AUSTIN PENDLETON
– JEAN-MARIE BESSET – ONCLE PAUL – THÉÂTRE DU ROND POINT – 2005
Une pièce simple, peut-être trop simple, certains dirons simpliste.
Un neveu débarque à l’improviste chez son oncle atteint du sida. Il fut un
acteur qui eut du succès en son temps mais n’a laissé derrière lui qu’un vague
souvenir. Il est marié mais séparé. Il a eu une vie à double orientation et en
est devenu HIV positif puis atteint du sida. Il a son traitement dans quatre
petites boîtes à pilules ou gélules. Son appartement de New York est un vrai
capharnaüm.
Le neveu est une tornade peut être blanche mais certainement perturbante
pour cet oncle en fin de vie qui se laisse aller progressivement sans presser
le pas mais sans rien faire pour changer le cours des choses. On apprend que
cet oncle a désiré le neveu depuis l’âge de huit ans mais qu’il a
systématiquement rejeté un tel désir. Le désir pédophile d’un oncle pour un
neveu est un lieu commun : les enfants violés en bas âge le sont
principalement pas des membres ou des proches de la famille.
Il semble que l’agressivité du neveu vient d’un désir profondément refoulé
et vocalement et bruyamment rejeté. On ne rejette que ce que l’on a un jour
désiré, sinon on est indifférent. Les sentiments hostiles à l’égard de quoi que
ce soit sont fondés sur une peur d’être contaminé, envahi, dominé, pris, etc.,
et comme qui se ressemble s’assemble, cette peur pose la possibilité que cela
arrive et donc que l’on soit comme celui dont on a peur, ou que l’on devienne
comme celui-là. C’est encore là un lieu commun ce qui fait que la visite à
l’improviste et l’hostilité vociférante du neveu laisse entendre que la
situation va se retourner tôt ou tard. Il s’agit simplement d’attendre le bon
moment. C’est là un handicap pour la pièce car alors on perd un peu l’intérêt
pour la situation puisqu’elle entre dans un schéma courant, mais on reste
éveillé cependant car après tout l’auteur pourrait être un bon auteur et donc
trouver une autre sortie.
Et c’est là que la surprise nous prend à la gorge. L’oncle rentre d’une
audition manquée en banlieue de Paris pour le rôle d’Hamlet pour lequel il n’a
même pas auditionné car il s’est lancé dans une diatribe sur Hamlet qui haït
les femmes plus que toute autre chose, une interprétation de Hamlet gay qui s’ignore :
rien de neuf sous le soleil car en ce qui me concerne j’ai enseigné cet
Hamlet-là, entre autres, à l’Université de Californie à Davis en 1973-4. Le
résultat pour l’acteur fut un remerciement poli. Surtout qu’un Hamlet de 55 ans
est un peu difficile. Mais le théâtre permet tout. C’est donc la dépression. Le
neveu est allé passer la nuit dehors, revient et s’exhibe pour prendre un bain.
Il se sèche et se rhabille rapidement pour la dernière confrontation avec son
oncle.
Et là la fin attendue arrive et la sauce de cette fin attendue est un peu
surprenante au temps qui est le nôtre, même à New York. Le théâtre, sauf à
mettre une pancarte donnant la date, ne sait pas distinguer les années 90 des
années 80 ou des années 2000. Il ne le peut que par des artifices que sont la
mode ou la musique. Rien de cela n’est utilisé ici et la seule musique qui
entraine une danse du neveu en solitaire est une musique électro-acoustique
violente digne du 21ème siècle, au moins. . . Donc la pièce joue dans le temps présent de la
représentation. On ne meurt plus du Sida comme autrefois car on a un traitement
adéquat pour le contrôler si on prend le virus le plus tôt possible. On vit et
meurt AVEC lui par contre et non par lui. On meurt éventuellement d’une
complication.
C’est là que la fin est surprenante d’une certaine façon. Le neveu est allé
se faire contaminer par une rencontre sélectionnée pour son état de santé
sidéen avancé et il revient chez son oncle pour se donner en non protégé à cet
oncle et partager avec lui jusqu’à la fin la maladie qui est maintenant leur
maladie commune. Il y a là une morbidité à faire pleurer. L’amour permet-il
cela. L’amour oui, mais s’agit-il d’amour ou plus simplement de désir ? Le
neveu et l’oncle n’ont rien en commun sinon la maladie par accident pour l’oncle
et par choix pour le neveu. L’oncle est un acteur qui a fini sa carrière et le
neveu est un raté intégral.
Que reste-t-il après le festin quand les plats servis à cent personnes
n’étaient que pour dix ? Que reste-t-il après l’acte charnel quand le
désir étant satisfait l’amour doit prendre le relais, et il n’y a pas d’amour
dans ce cas, car il n’y a rien de commun sinon la morbidité de la maladie. « Je
t’aime parce que tu as le sida et tu m’aimes parce que j’ai le sida »
semble un peu pervers et limité.
Le jeu des deux acteurs est cependant un peu trop déclamatoire jusqu’à la
conversion désirante du neveu si bien que la conversion venant, le ton
changeant radicalement on se demande d’où vient cet amour et une certaine
tendresse entre les deux hommes, tendresse que l’on évoque dans les deux
dernières minutes. Le miracle de la mort dans la vie.
Dr Jacques COULARDEAU
# posted by Dr. Jacques COULARDEAU @ 3:48 AM