SALIHA AZZOUZ –
CONTACT LAW – 2015
Les Français enfin se mettent à publier des manuels d’anglais en anglais.
Cela semble naturel, et pourtant cela est une innovation récente et les cours
en anglais dans les universités continuent à défrayer la rumeur et les aigreurs
de tous les professeurs d’université qui ne parlent pas d’anglais qu’un enfant
auvergna t de trois ans. Cela ne concerne que l’enseignement supérieur
évidemment. Dans ce cas précis cela concerne les études de droit. Et pourtant
les éditeurs s’arrangent à mettre l’essentiel de la couverture et de la page de
titre en français. Comme quoi on n’apprend pas à de vieux singes à faire la
grimace.
Je vais me permettre quelques remarques dans le désordre, au fur à mesure
de mon parcours de l’ouvrage. Je mélangerai sans vergogne le français et
l’anglais.
Pourquoi page 7 y a-t-il une note en français dans le texte
principal ? Cette note en plus est titrée de deux expressions latines que
les Anglais, mais aussi les Américains, adorent. Les notes de bas de page sont
des traductions mot à mot et font donc double emploi avec le
« glossary » final. C’est pratique de ne pas avoir à tourner les
pages, mais c’est mauvais mnémotechniquement et donc pédagogiquement car sans
effort il n’y a pas d’acquisition. En rendant facile ce travail de traduction
au lieu de compréhension qui doit à tout prix disparaître on l’encourage et
donc le maintient, ce qui empêche l’acquisition des sens (au pluriel) des mots.
Si on considère ici le « Bilingual Glossary » je ferai plusieurs
remarques.
J’aurais nettement séparé le « legalise » ou « jargon
juridique » comme d’ailleurs elle en donne un exemple pages 53-55 pour
tous les composés de « here », « there » et « where ».
Mais pourquoi alors retrouver quatre de ces composés dans le glossaire :
« here », « hereafter », « hereto » qui donne
« the hereto parties », « heretofore », concernant « here »
(plus quatre composés de « there » et aucun de « where ») alors
que dans les pages précitées l’auteur donne 33 dérivés de ce genre construits
sur « here », « there » et « where ». Remarquons
qu’il y en a beaucoup moins en français qui soient de ce genre (« ci-après »
et « ci-inclus »).
Mais pour revenir à l’anglais le glossaire a un défaut important. Alors que
les adverbes sont dûment identifiés, les verbes ou les adjectifs ne le sont
pas. Ainsi on a « claim » : faire une demande, donc verbe mais
non indiqué soit par une catégorisation comme les adverbes (vb. Comme adv.),
soit par la particule de l’infinitif « to ». La traduction est trop
vague : c’est le terme qu’utilisaient les nouveaux arrivants dans un
territoire ouvert aux Etats-Unis pour recevoir une parcelle de terre. On voit qu’alors
le « Claims Office » dans la conquête de l’ouest a un tout autre sens
non couvert ici avec toutes sortes de dérivés du genre « fraudulent
claims » et « land claims ».
Ce manuel ne donne pas l’histoire des mots listés dans le glossaire. Et
l’index ne permet pas de les retrouver dans le texte.
On a ensuite « claim » : réclamation. C’est un nom mais on
voit tout de suite que la traduction est insuffisante et négative. Il faudra
alors m’expliquer ce qu’est le « State Farm – claims office » de El Paso,
Texas.
On a ensuite « claim » non marqué comme verbe bien que traduit
par réclamer sans plus de précision. C’est insuffisant. “You can only
claim what you are entitled to getting due to a contract you have signed, a
license [note “licence” is not standard at all in American English either as
verb or as noun.] you have duly acquired or a law that gives you some privilege
or some right.” La traduction
réclamer est beaucoup trop négative. D’où le dernier « claimant » :
traduit par requérant est loin de la valeur de ce mot et un requérant est
quelqu’un qui introduit une requête or « claim » n’a jamais été
traduit dans ce glossaire comme signifiant requête, qui n’est pas une réclamation.
Notons en plus que le terme « claimant » en Grande Bretagne a un
sens propre dans le domaine social ou syndical ou simplement
professionnel : quelqu’un qui a un droit reconnu, quel que soit ce droit.
Sous Margaret Thatcher il existait un « Claimants Union » pour
s’opposer à sa politique et aujourd’hui des « claimants unions » se
mettent en place localement. L’auteure me dira que ce n’est pas un manuel de
droit social. Certes mais le droit social est fondé sur des pratiques
contractuelles et légales, de code ou de jurisprudence que l’on appelle
« common law » dans les pays anglo-saxons.
Dans ce glossaire il y a d’autres éléments surprenants. Par exemple
« fee » au singulier n’est en rien un honoraire mais un tarif de
service public ou privé comme le tarif des transports en commun, et encore de
façon concrète : « Two pounds is the fee I paid from Westminster to
Tooting Bec. » Pour des avocats, docteurs et autres professions libérales
on emploie normalement le mot au pluriel « fees » sur le modèle
j’imagine de « wages » et ce n’est pas le seul mot pour le français
honoraires car il existe « An honorarium; a fee for
services of no fixed value » généralement au pluriel,
« honoraria » ou « honoraries » employé comme nom bien sûr
car en adjectif il a un tout autre sens et ne prend pas le pluriel. Notez en
plus que le « h » n’est pas aspiré en anglais pour « an hour »,
« an heir », « an honor », et « an honest man »
ainsi que tous les mots commençant par « h » et ne portant pas l’accent
tonique sur la première syllabe. Ici l’accent tonique est sur la première
syllabe de « honorary » ou « honorarium » ou « honoraria »
mais la racine est « honor » d’où la non aspiration de l’ « h ».
Dans la législation et la réglementation des salaires, revenus et fiches de paye
ce terme est standard. Et « fees » avec ce sens s’emploie au pluriel,
bien que la plupart du temps « fees » fera alors référence au
paiement d’un service non-libéral et qu’il peut alors s’employer au singulier.
La « Latin Contract Terminology » est une excellente idée mais
largement insuffisante par rapport à la quantité d’expressions latines dans les
procédures judiciaires, juridiques et contractuelles tant en Angleterre qu’aux
Etats-Unis. Remarquons que l’expression latine employée page 7 « obiter
dictum » n’est pas listée. La traduction de « quid pro quo » par
contrepartie est insuffisante. C’est un terme latin qui remonte au Moyen Âge et
donc à des pratiques féodales concernant la propriété mobilières et
immobilières, sans oublier que la propriété mobilière comprenait le « chattel »
c'est-à-dire tous les animaux domestiques ET les serfs.
L’index est beaucoup trop court (notons que le glossaire aurait du stipuler
la première page ou chaque terme concerné était mentionné dans le texte) et
donc insuffisant. Mais il lui manque trois pratiques contractuelles
importantes, hélas me semble-t-il non abordées dans le texte, à savoir le
copyright, les patentes (ou brevets) et la pratique de la vente ou la
cession ou la location sous licence.
Dans ces domaines on a un discours mixte qui concerne la pratique contractuelle
générale mais aussi la pratique spécifique de chacun de ces trois domaines.
Revenons maintenant à la structure des chapitres qui est la même pour tous
sauf le troisième qui n’a pas ce que l’auteure appelle des
« activities » et qui deviennent à la fin du manuel des
« exercises » quand elle en donne la « key » c’est à dire les solutions (p. 117) Ces
« activities » sont toutes des exercices d’application du savoir
donné dans les chapitres et en rien un travail de recherche par exemple d’une
jurisprudence particulière ou d’une décision de la Cour Suprême spécifique. Les
étudiants sont ainsi traités – et croyez-moi je le regrette et je sais que les
étudiants le regrettent aussi – comme des machines à assimiler et non des
moteurs de recherche (au singulier car il s’agit de faire de LA recherche).
L’auteure dira que c’est le travail du professeur. Mais je dirai que c’est le
manquement de l’auteure qui à chaque chapitre aurait du ajouter deux ou trois
activités suggérées qui soient des activités de recherche et d’approfondissement.
On n’a plus le droit de traiter – comme cela se fait toujours en France – les
étudiants universitaires comme des bachoteurs de lycée, et croyez-moi que je
regrette que les étudiants de collège et lycées soient traités comme de simple
bachoteurs. On sait le ou les résultat-s qui s’ensuive-nt.
Notons uniquement pour l’anecdote qu’on ne peut pas simplement définir
comme l’implique l’exercice page 15 le Commonwealth comme une simple
« federation of states ». Le Commonwealth n’a rien à voir avec les
pays qui se définissent comme des fédérations ou des états fédéraux : les
Etats-Unis, l’Allemagne, ou la Fédération de Russie, sans parler de l’es-Yougoslavie.
Une telle définition pose problème, mérite débat et je suis persuadé que ce
terme serait mal reçu par beaucoup au Canada, en Australie ou en Nouvelle
Zélande, sans parler des anciennes colonies qui ont conservé une attache très
lâche avec la Grande Bretagne, comme par exemple le Sri Lanka. Les pratiques
constitutionnelles sont des pratiques contractuelles que ce soit en contrats
dits sociaux ou que ce soit en lois fondamentales.
La « Part 3 » est pratique mais réserve quelques surprises. Je
n’ai en aucune façon l’ambition d’être exhaustif. Page 64 « shall »
n’est pas défini. Je ne peux qu’approuver le conseil d’être très prudent, mais encore
faudrait-il savoir le danger. « Shall » implique une prédiction
future basée sur l’existence d’une loi, d’une règle ou d’une relation
d’autorité. « Shall » n’exclut en rien le non respect de cette règle,
de cette loi, ou de cette autorité. La désobéissance citoyenne est même un
droit universel de l’ONU. « Shall » implique donc que étant données
les réglementations ou les pratiques contractuelles courantes un certain agent
est pronostiqué comme allant faire telle ou telle action et que vous devez vous
attendre à ce qu’il le fasse. La limite courante à la première personne est
bien sûr absurde, mais l’auteure ne semble pas faire cette erreur. Réfléchissons
à des exemples comme : « Of course he shall do it because I say
so. » Ou encore « you shall not kill. » Il est clair que dans
ces deux cas « must » est impossible. Dans le premier cas il est Presque absurde. Il n’y a aucune obligation,
mais il y a une acte d’autorité quasiment terroriste. Dans le deuxième cas ne
pas le faire est défier l’autorité divine, ce qui représente tout au plus un
manquement éthique. Parlez-en aux forces de police américaines qui abattent des
jeunes noirs comme s’ils étaient des cancrelats. « Thou shall not kill »,
qu’ils chantent ensuite tous les dimanches dans leurs églises et leurs temples.
Il ressort alors de ce chapitre que l’étudiant ne sait pas pourquoi il ne doit
pas utiliser « shall » non pas parce qu’il n’a pas compris mais parce
qu’on ne le lui a pas dit.
Notons que « must » implique une obligation qui s’applique au
sujet concerné mais ce sujet concerné peut désobéir. Ce sujet conserve un degré
de liberté. « Of course I mustn’t cross when the light is red but I have
no time to waste, so I will go on doing it, and let the cop who can catch me
give me ticket for jay-walking. » D’un autre côté « have to » ne
saurait accepter un manquement. « OK, let’s talk but I must catch a train
in twenty minutes. . . (fifteen minutes later) Well thank you for your opinion but now I have to catch my
train. » Il n’est pas impossible de trouver quelqu’un qui vous
dira: « Of course you must NOT do it, you could even say you shoudln’t do
it, in fact you don’t need to do it, but you have to do it because you cannot
evade my order and my presence. So just do it and stop bickering. »
Le « Grammar reminder » est une bonne idée.
Page 121 concernant les adverbes, « only » dans « only
because » ne se rapporte pas à la conjonction ici de subordination mais à
la subordonnée conjonctive complète. Non pas « the conjunction » mais
« the conjunctive clause. » De même dans « only after »
l’adverbe ne modifie pas la préposition mais le complément prépositionnel qui
se compose normalement de la préposition « after » et d’une groupe
nominal complet. Dans « You go only after him » l’adverbe
s’applique à « after him ».
Page 124 « uncountable » est possible en anglais mais serait
gênant en français car on ne fait plus la diffférence oralement entre un nom
comptable et un non-comptable et cela entraine des erreurs. Je considère qu’il
serait plus judicieux pour des étudiants francophones d’opposer
« countable » à « compact ». Il manque cependant une
catégorie de ces noms compacts : ceux qui désignent un processus, une
procédure, une action, un phénomène parfois naturel comme dans : « Ø walking
is important », « Ø nomimnalization is fundamental in all human
articulated languages », ou encore « John put Peter under Ø constant
pressure till the end of his exam. »
Cela implique d’ailleurs que pages 125-130 sur les articles il n’y ait
aucun système et surtout que l’opération de généricité de la détermination de
l’extension d’un nom ne soit pas explicitée alors qu’en français et en anglais
elle s’applique de façon contradictoire comme dans « Je n’aime pas les
chats » (pluriel défini) contre « I don’t like cats » (pluriel
indéfini). Encore une fois le système est extrêmement formel dans les deux
langues et on ne trouve pas cela dans ces pages qui sont une suite de cas
particuliers.
Page 132 il y a une erreur de « typographie » qui produit un non-sens :
« A judge might a order a contract to be . . . »
Page 135 une erreur magistrale est faites sur tous les nombres à partir de
mille. Toutes les tranches de trois chiffres sont marquées par une virgule en
anglais. L’auteure ne respecte pas cette règle pour un seul de ses exemples.
Sauf pour les dates, toutes les tranches de trois chiffres sont marquées par
des virgules. Notons d’ailleurs que pour la préhistoire quand on passe à 10,000
BCE et au-delà vers le passé on utilise normalement des virgules qu’on a pu
éventuellmement négliger jusqu’à 9999 BCE. Cette faute est énorme car les
Français utilisent la virgule pour les décimales et qu’entre 3,141 (three
thousand one hundred forty one) et 3.141 (three point one for one) il y a le
fait que le second est PI un nombre plus qu’important en mathématiques car il
est en fait devenu de facto un concept, celui de la circularité des choses.
Il y a une erreur dans la façon d’écrire et de lire les dates. Les Britanniques
ont des pratiques qui peuvent varier et ce que l’auteure en dit est juste mais
il y a une erreur du côté américain : New York Times : Friday, August
28, 2015, The Guardian et The Financial Times ne donnent même pas la date sur
leurs éditions virtuelles, The Times (London) donne Friday, August 28, soit la
même chose que le New York Times. Si bien que quand l’auteure dit que les Américains
sont spéciaux car pour « 2nd/2 June à the second of June, June the
second » « ‘the’ is often omitted in American English » elle se
trompe car en américain l’ordre standard est le mois puis le jour comme dans
« 9/11 » qui ne saurait être le 9 novembre et qu’alors « June
2 » écrit dans cet ordre se lirait « June second » et même
probablement « June two » et au-delà définitivement « June
three. . . June twenty two. . . »
Enfin pour conclure page 171 dans les ressources je suis étonné qu’elle
n’ait pas mentionné le US Code (http://uscode.house.gov/,
notons d’ailleurs l’extension du domaine pour les sites gouvernementaux US
qu’elle ne mentionne pas non plus), ni la US Supreme Court (http://www.supremecourt.gov/), ni le
site de la Cornell University (http://www.lawschool.cornell.edu/)
qui a un centre de ressources sur la loi sans équivalent, le Legal Information
Institute [LII] (https://www.law.cornell.edu/)
qui donne les lois et les décisions de justice avec commentaires faits par les
professeurs de la Cornel University Law School.
Ce livre n’a pas de concurrent en France mais est loin de ce que l’on peut
attendre d’un manuel universitaire de niveau licence-mastère car en anglais
l’Internet regorge de ressources et avec LII de discussions et de questionnements
de et sur ces ressources. Si l’auteure voulait amener ses étudiants à vraiment
réfléchir et construire dans le domaine choisi elle suggèrerait tout un travail
personnel d’étudiant sur la loi (constitutionnelle, commune et de code) et
toutes les procédures de niveau au moins fédéral et de Cour Suprême sur les
conflits contractuels concernant le copyright, les patentes (ou brevets) et les
licences de session quelles qu’elles soient. En fonction du niveau des
étudiants il suffit de concentrer sur un cas particulier, une décision qui fait
jurisprudence particulière ou une décision de la US Supreme Court pour vraiment
permettre à tous d’avancer de L1 à M2.
Si j’avais un conseil à donner aux étudiants je suggèrerais qu’au lieu de
dépenser 19 euros sur ce manuel (que les étudiants peuvent acheter à trois ou
quatre) ils feraient mieux de consacrer au moins huit heures par semaine à
travailler sur les ressources de la Cornell University, voire les MOOC dans le
domaine, et en anglais bien sûr pour à la fois pratiquer l’écoute et la lecture
ou l’écriture.
Dr Jacques COULARDEAU
# posted by Dr. Jacques COULARDEAU @ 7:18 AM