comme glace au soleil, soleil californien d’ailleurs. Et notre Bruno Dumont national de France ou régional du Nord nous fait le coup de filer à l’américaine dans un désert quelconque de Californie, palmiers et soleil au rendez-vous mais aucun scorpion, aucun serpent à sonnettes.  Et ce n’est pas des sornettes, car j’en ai vu de ces bestioles piquantes et mordantes en Californie.


En fait il nous joue le coup du remake de « Zabriskie Point » (1970) d’Antonioni, mais sans l’avion volé, sans les villas de luxe dans le désert, sans le romantisme militant anarchiste-communiste de UCLA, sans le débat racial des noirs sans les blancs et des blancs contre les noirs, mais les flics blancs et noirs contre tous. Rien que deux personnes, un couple à l’ancienne bien hétéro et bien calé sur une seule chose, les rapports charnels. Quand on n’a pas autre chose à se mettre sous la dent…


C’est qu’il n’y a vraiment rien dans ce désert. Pas de musique! Pas d’action ! Des scènes immenses de silence et de quasi non mouvement ! Mais l’ennui absolument à en mourir ! Alors on se fait le coup de s’aimer à jamais alors qu’il ne s’agit que de rien d’autre que du charnel, du carné, du viandé, viande rouge oblige, sans poésie, sans douceur, sans autre chose que directement sans attendre sans préparation sans répit et sans la moindre pause. Où que ce soit, dans la piscine, dans le sable, sur des rochers, au motel, mais ne parlons pas de positions : là c’est plutôt limité. Mais on fait ce que l’on peut et quand on peut peu on peut pas plus.

L’amour se fait parfois vache et colère, et la vache ne rit pas. Quelques coups, des cris et des pleurs, bref rien de bien fascinant ni de bien attendrissant, certainement pas émotionnel ou touchant, bien que cela attendrisse la viande de quelques coups de poing ou de gueule bien placés.


Et tout cela, les 90% du film, ne mènent qu’à une scène de violence extérieure qui va durer cinq minutes, qui se veut donner du sens à l’absurde, peut-être, car le sens que cette violence donne n’est pas glorieux. Et tant pis pour les spoilers.

Elle finira probablement violée mais on n’a pas besoin de voir car on a déjà vu puisque l’amour pour son mec c’est du viol à répétition. Elle n’en développera pas un traumatisme excessif car elle a l’habitude et ses cris, ses pleurs et ses scènes d’avant ce n’était que de la protestation contre l’absence de tendresse. Comme dans un autre film plus ancien : « Et la tendresse, B… » (1978)


Mais lui aussi, le pauvre David a rencontré son Goliath et il est désarmé, déculotté et violé à son tour. Et là il en conçoit un de ces traumatismes qu’il en ensanglantera la chambre du motel et il ira mourir dans le désert, nu bien sûr, comme il se doit.

L’anglais est à peu près audible, le français est incompréhensible. De toute façon il y a si peu de parole qu’on ne peut même pas appeler cela du dialogue et de plus c’est insensé, comme le pauvre David qui ne touche pas bien sa bille en français le dit avec regret.

Alors que reste-t-il ?


Un immense désert d’humanité. Un petit Jésus qui n’en finit pas de se dresser sur sa croix avant de mourir. Et ils n’arrivent pas à toucher terre tellement ils sont englués dans la poussière de ce désert. Mais que font-ils donc là, comme des rats qui quittent le bateau de la ville, de Los Angeles, par peur d’un naufrage et s’enlisent dans une mer sèche où ils se noient dans l’ennui et l’aberration ?

Quand il ne reste plus que la viande du boucher à l’étal de la vie, on n’en finit pas de se mourir de mélancolie et de tristesse. Alors on regrette la beauté fulgurante d’Antonioni et la douceur époustouflante de Patrick Schulmann. Bruno Dumont nous a enfermés dans un couple traumatisé et tétanisé par la vie. Quelle tristesse ! Il n’avait vraiment aucune raison d’aller en Californie pour dire cela et peindre ce carambolage immobile comme gelé à l’écran d’un GPS en panne. Il le fait bien mieux quand il est dans son bocal et dans son eau, car qu’il le veuille ou non il est un poisson du canal de Roubaix, de Tourcoing ou même de la Deûle, à deux pas de la Citadelle Vauban de Lille.


Dr Jacques COULARDEAU



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