LA VIE TRÈS PRIVÉE
DE MONSIEUR SIM – 2015
Il s’agit d’une comédie un peu molle mais plutôt surprenante en fonction de
l’angle de vue, de la visée du spectateur. Si vous voulez de l’action, un
rythme fort ? de comédie certes mais fort quand même, vous vous êtes
trompé d’adresse.
Le personnage principal qui est le sujet même du film et donc de la comédie
n’est pas à proprement parler comique. Il est même plutôt du bois dont on
pourrait faire des portes de prison. Il est hautement dépressif après une
séparation résultant de son incapacité à écouter l’autre et à se mettre au
niveau de l’autre. Il ne parle que de lui et il ne juge rien autrement que par
lui et en fonction de lui, non pas de ses intérêts, car il semble avoir très
peu d’intérêt pour ses intérêts, mais en fonction de ce que lui penserait ou
comment lui réagirait s’il était dans la situation concernée.
Il vit ainsi une psychose grave qui s’alimente du manque de communication
avec d’autres, du rejet même de la communication quand elle se présente car
cela limiterait son auto-expression et en conséquence du rejet par les autres
du fait de cette absence de communication. C’est un cercle vicieux dont on ne
peut pas sortir. Dommage. Point d’orgue et point final. Premier point de vue
que l’auteur du film lentement repousse.
Le mérite du film est d’essayer de faire remonter le personnage dans son
passé pour voir où les choses ont bloqué. Pour ce faire il a besoin d’interlocuteurs,
au moins d’un, et il va prendre son GPS qu’il appelle Emmanuelle comme
interlocutrice, et elle va d’autant mieux jouer le jeu que tout se passe
dans la tête de ce pauvre Monsieur Sim. Et Emmanuelle va faire sortir le tigre
de sa cage.
Pour ce faire Monsieur Sim guidé par son GPS a besoin de quelques outils et
ce sont trois choses.
D’abord une nouvelle qu’il extorque à son ex-épouse en entretenant avec
elle une relation internet par un chat quelconque et en se faisant passer pour
une femme mariée. Enfin bref la persona parfaite. L’ex-épouse mord à l’hameçon
et de confidence en confidence elle lui envoie la nouvelle qu’elle vient d’écrire
et qui concerne un événement récent qui l’a amenée à rompre avec son mari, qui
ne l’oublions pas est derrière la persona qu’il assume sur ce chat. Ce texte
sera révélateur. La fosse aux lions du prophète Daniel.
Puis il rencontre l’oncle d’une connaissance qu’il s’est faite dans un
aéroport et sur un avion. Cette jeune femme l’invite à un repas de famille pour
qu’il devienne l’interlocuteur personnel, privée, intime de sa propre mère qu’on
comprend veuve (bien qu’elle ne l’ait pas prévenue par avance), mais c’est en
fait avec l’oncle de cette connaissance qu’il va établir un lien et celui-ci
lui donnera un livre sur un navigateur solitaire anglais qui va le bouleverser
dans les jours qui suivront et qui surtout va l’amener à regarder un autre cas
de solitude et d’engagement non tenu parce que non tenable. Il refuse l’hypothèse
du suicide car se projetant en lui il refuse d’envisager sa propre mort par
transfert de celle de ce navigateur solitaire. Les transferts de Freud, ici un
cas impossible. Bien vu donc, Monsieur l’auteur du film.
Enfin il récupère à Roanne un manuscrit de son père qu’il lit bien sûr. C’est
un manuscrit autobiographique qui révèle les circonstances dans lesquelles il a
été, lui Monsieur Sim, conçu. Pur accident conséquent à un déboire sentimental
gay qu’il n’est pas capable à l’époque d’assumer d’abord et qu’il manque par la
plus simple négligence, très peu de temps après.
C’est là que le film devient un peu douteux. Avec les souvenirs de Monsieur
Sim adolescent, avec un rendez-vous à Saint Etienne qui tourne mal avec son
grand amour d’adolescent qu’il n’a jamais réussi à réaliser, l’auteur du film
nous oriente vers une espèce de transmission de l’homosexualité du père sur le
fils, peut-être pas génétique mais au moins comportementale. C’est là un
behaviourisme à l’américain, à la Skinner, facile qui a prouvé plus que souvent
qu’il était raciste et ségrégationniste.
L’orientation sexuelle est le résultat de bien des paramètres mais elle est
aussi un choix. A père gay refoulé il ne saurait y avoir fils gay refoulé. Si c’était
aussi simple les pires personnes anti-mariage gay et anti-homoparentalité
aurait absolument raison, et on sait parfaitement que cela est faux. On a
aujourd’hui trop de cas observés, légaux ou non, d’enfants élevés par deux
parents de même sexe, qu’ils soient amants ou pas, hommes ou femmes, pour qu’on
puisse dire qu’il n’y a aucune transmission automatique de l’orientation
sexuelle de ces parents aux enfants qu’ils élèvent. D’ailleurs de nombreuses personnes
gay ou lesbiennes sont issues de familles hétérosexuelles à l’orientation
claire et bien définie.
Ce film donc touche à un sujet assez poignant mais il implique une
conclusion qui n’est absolument pas justifiée, pour une raison simple : l’amour
n’est pas l’échange de fluides hormonaux. On peut aimer sans cela. On peut
aimer avec rapports physiques. On peut aimer une personne avec ou sans rapport physique
intime et avoir une pratique physique purement hormonale sans amour en dehors
de cette relation. Si on devait avoir des échanges hormonaux avec toutes les personnes
qu’on aime, nous n’en finirions pas, et il faudrait commencer avec ses propres
parents et frères et sœurs. Les rapports physiques intimes libérés du 21ème
siècle ne remettent en rien en cause l’amour qui est tellement plus que cela,
et parfois n’est pas cela du tout.
Dr Jacques COULARDEAU
# posted by Dr. Jacques COULARDEAU @ 3:18 PM