Friday, September 30, 2016

 

Plus que d'imprudence, cet homme fait preuve d'impudence

JEAN-MARIE BESSET – RUE DE BABYLONE – THÉÂTRE DU PETIT MONTPARNASSE – 2006

Un autre « two-men-show » avec une scène de dénuement presque complet d’un des deux acteurs dans la dernière partie, un dénuement qui n’a aucun sens, et ne rime à rien car après avoir quitté les épaisseurs protectrices il va ressortir en plein décembre peu avant Noël dans la rue avec un simple pantalon et un veston, et pratiquement rien d’autre, en tout cas aucun autre vêtement de corps, sauf un caleçon de coton léger.

Ceci étant dit, et qui relève de la mise en scène, la confrontation entre ces deux hommes est simplement incongrue et absurde. Elle n’aurait pas du avoir lieu. Le directeur de journal qui laisse entrer un SDF dans le hall de sa résidence dans le 5ème arrondissement, je n’y crois pas le moins du monde. Même s’il est le directeur d’un journal dit social.


Le directeur du journal pour lequel la femme écrit des chroniques non spécifiées et qui a une liaison avec une autre femme à la fabrication du journal, la composition si j’ai bien compris (un domaine qui a aujourd’hui pratiquement disparu puisque les journalistes et rédacteurs fournissent tout en numérique normalisé), est une histoire à dormir debout, non pas qu’elle est invraisemblable, mais parce que la femme saurait sur la liaison en moins de temps qu’il n’en faudrait pour la cacher. En plus le soir très tard et en prétextant le journal. Cela ne tient pas debout. La femme rédactrice à ce journal, même de chez elle, ne peut pas ne pas savoir les rythmes de fabrication et de gestion du dit journal. Des réunions de rédaction le soir tard ne peuvent concerner qu’un journal de l’après-midi, suivez mon regard. Mais dans ce cas la femme saurait et dans ce cas à ce moment-là il ne saurait y avoir de temps vide pour les gens à la fabrication. Pour un journal du matin une personne travaillant à la fabrication n’est plus au journal car le journal est en train de sortir des rotatives.

Mais suspendons notre réticence.


La confrontation d’un nanti avec un SDF à deux heures du matin est aussi improbable qu’impossible, même dans le 5ème. N’importe qui, sauf un malade mental accepterait de simplement répondre à la moindre avance d’un SDF dans ces conditions. Un SDF en chasse à deux heures du matin, j’en doute extrêmement. Dans un beau quartier ? Encore plus. L’homme aurait du fuir ventre à terre. Et il s’attarde, et il répond à une question absurde, « Auriez-vous soixante-dix centimes ? » et répond même après vérification, « Non mais j’ai trente-cinq centimes. »


Passons outre ces incongruités. La discussion qui s’ensuit est gentille mais sans queue ni tête. Et l’homme finit par monter dans son ascenseur, et il revient avec du jambon, du fromage, du pain, et s’il vous plait, une bouteille de Château Margaux. Une bouteille de vin je veux bien, mais nouvelle vinification ou un simple Beaujolais, mais pas un Haut-Médoc qui n’a pas de nouvelle vinification sous son propre nom. Et ne croyez pas que la nouvelle vinification à des prix entre 2 et 5 euros, y compris du Médoc, y compris du Saint-Émilion, mais pas du Château Margaux, ni du Mouton Rothschild qui se respecte trop pour mettre du vin sous leur nom de marque à 4 euros 50 la bouteille dans les supermarchés, ce ne soit que pour les pauvres : les connaisseurs en savent plus que cela. Je défie qui que ce soit qui n’est pas un goûteur professionnel spécialiste de ces vins de voir ou goûter la différence de ces vins de nouvelle vinification inventée dans les années 70-80 par les départements d’œnologie des universités de Bordeaux et de Californie (Davis). En fait descendre un tel vin de Château pour un SDF ce n’est même pas de la charité, c’est de l’insulte.

Descendre en plus du jambon blanc est une assumation que le SDF n’est ni juif, ni musulman, ni bouddhiste, ni bien d’autres choses. Servir du fromage est OK, un fruit eût été bien et un vin en bouteille mais ordinaire comme un simple Beaujolais, nouveau ou non.


La discussion révèle peu à peu que le dit SDF espionne l’homme depuis pas mal de temps et l’homme assumera – encor une fois – que l’homme est un maître chanteur quand il lui révèle qu’il a observé sa liaison et son manège dans la voiture de la dame. Et pour couper court le directeur de journal lui refile mille euros. Absurde. Tout le monde sait que la meilleure façon d’entretenir un chantage est de payer le maître chanteur. Mais il y a encore plus trouble.

Il se révèle que l’amante de l’homme a été la compagne du SDF pendant sept ans à New York où ils étaient artistes de music-hall. Et le SDF veut récupérer la dite dame et donc revient à la charge pour coincer l’homme, lui prendre son téléphone où il y a le numéro de la dame, liquider le concurrent et partir avec l’argent, le téléphone et l’espoir de récupérer sa compagne d’antan après que le bruit de la mort du directeur de journal sera apaisé.


Bien sûr c’est de la plus pure folie car il a laissé ses empreintes et bien d’autres choses y compris son ADN sur le lieu du crime et comme la compagne ne semble pas vouloir revoir le SDF, autrefois compagnon, elle parlera plus que certain.

C’est amusant de vouloir faire se confronter face à face et sans témoin un SDF et un directeur de journal de l’après-midi, mais c’est simplement impossible au milieu de la nuit. Mais pourquoi donc l’auteur veut-il ainsi démontrer par des constructions « savantes » que les SDF sont toujours des ruines sociales qui ont des motivations qui sont loin d’être brillantes, qui sont criminelles, et que l’on doit avoir « pitié » d’eux ? Mais là où Samuel Beckett attendait Godot avec ses deux SDF qui ne feraient pas de mal à une mouche, on a aujourd’hui une vision criminalisée des SDF. Le romantisme social a bien régressé. Et même les adultes savent qu’ils ne doivent pas parler à des inconnus, ou du moins ne doivent pas répondre, de jour comme de nuit, et surtout de nuit, à leurs questions ou demandes.

Les acteurs font du mieux qu’ils peuvent et produisent un spectacle assez avenant. Mais la matière est simplement incroyable, j’entends qu’on ne peut pas y croire.


Dr Jacques COULARDEAU




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