ANN-MARIE B. BAHR
– CHRISTIANISME, GUIDE ILLUSTRÉ DE 2000 DE FOI CHRÉTIENNE – H.F. ULLMANN –
AUSTRALIE – 2009
Si vous aimez les images c’est juste le livre que vous devez avoir. Si vous
cherchez du savoir précis et en profondeur, vous vous trompez d’adresse, je
dirai même que l’adresse de ce livre est plutôt maladroite. Pour juger un tel
livre il suffit de prendre un ou deux points sur lesquels vous avez une vaste
information et voir ce qu’il en est dit.
J’ai pris la période essentielle de l’Europe qui va de 800, le couronnement
de Charlemagne, au 12ème siècle et l’installation complète du
féodalisme. Tout cela peut tenir en trois pages si l’on veut mais vous ne
trouverez pas dans ce livre les choses suivantes sans lesquelles le féodalisme
n’est pas compréhensible.
La réforme religieuse qui supprime le baptême par immersion complète au
profit de la simple aspersion du fait du mouvement massif de christianisation
en fait lancée par le baptême des nouveaux nés pour les protéger dans leur vie
future. Mais cette massive transformation spirituelle et religieuse de l’Europe
se fait par une réforme beaucoup plus profonde.
Le passage des alleux et alleutiers à la propriété féodale du fief et des
serfs qui ne sont pas libres pour pouvoir appliquer la réforme religieuse et la
réforme agricole sur l’entier du territoire sous la direction des Bénédictins. Les
serfs sont attachés à la terre qui leur est confiée pour culture moyennant
l’abandon au profit du seigneur d’une partie de la récolte. Heureux étaient
ceux qui devaient abandonner un pourcentage de la récolte. Malheur à ceux qui
devaient abandonner une quantité fixe de produits. Les mauvaises années
causaient dans le deuxième cas des situations de disette sinon de famine.
On ne dit pas non plus que cette
réforme impose le respect des cinquante-deux dimanches, plus les trois semaines
de fête religieuse (Nativité, Passion, Assomption) plus l’Ascension plus courte,
soit entre soixante-quinze et quatre-vingts jours non travaillés, plus le
respect des angélus.
Le livre de dit rien de la réforme agraire avec une invention, le collier
pour le cheval, et le retour en force de la charrue au soc métallique des
Celtes, la rotation des récoltes, la jachère, la fumure, etc. Sans compter les
nouvelles cultures comme le chanvre et le métier à tisser que l’on va retrouver
chez de nombreux serfs leur permettant de développer un petit artisan personnel
et un petit revenu supplémentaire qui va alimenter les marchés en toile mais
aussi en pouvoir d’achat.
De même la réforme commerciale n’est pas abordée car le mouvement de la
Paix de Dieu lancée par les évêques d’Auvergne au 10ème siècle n’est
pas mentionné. Or c’est ce mouvement qui va permettre le développement des
marchés et des foires européennes avec la protection des marchands dans leurs
déplacements et dans leur séjour sur les marchés et foires.
Pas de mention de la réforme proto-industrielle des moulins à eau
principalement pour le grain, l’huile, le tan (des tanneries), le chanvre
(fibre et toile) et plus tard le papier ramené des Croisades. C’est cette
réforme proto-industrielle, que certains appellent une révolution, qui explique
le succès de la réforme religieuse et sociale en remplaçant le travail humain
par le travail mécanique.
C’est aussi ces moulins qui vont amener le vélin sur le marché européen et
cela va permettre la première étape de l’écrit dans cette société avec les
manuscrits enluminés de ce Moyen Âge seulement possible avec ce vélin « bon
marché » et léger, et ce sous le contrôle des scriptorium des monastères
et donc de l’église.
Sans ces trois ou quatre siècles du Haut Moyen Âge rien de la suite n’est
compréhensible. La Renaissance est dans le développement de la proto-industrie
avec les moulins en propriétés partagée entre les seigneurs locaux et l’église :
le développement commercial est là en germe dans ces activités et leurs profits.
La Renaissance culturelle n’est pas compréhensible si on ne voit pas le
passage de l’oralité complète à une société de l’écrit qui ne trouvera son
triomphe que dans l’importation de l’imprimerie au 15ème siècle,
mais cela fut largement préparé par le développement possible des universités
quand les livres pouvaient exister en quelques douzaines d’exemplaires
transportables en Europe. C’est la naissance de la littérature courtoise qui ne
peut être pensée que dans le cadre de l’écrit sur vélin, et c’est alors la
fixation sur un support perdurable de légendes et de toute une littérature de
création orale mais de conservation et de transmission écrite.
Donc si vous croyez à l’importance des images précipitez vous sur ce livre.
Si vous croyez à l’importance des faits et des idées, vous êtes mal conseillés
de vouloir considérer ce livre. Le seul avantage important est que le livre
pose le christianisme au niveau mondial, mais cela reste le plus souvent
anecdotique.
Dr Jacques COULARDEAU
# posted by Dr. Jacques COULARDEAU @ 1:38 AM