Thursday, December 17, 2015

 

Joas annonce Jésus, Joad annonce la Passion

JEAN RACINE – ATHALIE – 1691

Jean Racine est un mentaliste spiritualiste. Il croit en la spiritualité mentale de l’homme, en sa force créatrice et libératrice quand cette spiritualité mentale est dirigée vers un objectif émancipateur qui dépasse l’échelle humaine de qui porte cette spiritualité, et c’est ce dépassement qu’il appelle dieu, c’est cette spiritualité mentale humaine qui dépasse les limites matérielles de l’individu et même de l’espèce qui font que l’homme peut directement matérialiser les forces de cette spiritualité mentale qui par là-même en devient divine. L’important ce n’est pas que Dieu existe mais que dans ma spiritualité mentale je saisisse ce dépassement, cette dimension supérieure pour que dieu se réalise en moi et par moi et que je devienne son agent, son messager, son soldat même, voire son guerrier.


Vous avez dans cette problématique tout ce que l’on appelle le pari de Pascal. Que vous croyez ou non en dieu, il vous suffit de pratiquer les gestes et les paroles de la spiritualité mentale du dépassement de vos limites matérielles pour que dieu s’installe en vous et que vous deveniez sa création. Dieu dans la coutume de votre vie quotidienne devient alors votre seconde nature et cette seconde nature divine inspire, sous-tend et renforce la coutume de votre vie quotidienne. A force de prier le Seigneur, à force de remercier Dieu, ce Seigneur et ce Dieu prennent vie en vous.


Athalie est l’histoire d’un épisode qui correspond totalement à cet engagement janséniste de Racine. Athalie, reine de Judée d’origine sumérienne et pratiquant la religion de Baal a épousé le roi de Judée, juif bien sûr. Un jour son dieu lui a inspiré le besoin de purifier son environnement et donc d’exterminer tous les descendants de David dans sa famille, en premier lieu son mari, le père de ses enfants et ensuite tous ses enfants plus les oncles, les neveux, les tantes, les nièces et les cousins et cousines au point qu’il ne restait plus qu’elle dans cette famille royale de Judée. Un peu de brutalité guerrière tient le peuple juif en respect et soumet tous les autres à un esclavage sans merci. Elle respecte cependant le temple de David et Salomon, le grand prêtre de ce temple et les Lévites qui le servent. Ce qu’elle ignore c’est que le fils le plus jeune de son mari assassiné a survécu à ses blessures et a été enlevé par sa nourrice qui l’a remis au temple.

Cet enfant n’apprend la vérité comme tous les autres autour du grand prêtre, de son épouse et de la nourrice, que quand Athalie perturbée par un rêve qui lui a révélé le danger qu’un enfant lui faisait courir et après avoir reconnu cet enfant dans ce fils d’elle qui a survécu sans qu’elle le sache, exige qu’on lui remette l’enfant pour simplement l’exterminer, dans un raffinement qu’on peut imaginer. L’enfant est alors couronné et cela crée un renversement car les rois des tribus d’Israël se rebellent alors et soutiennent le nouveau roi. La reine Athalie a été attirée dans le temple par sa cupidité, sa stupidité aussi, et le piège se referme et elle finira exécutée.


Racine utilise cet épisode biblique pour renouer la descendance de David sans laquelle il n’y a pas de Jésus, et ainsi l’exprime le Juif Abner qui sert Athalie comme chef de ses armées :

« Ce roi fils de David, où le chercherons-nous?
Le ciel même peut-il réparer les ruines
De cet arbre séché jusque dans ses racines? » (Acte I, Scène 1)

Joas, ce fils qui a survécu au massacre, est alors le lien nécessaire entre David et Jésus. Le récit qui affirme que dieu seul gouverne au destin des hommes et que ses desseins sont impénétrables devient alors la preuve fondée dans la foi, la conviction qui n’a rien de rationnelle mais tout de surnaturelle, que Jésus est bien le descendant de David par la décision de dieu lui-même. Dieu a choisi la lignée ininterrompue de David, et sauvée en cela par Joas, pour investir son fils et sa mission.

Mais Bacine est au courant des trois cultures qui s’affrontent et derrière les trois religions qui s’affrontent aussi. D’une part la religion de Baal, sumérienne ou babylonienne d’Athalie. D’autre par la religion juive de Joas et Joad, le grand prêtre, des Lévites et des Juifs des douze tribus. Enfin la religion de Nabal, le conseiller, comprenez l’esclave personnel, de Mathan, ce juif qui est devenu le prêtre du temple de Baal auprès d’Athalie. Nabal se définit ainsi :

« Pour moi, vous le savez, descendu d'Ismaël,
Je ne sers ni Baal, ni le Dieu d'Israël. » (Acte III, Scène 3)


Cette religion est celle d’Ismaël, le fils qu’Abraham a eu de son esclave arabe Hagar, un fils en rien né de l’amour mais seulement de la dépendance. Ce fils Ismaël est bien sûr l’ancêtre de tous les Arabes qui au 7ème siècle développent à partir de cet héritage l’Islam et Le Coran sous la maîtrise de Mahomet. Ces trois cultures : celle des Zoroastrien descendus du plateau iranien et qui vont devenir les Indo-Européens est ici représentée par Baal et Athalie ; celle des Arabes qui deviendra l’Islam est représentée par Nabal, un esclave lui-même ; et enfin la religion Juive représentée par Joad et Joas. On remarquera que la religion de Baal disparaîtra et que beaucoup plus tard les Indo-Européens en premier lieu développeront à partir de la religion juive la troisième (deuxième chronologiquement) religion à base sémite, la religion chrétienne qui sera aussi vue comme une trahison par les Juifs du Temple. On voit alors que le message de Jean Racine est certes que Joas sauvé par le grand prêtre du temple de Salomon relie la chaine qui permet à Jésus de descendre de David, mais aussi ce grand prêtre contient en lui ce qui causera le supplice de Jésus, ainsi exprimé par Joas confronté à Athalie :

« JOAS : Vous ne le priez point. [mon dieu]
ATHALIE : Vous le pourrez prier.
JOAS : Je verrais cependant en invoquer un autre.
ATHALIE : J’ai mon Dieu que je sers ; vous servirez le vôtre.
Ce sont deux puissants dieux.
JOAS : Il faut craindre le mien ;
Lui seul est Dieu, madame, et le vôtre n’est rien. » (Acte II, Scène 6)


Quand cela est dit, tout est dit. Le Dieu des Juifs seul est dieu et donc le Dieu de Jésus, qui est Juif mais non orthodoxe et non soumis aux grands prêtres du Temple de Jérusalem, ne saurait être quoi que ce soit, ne saurait être que rien. Il n’y a pas à frémir devant cet antisémitisme hébraïque de Jean Racine. L’antisémitisme était monnaie courante à l’époque et d’ailleurs pogromes et ghettos quotidiens aux mains des Chrétiens.

Cette pièce cependant est presque devenu marginale à cause de ce conflit d’intérêts avec le monde moderne qui condamne aujourd’hui l’antisémitisme sans voir que les Arabes étant des Sémites comme les Juifs, tout anti-islamisme ou anti-arabisme sont nécessairement des antisémitismes, ce qui d’ailleurs explique pourquoi en France depuis quelques temps et surtout depuis le 13 novembre tant les agressions anti-juives que les agressions anti-islamistes et anti-arabes (au sens général d’anti-musulmanes) suivent une courbe ascendante sans précédent dans ce pays. Ce qui explique que l’émigration juive de la France vers Israël est maximum dans le monde et la « migration » de combattants jihadistes tant hommes que femmes de la France vers l’Etat Islamique est aussi maximum dans le monde, avec peut-être la Belgique en annexe ou en banlieue de la France.


Jouer une telle pièce est jouer avec le feu, mais ne pas la jouer est une censure culturelle. Surtout qu’en plus le style de Jean Racine, sa langue poétique sont probablement à leur plus haut niveau dans cette pièce tardive, d’autant plus tardive qu’elle est son testament.

Dr Jacques COULARDEAU




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