Wednesday, January 28, 2015

 

Le délire est si grand qu'on le croirait tremens

BERTRAND BONELLO – SAINT LAURENT – 2014

Il s’agit là d’un film adulé. Il serait intéressant alors de se demander pourquoi il est autant adulé alors que son concurrent, « Yves Saint Laurent », est passé sans véritablement faire de vagues. La différence anecdotique est que Pierre Berger était pour l’autre et contre celui-ci. Mais rien n’est simple en ce bas monde, alors on peut se poser bien des questions. Serait-ce une sporte de réponse de la bergère ?


Je vais simplement me demander ce qui donne à ce film un attrait si irrésistible que certains ont qualifié d’hypnotique.


D’abord il fait l’impasse sur le peu utile épisode de l’Algérie et se concentre sur l’adulte en France qui va bouleverser le monde d’une vision endiablée et enflammée de la chair qu’il faut bien habiller au risque de laisser la nudité envahir nos rues et nos salons. Il est un enfant du baby boom et le film le place résolument dans cette dynamique qui commence aux alentours de 1956. Le film sait manier tous les médias et tous les arts qui ont bouleversé l’âme de ce monde de l’après monstruosité, ce qui n’implique en rien qu’il n’y a pas eu et qu’il  n’y aura plus de monstruosités dans ce monde.


Yves Saint Laurent apparaît alors comme un enfant pourri que le monde de la France franco franchouillarde aurait bien pu éliminer par puritanisme républicain et laïque sur la simple question de sa non conformité sexuelle et de sa non-conformité addictive, quelque part dans un hôpital militaire. Il cherchait dans la vie tout ce qui pouvait la faire dérailler de la normalité. Bref il était le diable et une république laïque ne peut pas tolérer le diable car celui-ci implique quelque part un dieu ou des dieux. Alors on déclare ce diable fou, caractériel, psychotique, voire même schizophrénique, schizo comme disent les gens branchés de la classe moyenne intégrée.


Le film alors puise dans la musique de ce temps-là et dans les informations prioritairement télévisées et cinématographiques de l’époque. De Gaulle traverse la coulisse et la scène en grand inspirateur qui n’a laissé de souvenir que son nom. En fait de Gaulle comme Yves Saint Laurent étaient des iconoclastes de l’ordre établi pour trouver un ordre nouveau qui soit généreux et humain. Et je pèse mes mots. L’ont-ils trouvé ? En ces temps de Pays Bas triomphants dans le doute érigé en morale obligatoire pourvue qu’elle soit absolument non-religieuse, nous voulons dire non-chrétienne et non-juive mais bien évidemment anti-la-troisième-religion-à-base-hébraïque, nous pouvons en douter. Et Yves Saint Laurent rêve d’un Mohamed et d’un Ali derrière la Gare du Nord dans les gravats d’un chantier en remplacement du Jacques que Pierre Berger lui interdit.


Le film ensuite produit un tourbillon d’images composites et d’écrans mosaïques qui font danser ensemble des images qui n’ont que peu à voir les unes avec les autres. Il réinvente ou même peut-être invente le cinéma polyrythmique à l’image – c’est le cas de le dire – de la musique polyrythmique afro-américaine qui nous submerge alors, y compris dans ses formes françaises comme Sheila, Sylvie Vartan et Johnny Halliday. Il n’hésite devant aucune référence pour ancrer son discours dans le monde moderne des flux croisés, parallèles et antiparallèles, convexes et concaves, centrifuges et centripètes de l’information Internet de nos tablettes folles et de nos téléphones soi-disant smart et qui ne sont que maelstromiques ou maelstromés. Il cite même Jacques Brel entre deux tranches d’Andy Warhol, entre une Valérie Saint Laurent qui VaiSseLle et celui qu’ils épargne d’un Emile Saint Laurent fictif qui ferait ÉSL, aisselle.


Cela permet de faire passer un  discours dominant sur Yves Saint Laurent et de le centrer sur la seule mode féminine comme s’il avait réinventé la Vierge Marie ou Marie-Madeleine, comme s’il avait réinventé les Rois Mages et la Passion pour être capable de produire quelques parures qui ne sont que des peintures superficielles de la chair qu’elles enveloppent. Yves Saint Laurent par la drogue, l’alcool, la promiscuité multi-sexuelle et la débauche poly-sexuelle a réussi a proposer à la planète et aux femmes une façon de s’habiller qui ne soit qu’une mise en valeur de leur chair pour le plus grand plaisir des magazines de mode et des journaux dits féminins. La femme est devenue un objet d’adulation non contrôlé et cette adulation non contrôlé fétichisée dans les fringues dont elles cachent ou révèlent leur chair n’est que la libération en l’homme de l’imaginaire machiste de la possession pour la seule satisfaction de pulsions sexuelles chez les hommes ne laissant aux femmes que le soin de jouer leur rôle de fétiches sexuels très richement habillés pour être tout aussi richement déshabillés.


Le film n’est vraiment fascinant que pour ceux qui ont leur conscience intellectuelle et culturelle légèrement en-dessous du nombril. La beauté de la fringue pour les femmes comme pour les hommes ne sont que les fioritures qui allument les instincts sexuels des hommes et des femmes avec des bibelots vestimentaires qui ne font que révéler l’objet du désir tout en le dissimulant, au moins partiellement, demi-nu contre demi-vêtu.


Par contre la scène de la mort est un prodige si on est capable de ne pas se laisser prendre par la lascivité des images de défilés qui défilent dans la mémoire de l’homme mourant à qui il suffira d’enlever ses lunettes pour le rendre funérairement vraiment mort.


Un film qui a tellement de nominations pour les Césars que les Jules du monde entier s’en réjouiront pendant quelque temps : leur business en sera réconforté. La mode est vraiment l’opium de tous les sexes et n’a fait que remplacer la religion qui n’était l’opium que du peuple, et Marx entendait du petit peuple puisqu’il a toujours rejeté tout ce qui n’était pas le prolétariat en dehors du peuple exploité et asservi, seul digne d’être cité par lui.


Dr Jacques COULARDEAU



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