Monday, January 26, 2015

 

Ce livre aurait pu être génial

ANN-MARIE B. BAHR – CHRISTIANISME, GUIDE ILLUSTRÉ DE 2000 DE FOI CHRÉTIENNE – H.F. ULLMANN – AUSTRALIE – 2009

Si vous aimez les images c’est juste le livre que vous devez avoir. Si vous cherchez du savoir précis et en profondeur, vous vous trompez d’adresse, je dirai même que l’adresse de ce livre est plutôt maladroite. Pour juger un tel livre il suffit de prendre un ou deux points sur lesquels vous avez une vaste information et voir ce qu’il en est dit.


J’ai pris la période essentielle de l’Europe qui va de 800, le couronnement de Charlemagne, au 12ème siècle et l’installation complète du féodalisme. Tout cela peut tenir en trois pages si l’on veut mais vous ne trouverez pas dans ce livre les choses suivantes sans lesquelles le féodalisme n’est pas compréhensible.



La réforme religieuse qui supprime le baptême par immersion complète au profit de la simple aspersion du fait du mouvement massif de christianisation en fait lancée par le baptême des nouveaux nés pour les protéger dans leur vie future. Mais cette massive transformation spirituelle et religieuse de l’Europe se fait par une réforme beaucoup plus profonde.


Le passage des alleux et alleutiers à la propriété féodale du fief et des serfs qui ne sont pas libres pour pouvoir appliquer la réforme religieuse et la réforme agricole sur l’entier du territoire sous la direction des Bénédictins. Les serfs sont attachés à la terre qui leur est confiée pour culture moyennant l’abandon au profit du seigneur d’une partie de la récolte. Heureux étaient ceux qui devaient abandonner un pourcentage de la récolte. Malheur à ceux qui devaient abandonner une quantité fixe de produits. Les mauvaises années causaient dans le deuxième cas des situations de disette sinon de famine.


On ne dit pas non plus  que cette réforme impose le respect des cinquante-deux dimanches, plus les trois semaines de fête religieuse (Nativité, Passion, Assomption) plus l’Ascension plus courte, soit entre soixante-quinze et quatre-vingts jours non travaillés, plus le respect des angélus.


Le livre de dit rien de la réforme agraire avec une invention, le collier pour le cheval, et le retour en force de la charrue au soc métallique des Celtes, la rotation des récoltes, la jachère, la fumure, etc. Sans compter les nouvelles cultures comme le chanvre et le métier à tisser que l’on va retrouver chez de nombreux serfs leur permettant de développer un petit artisan personnel et un petit revenu supplémentaire qui va alimenter les marchés en toile mais aussi en pouvoir d’achat.


De même la réforme commerciale n’est pas abordée car le mouvement de la Paix de Dieu lancée par les évêques d’Auvergne au 10ème siècle n’est pas mentionné. Or c’est ce mouvement qui va permettre le développement des marchés et des foires européennes avec la protection des marchands dans leurs déplacements et dans leur séjour sur les marchés et foires.


Pas de mention de la réforme proto-industrielle des moulins à eau principalement pour le grain, l’huile, le tan (des tanneries), le chanvre (fibre et toile) et plus tard le papier ramené des Croisades. C’est cette réforme proto-industrielle, que certains appellent une révolution, qui explique le succès de la réforme religieuse et sociale en remplaçant le travail humain par le travail mécanique.


C’est aussi ces moulins qui vont amener le vélin sur le marché européen et cela va permettre la première étape de l’écrit dans cette société avec les manuscrits enluminés de ce Moyen Âge seulement possible avec ce vélin « bon marché » et léger, et ce sous le contrôle des scriptorium des monastères et donc de l’église.


Sans ces trois ou quatre siècles du Haut Moyen Âge rien de la suite n’est compréhensible. La Renaissance est dans le développement de la proto-industrie avec les moulins en propriétés partagée entre les seigneurs locaux et l’église : le développement commercial est là en germe dans ces activités et leurs profits.


La Renaissance culturelle n’est pas compréhensible si on ne voit pas le passage de l’oralité complète à une société de l’écrit qui ne trouvera son triomphe que dans l’importation de l’imprimerie au 15ème siècle, mais cela fut largement préparé par le développement possible des universités quand les livres pouvaient exister en quelques douzaines d’exemplaires transportables en Europe. C’est la naissance de la littérature courtoise qui ne peut être pensée que dans le cadre de l’écrit sur vélin, et c’est alors la fixation sur un support perdurable de légendes et de toute une littérature de création orale mais de conservation et de transmission écrite.


Donc si vous croyez à l’importance des images précipitez vous sur ce livre. Si vous croyez à l’importance des faits et des idées, vous êtes mal conseillés de vouloir considérer ce livre. Le seul avantage important est que le livre pose le christianisme au niveau mondial, mais cela reste le plus souvent anecdotique.


Dr Jacques COULARDEAU



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