CLAUDE LELOUCH –
LA VIE L’AMOUR LA MORT – 1969
Après la victoire sociale de mai 1968 – en France – et la défaite politique
de juin 1968 – en France – sans parler de celle de Prague un peu plus tard et
de la catastrophe de l’élection de Nixon aux USA, sans même mentionner les
assassinats de Robert Kennedy et de Martin Luther King, un peu plus tôt, les
intellectuels français et les artistes français sont restés désemparés comme
deux ronds de frite oubliés derrière une malle, surtout que l’échec politique
du référendum de De Gaulle fut le fait de Pompidou et de quelques autres qui
surent tirer les marrons du feu dès 1969. Alors la gauche n’avait plus que ses
yeux rouges et noirs pour pleurer, et Jacques Duclos était la pleureuse
officielle.
Ils sortirent alors les problèmes sociétaux de fond, comme dans ce film la
peine de mort. La nouvelle vague qui se voulait apolitique fut bien obligée de
sortir du bois et de devenir idéologique sinon il ne leur restait plus que le
communisme pur et dur, le communisme de guerre à la Brejnev l’éteignoir. Et
Waldeck Rochet était en hibernation dans un hôpital et Georges Marchais prenait
le pouvoir. En bref le paradis.
Ce film est donc nouvelle vague sur sa première partie qui montre la filature
et l’arrestation d’un homme sans que jamais pendant cette première moitié on ne
sache de quoi il pouvait bien s’agir. Lelouch joue sur la focalisation de la
caméra sur le premier plan ou sur l’arrière plan et en plus truffe cette partie
de gros plans dignes de la télévision. Il joue bien sûr sur la couleur pour le
monde extérieur à la prison et le noir et blanc pour la prison, et il ne fait
pas dans le détail : le Quai des Orfèvres, le palais de justice derrière
et la prison de la Santé.
Mais après la première lecture des délibérés du jury qui ne donnent que le
numéro des questions mais pas les questions elles-mêmes, on ne sait toujours
pas les crimes de ce pauvre Tolédo. C’est alors que la deuxième partie du film
permet de passer à un film post-soixante-huitard et donc à entrer dans l’idéologie.
La police n’est plus aveugle et la justice brutale, ou vice versa. On a les
crimes commis devant nous, les prostituées tuées par impuissance sexuelle de ce
pauvre homme. On ne saura jamais pourquoi il est impuissant dans ses actes avec
les prostituées, alors qu’il est père d’une fillette, marié et qu’en plus il a
une amante qui semble très satisfaite.
Là ce sont les psychiatres qui sont totalement aveugles, et j’ai envie de
dire impuissants mentalement, intellectuellement et scientifiquement. Comme l’homme
est conscient de ce qu’il a fait, il est donc responsable et on se contentera
de cela comme on donnera une fessée à un enfant de deux ans qui pisse au lit
car il sait ce qu’il fait donc il le fait exprès. Maintenant pourquoi est une
question qu’un psy raseur de tête et malaxeur de cerveau ne se posera pas.
Alors il ne reste plus qu’à dresser la guillotine dans la cour de la prison
de la Santé, dont j’ai si souvent longé les murs, et se dire que l’île de la
Cité est bénie et donc policièrement justifiée et judiciairement juste puisque
la cathédrale Notre Dame est juste en face. M’enfin comme dirait un certain
Gaston.
Ce film est donc pathétique quand il témoigne du
dilemme artistique et politique des gens de la nouvelle vague avec Jean Paul Sartre
en tête qui se fait maoïste tant qu’on y est. Et ne parlons pas des trotskistes
comme Jospin et bien d’autres, et tout cela pour ne pas être communistes :
la fuite en avant dans la marge pour mieux plus tard retrouver le milieu du
chemin et la conformité réformiste qui ne les mènera pas à Rome mais en
Hollande.
C’est toute cette catastrophique frustration qui ressort aujourd’hui dans
les derniers soubresauts des légions révolutionnaires de la SNCF et des
intermittents. Mieux vaut mourir et faire couler le bateau avec nous que d’accepter
un compromis aussi bon soit-il, aussi inéluctable soit-il, aussi inévitable
soit-il.
C’est comme cela que nos lendemains sont comme des lampadaires : ils
ne marchent pas, ils ne sont que des pissotières pour chiens et la lumière qu’ils
diffusent sent le maquillage vital purement de surface. Non ce n’est pas la
lumière de l’esprit ni de l’âme, encore moins de l’amour ou de la liberté, car
sur les bancs publics sous les lampadaires on ne trouve plus des amoureux qui
se bécotent mais des SDF qui s’ankylosent.
Dr Jacques COULARDEAU
# posted by Dr. Jacques COULARDEAU @ 2:07 PM