YANOWSKI-PARKER –
LE CIRQUE DES MIRAGES – FUMÉE D’OPIUM
Les textes sont faits pour être dits, chantés, hurlés, déglutis même. Ils
n’ont de force que dans le débit ininterrompu d’une bouche qui ne se ferme
jamais avalant, dévalant et vomissant sans jamais s’arrêter. La musique et le
chant, où ce que l’on appellera le chant, ne sont là que pour égayer la galerie
et émerveiller les enfants. Mais quel émerveillement !
Certains diront que cela ressemble à du Léo Ferré, à du Jacques Brel, à du
Jean Ferrat même parfois, et même peut-être à du Juliette Gréco. Quand ce n’est
pas pire encore. En fait de ressemblance disons plutôt que c’est si tellement
original et inclassable qu’il faut bien que nos cerveaux formatés et même
encorsetés dans la camisole de force de la norme trouvent une référence, un
classement, une boîte dans laquelle enfermer ces clowns de cirque, ces
contorsionnistes de foire foraine, ces monstres de saltimbanques et cette
musique qui parfois se veut même tzigane.
Vous sentirez par les seuls mots de ces chansons et la musique, voire la
dramatisation en arrière plan, toutes les émotions fortes qui ont tous les noms
que vous voulez mais qui se résument toujours dans un seul mot final, MORT par
ci et MORT par là, la MORT qui nous mord les jambes et les chairs, qui nous
meurt entre les doigts qui se décharnent au bourbier et au charnier, qui se
marre de rire et de plaisir comme si la vie qui meurt c’était marrant. Et ça
l’est car la vie qui meurt c’est aussi la mort qui naît ou la mort qui vit,
sans qu’on sache plus « Si c’est l’amour qui meurt Ou bien la mort qui
tue ». Rien ne vaut une bonne mort qui vit dans vos pantalons, messieurs,
même si celle-là n’est que petite jusqu’à ce qu’une maladie l’emporte dans la
fosse commune, dans la fausse descente au royaume des morts qui n’ont plus rien
à perdre, ni plus rien à vivre.
Et ils osent tout, y comprend reprendre et transmuter dans une errance
cosmique la ballade des pendus d’un célèbre Villon que Ferré avait déjà bien
servie. Mais ils ajoutent un plat en or pur relevé de dents humaines en opale
et en émeraude, et agrémenté de tous les coulis d’un corps en décomposition
recueillis dans des écuelles qui seront servies demain au mouroir du collège
local, là où des professeurs patentés ensevelissent nos enfants sous une tonne
de savoirs inutiles. Il n’y a à savoir rien de plus que la vie et la mort et
entre les deux l’amour de ceux qui savent aimer, « Ils s’envolent se
désolent. . . Ils s’empoignent puis s’éloignent. . . » Et il ne reste plus
qu’un souvenir que la mort transmet aux glandes endocrines en dessous de la
ceinture de ceux qui ne sont pas encore morts. « Alors sous d’autres yeux
Renaîtront nos printemps Et l’automne. »
Et il ne restera qu’un morceau de brocart sur le rebord de la fenêtre,
preuve qu’un singe, chimpanzé, macaque, ou bien encore tout ce que vous voulez
dans le genre singe blanc ou singe blond, est passé par là, laissant la mort au
corps de l’autre et partant à la conquête d’un monde de vie aussi intemporelle
qu’irréelle. La vie n’est jamais qu’un accumulat « De rêves en dérives De
rives en tempêtes. » Et pourtant nous ne partons jamais de ce port, nous
ne démarrons jamais de cette grève que nous contemplons comme si c’était notre
nombril, et quand je dis notre nombril,
mesdames, ou bien messieurs, si vous êtes dans cette option.
Musique sublime, chant, diction et dramatisation divines, sens des mots,
des phrases et des couplets diaboliques, ou devrais-je Belzébuth-ique ?
Nous sommes tous des enfants nus à gueule de chien qui dansons sous le fouet
qui menace nos parties les plus sensibles lascivement laissées à l’air libre
comme pour entretenir et assouvir la menace du fouet qui peut toujours en arracher
une ou deux de temps en temps pour nous faire obéir aux ordres pervers de la
mort qui a pris la figure humaine de nos tortionnaires.
L’opium serait alors comme une consolation qui nous ferait oublier tout le
mal accumulé dans l’âme des hommes et dans les arrières ruelles sordides de nos
villes qui sont aussi vastes que des boulevards Haussmann ou des champs Elysées
tellement elles doivent contenir de crimes.
Décadent comme du Baudelaire copulant avec Rimbaud sous l’œil concupiscent
de Verlaine d’un côté et la bouche de bave encombrée d’envie d’un Gide.
Dr Jacques COULARDEAU
YANOWSKI-PARKER –
LE CIRQUE DES MIRAGES – EN PUBLIC
Voilà un CD difficile à trouver, mais essayez tant que vous pourrez car il
a peu à voir avec un autre CD facile à trouver. En fait celui-ci accumule les
chansons ou les textes qui portent en eux et en elles toutes les horreurs du
monde prétendument civilisé, surtout les horreurs mentales qui peuplent les
cerveaux dérangés des Français moyens, vous voyez lesquels, tous ceux qui sont
Du-quelque-chose ou encore De-rien. C’est en plus en direct de la cour des
miracles de Victor Hugo, dans son Notre Dame de Paris avec le combat singulier
d’Esmeralda et de Quasimodo.
Vous découvrirez à nouveau le terrible enfant à gueule de chien qui est un
pauvre chien à corps d’enfant, j’entends traité comme un chien, au fouet, et
forcé de danser tout nu dans sa tête de chien pour le plaisir des pervers qui
le regardent et qui se demandent s’il serait amusant de le baiser, de le
sodomiser, car les monstres c’est toujours ce qu’il faut leur faire. Ils ne
comprennent que ce langage. Ce pauvre chien à corps d’enfant révèle bien plus
nos fantasmes d’animalisme pédophilique qu’une quelconque santé mentale. Et
dire que les gens trouvent cela intéressant. Combien ils se trompent, les
pauvres. Ce morceau n’est pas intéressant du tout : il est fascinant et je
vous assure que quiconque l’écoute jusqu’au bout jouira de la bouche et de tous
ses orteils.
Mais il y a quelques morceaux qui font dans l’odieux du barbare.
Vous aimerez les femmes qui dansent et la panique totale de cet homme qui
regarde cette foule en myriades de douzaines de femmes qui se trémoussent sous
la pluie et qui copulent avec chaque goutte de pluie à volonté, autant de fois
qu’elles le peuvent ou le veulent, et avec plaisir, volupté et concupiscence,
en veux-tu en voilà, retournez-y tant qu’il y en a, et je vous assure que la
pluie vous traquera de sa trique froide et juteuse. Pas une femme ne peut
résister et elles se mettent à danser autour de moi comme si j’étais le fruit
défendu qu’elles vont, c’est sûr, cueillir, laver, peler, et dévorer jusqu’au
noyau, et je suis sûr qu’elles vont casser le noyau pour avoir l’amande de mon
âme et la moelle de mes os. J’en tremble de tous mes neurones et tous mes
fluides endocriniens pleuvent au sol souillé de mes déjections apeurées
Et les bonbons de Brel qui deviennent une jambe pourrie que l’on offre
à sa bien aimée en reconnaissance de ses grandes qualités de décoratrice et de
son génie olfactif. C’est que ma bien aimée est comme les docteurs légistes de
ces belles séries américaines qui passent toujours au moins vingt pour cent de leur
temps sur les cadavres en décomposition des victimes. On la surnomme d’ailleurs
Bones, sa bien aimée, surtout que quand je la vois jubiler sur une jambe
percluse d’asticots cela me donne une envie de sauter, je ne sais pas où ni
quoi ni qui, mais de sauter c’est sûr.
Bien sûr ils sont français. Alors ils se doivent d’y aller d’un bon refrain
bien délayé d’antichristianisme. Heureusement qu’ils ne s’essaient pas à
l’anti-islamisme car on aurait la troisième guerre mondiale sur le bas du
dos. Vous ne serez pas étonné d’apprendre que Jésus était un ivrogne et qu’il
mettait à profit la facilité avec laquelle il transformait l’eau en vin pour
s’adonner à sa passion vineuse de lever le coude avec un grand verre de vin
dans la main. Et ses quatre acolytes, Simon-Pierre, André, Jacques et Jean ne
sont pas mieux. Et tout à commencé pour eux quand un jour ils péchaient dans un
état d’ébriété avancé et qu’ils ont vu – ou ne serait-ce pas plutôt bu ? –
Jésus marcher sur l’eau. J’imagine ce pauvre Paul se retourner dans sa tombe
car il restera à jamais le légionnaire Saul et ne sera jamais l’apôtre
auto-déclaré des gentils. Mais ils auraient du s’imaginer aussi l’histoire
ancienne et la jeune Marie à quatorze ans en train de se laisser porter par les
treize contractions de son enfantement de cet enfant du Saint Esprit qui lui
est venu un jour qu’elle s’est penchée en avant pour ramasser le fil avec
lequel elle tissait le voile du Temple de Jérusalem et qu’elle entendit alors
une voix lui dire : « Je suis l’Archange Gabriel ! » bien
qu’elle aurait pu jurer que cette voix était celle du Grand Prêtre. La vie vous
recèle de ces miracles qu’elle vous révèle au compte goutte ! Et c’est
comme cela qu’on fait les enfants.
La danse congolaise de Monsieur de Fressange est une insulte à la bonne
santé mentale du Français moyen. Jamais il ne saurait imaginer une telle
horreur barbare tribale primitive au cœur même de Paris. Bien qu’en ces temps
de missions punitives de citoyens conscients qui partent en chasse contre les
pratiquants de je ne sais quelle quenelle on a comme une odeur de jungle que je
n’oserais pas dire congolaise, car elle est bien loin de l’Afrique, dans les
ruelles de Lyon ou d’ailleurs. C’est vrai que Valls est rentré sain et sauf
d’Algérie, ce qui est déjà une bonne réussite en soi. Vous voyez que la
barbarie des primates colorés même un Président de la République en parle, même
si certains disent qu’il en blague. Il n’en reste pas moins qu’il ne pense qu’à
ça et qu’il ne parle que de ça, même en public.
Mais le clou est la treizième piste et ces barbares qui sont dans Paris. Je
n’en dirai pas plus, mais si vous manquez celle-là vous finirez au fin fond
d’un cercueil bien avant l’âge de la
mort, je veux dire que votre vie aura certainement un goût mortuaire de
funérailles précoces. Et il ne vous en coûterait pas plus qu’un ticket de métro
pour connaître l’extase de l’invasion lubrique.
Dr Jacques COULARDEAU
YANOWSKI-PARKER –
LE CIRQUE DES MIRAGES – DANS LES ARCANES DU TEMPS – CONCERT AU TRIANON –
UNPLUGGED A RADIO France - DVD
Le spectacle au Trianon est assez décevant visuellement car c’est un
spectacle avec très peu de lumière et filmé en direct. Comme les deux artistes
en plus sont habillés dans des couleurs plus que sombres, noir et brun, on se
perd un peu dans un jeu d’ombres ,qui se justifie car les spectateurs doivent
voir peu pour que le texte soit d’autant plus présent. Cependant ici et là une
scène de théâtre d’ombres colorées donne de la lumière, mais ce n’est qu’un
trait d’union entre deux continents de noirceur.
Mais me direz-vous on ne vient pas écouter un poète pour le visuel. Bien
sûr que non. On, vient écouter un poète pour ses mots et sa diction car la
poésie, raison de plus la poésie mise en voix est d’abord et avant tout un
spectacle pour l’âme, pour cet esprit qui nous hante depuis la naissance, et
même un peu avant. Et là le noir importe peu, la vision importe encore moins
car le plaisir est dans les oreilles, entre les deux oreilles. Et dieu seul sait
combien il nous en donne du plaisir. Même si après un certain temps on
s’aperçoit que les dictions sont en définitive plutôt assez souvent les mêmes.
Il y a deux ou trois variantes principales et quelques variations secondaires.
Mais les textes étant écrits pour être dits, ces dictions collent on ne peut
mieux avec les textes et les métaphores.
On se dit cependant qu’on aurait pu varier davantage et probablement
surtout varier les rythmes car globalement c’est une galopade, des récits qui
sont si rapides qu’un CRS y perdrait son radar, et je dois dire que parfois je
perds le fil, mais c’est peut-être fait exprès. Il ne reste plus qu’à se
rattacher au langage corporel, à la gestuelle de l’artiste, et là il n’y a
guère de surprises car elle est plutôt simple et sans surprise, même si
extrêmement agitée, presque fébrile.
On remarquera, si vous avez le volume des textes sous le nez, que les
textes sur scène ne sont pas toujours les mêmes que ceux dans le livre, et en
plus Yanowski ajoute ici et là une transition ou une introduction ou même une
variation quand ce n’est pas parfois un rajout ou un raccourci. Et comme
d’habitude il valorise Fred Parker dans un morceau dont Freddy est le héros,
ici à l’assaut d’une mafia corse. Sans grand succès je dois dire. Braquer des
Corses et se laisser refiler de la fausse monnaie, c’est vraiment très amateur.
Mais le sens de ces poèmes est plus que dérangeant. On retrouve des
morceaux qui sont maintenant classiques pour Yanowski comme l’enfant à gueule
de chien, ou le chien à corps d’enfant, ce monstre pour pédophile animaliste.
On retrouve « Fumée d’opium » qui mérite son poids de fumée en or,
c’est à dire bien moins qu’un lingot. On retrouve un poème très nostalgique,
même morbide, « Ceux qui savent aimer », et là on touche à un thème
récurrent et lourd dans cette poésie, la mort, le grand départ, et comment
passer le pas d’un seul pas sans hésiter. D’autant plus surprenant qu’ici il
s’agit de simplement la séparation de deux personnes qui s’aiment et s’oublient
plus vite qu’il ne faut de temps pour faire l’ébauche d’un premier demi pas.
« Et pourtant ils s’oublient ceux qui ont su s’aimer. »
Ah l’amour ! « Comme si tu étais là » est l’antithèse du
précédent puisque tous les soirs ce pauvre homme fait comme si c’était le diner
en tête à tête où il a passé la bague de fiançailles au doigt de la bien aimée.
C’est tellement obsessionnel que j’ai l’impression qu’il ne l’a jamais fait et
qu’il est obsédé par le souvenir d’un évènement qui n’a pas eu lieu. C’est donc
dans sa tête. Il est donc en train de délirer. Mais Yanowski franchit un pas de
plus avec « L’amour à mort » où il n’y a pas d’issue à l’amour autre
que la mort. « Si bien qu’on ne sait Si c’est l’amour qui meurt Ou bien la
mort qui tue. » Cette morbidité liée à l’amour est surprenante dans sa
terrible constance et dans les évocations de l’amour au fin fond des bordels,
l’amour putassier, l’amour exploité, l’amour de passage, l’amour en courant,
l’amour qui ne s’arrête jamais, l’amour . . . la liste de ces fausses amours
qui ne sont que des actes sexuels sans la moindre profondeur autre que vaginale
est longue. Alors oui, vous saurez assez vite que ce n’est pas la mort qui tue.
Au bout d’un certain temps on sait parfaitement que c’est l’amour qui tue, du
moins l’amour véritable, celui de deux âmes, car alors la vie n’a plus de goût
sinon celui de s’arrêter définitivement, d’autant plus qu’il n’y a pas de
potion contre cette maladie qui n’est pas sexuellement transmissible.
C’est à ces rares moments où Yanowski trouve l’âme de l’homme qui aime,
l’âme de toute personne qui aime, qui aime d’un vrai amour qui ne soit pas
sexuel, ou du moins pas prioritairement ni uniquement sexuel. Ces hommes son t
trop souvent de vulgaires machines à faire l’amour mais faire et éprouver sont
deux choses bien différentes. La première dite hygiénique est cependant celle
qui donne les MST, mais Yanowski connaît toutes les recettes de toutes les
potions qui vous sauveront la peau de toute marque vérolée ou variolée. On peut
cependant avoir des doutes sur tout cela qui n’est peut-être écrit que pour
titiller le public dans ses retranchements libidineux car il y a plusieurs cas
d’encerclement et de siège littéral de l’homme qu’on sent à genoux et vaincus
par des compagnies nombreuses de femmes en folie menaçantes et agressives.
Pauvre Vercingétorix !
Cet amour qui tue, comme pour le plaisir de tuer des gens qui parlent
d’amour ce qui devrait les mener à justement refuser la mort, oublier la mort,
repousser la mort, est le vaste portail ouvrant sur l’autre thème majeur de
cette poésie : toutes les perversions d’une société tyrannique. Il y a le
fonctionnaire municipal et l’huissier de justice qui sont des machines qui ne
se grippent jamais mais qui ne travaillent pas vraiment sinon à vous demander de
faire des myriades de choses qu’eux ne font jamais bien sûr. Et puis vous avez
le contrôleur de la RATP qui vous détruit votre rêve de barbares ayant pris la
ville de Paris et ayant fait table rase de la vie d’aliénation et d’esclavage
qui est la nôtre. Ici il s’agit d’un pseudo fonctionnaire. Il est encore pire
que les vrais car il considère qu’on ne le considère pas suffisamment et qu’on
n’a pas peur de lui quand on le voit, comme les gens ont peur des vrais flics
ou des vrais inspecteurs des impôts. Et Yanowski n’en finit pas de régler des
comptes avec quelques sbires de notre monde où il ne suffit pas de rêver
d’argent pour être riche.
Il peut aussi atteindre l’odieux comme dans « Chez Madame de la
Fressange » qui en plus se veut être une dénonciation des bourgeois. Il
faut être un peu nerveux de la gâchette intellectuelle pour penser que jouer
avec les luttes tribales que les Européens ont laissées derrière eux en
Afrique, qu’ils ont inoculées et entretenues pendant des siècles à partir de l’esclavage
et de la colonisation, et allant jusqu’à la pire exploitation des diamants et
des ressources naturelles en jouant d’une tribu sur l’autre, quand ce n’est pas
en provoquant sciemment un génocide ici et là pour simplement nettoyer un peu
le terrain pour mieux le contrôler après. A-t-on le droit de jouer avec
cela ? Dépêchons-nous de le faire tant qu’on peut car cela risque de ne
pas durer longtemps quand on considère que les Africains sont en train de
comprendre que l’Occident ne leur a jamais voulu du bien et que les seuls qui
ne les ont pas mis en esclavage et ne les ont pas exploités jusqu’à la gorge
sinon même encore plus profond sont les Chinois. Yanowski devrait oublier ce
texte comme un mauvais cauchemar poétique.
Par contre il ya un discours antireligieux qui peut gêner quelques esprits
chagrins. L’antichristianisme m’amuse plus qu’autre chose car il est la plupart
du temps gnan-gnan dans ses contenus et terriblement dépassé dans ses
objectifs. Au vu de la quantité de législation et de propagande développées par
les Français il y a belle lurette que la religion airait du disparaître en
France. Et en fait c’est cette propagande antireligieuse qui semble donner de
la force à la religion. La religion est une des premières inventions de l’homme
il y a au moins 300,000 ans et c’est une des dimensions les plus profondes de
l’esprit humain. J’ai bien dit la religion. Je n’ai pas dit dieu qui est une
invention tardive, surtout dans son monothéisme d’origine sémitique. On peut ne
pas croire en dieu et faire baptiser ses enfants, se marier à l’église et se
faire enterrer à l’église et même aller à la messe de temps en temps car cela
correspond à une forme mentale qui est une des plus profondes, des plus
anciennes, des plus socialisées et des plus persistantes dans l’esprit humain,
cette construction mentale virtuelle que chaque homme se construit au contact
avec le monde extérieur, et cela commence bien avant la naissance. Et c’est la
plus grande sottise française que de croire que la religion est de l’ordre de
la vie privée.
Je regrette que Yakowski sombre trop souvent dans un anticléricalisme et un
refus de la religion par principe car ce n’est pas digne d’un poète qui devrait
être sensible à la spiritualité.
Par contre quand il nous refait le coup de Faust avec « La partie de cartes
avec le diable » je trouve cela très amusant dans la performance bien que
l’écriture soit assez banale, et d’ailleurs dans la performance il est obligé
d’ajouter quelques éléments explicatifs, comme quoi le texte lui-même n’est pas
totalement explicite.
Peut-être que ce poète est plus un acteur qu’un poète ?
Dr Jacques COULARDEAU
PAUL DESALMAND –
ÉDITEZ-MOI OU JE VOUS TUE ! – TheBookEdition – 2013
D’abord taquinons le goujon d’une citation généralement attribuée à
Voltaire mais dont je n’arrive pas à trouver la confirmation d’autorat :
« Les citations sont les béquilles des imbéciles. » Un Inspecteur
Pédagogique Régional (IPR) auquel j’opposai cette citation après qu’il eût
passé une heure à citer in extenso des instructions officielles des Lycées
Professionnels à une assemblé de professeurs de Lycée classiques et modernes et
de Lycées Techniques industriels et commerciaux, menaça de poursuivre en
justice. Pensez-donc Voltaire ! Mais ce jeune IPR ne passa qu’un an (alors
qu’il faut en passer trois) dans son premier poste dans le Nord Pas de Calais
et fut muté à Paris. C’était sous Jospin, Ministre de l’Education Nationale, un
an ou presque avant que Mitterrand le remercie. L’IPR eut une promotion miracle
et le ministre fut le fusible de ce que cet IPR essayait de défendre : une
réforme au bulldozer. Comme quoi Jospin a toujours été un « bully ».
Comment dit-on déjà en français ? Il n’y a pas de mot, vieux rêveur :
élève brutal, tyran, despote, brute, . . .
Tout cela pour dire qu’il y a trop de citation, que l’on n’est pas dans la
situation de « fair use », que ce manuscrit serait refusé par Kindle
Direct Publishing à terme plus ou moins long car en dépassant 15 lignes (90-100
mots) on est en dehors de l’exception pour fait de recherche. En d’autres
termes on entre dans le cas du mashup, de l’ouvrage patchwork, bref de
l’obligation d’avoir l’autorisation des auteurs ou des ayant-droit de l’auteur
70 ans après sa mort. Je n’en ai guère cure, ou si peu, de ce non respect du
copyright – ou du droit d’auteur – mais de toutes façons (au pluriel sic s’il
vous plait) l’abus de citations qui dans certains chapitre représentent jusqu’à
90% du texte (j’ai compté) me lasse car citer n’est pas prouver, loin de là car
alors citer la Bible serait prouver que la vie existe après la mort. Bien que
ce ne serait (je ne veux surtout pas le subjonctif ici) pas trancher entre la
résurrection finale, la vie dans l’au-delà en attendant cette résurrection
finale, ou bien encore la réincarnation ou la seconde naissance.
Ceci étant dit le livre est stimulant sur de nombreux points comme un
massage un peu maladroit et rugueux pour ne pas dire rupestre des dendrites les
plus sensibles chez l’homme : celles des émotions et des passions, car
écrire c’est comme être un devin dans la Grèce ancienne, à Delphes par exemple,
c’est une passion, une émotion, une extrême excitation de tous les centres
vitaux fondamentaux de l’esprit, du cerveau et du corps. Si ce n’est pas cela
alors « Madame Bovary ce n’est pas moi ! »
Je ne vais prendre que quelques exemples.
Le livre est une provocation un peu brutale qui vous force à dire
« JE » face à ce « JE » autre qui s’asserte ligne après
ligne, le plus souvent cependant derrière le paravent de citations. Il est
facile pour toute personne de dire que dans sa vie il y eut un évènement
capital qui changea tout. C’est simplement un phantasme car la psychologie d’un
homme ne se construit pas de la sorte. Un évènement ne sera
« frappant », c'est-à-dire qu’on ne s’en souviendra comme primordial,
que parce qu’il sera le point culminant d’une longue construction patiente et
souvent inconsciente. Le cerveau ne peut pas fonctionner autrement et la
« mind » (désolé le français n’a pas de mot pour cela, alors que le
Pali des Bouddhistes en a huit) de chacun, cette construction virtuelle que le
cerveau génère à travers l’expérience quotidienne depuis bien avant la 24ème
semaine de la grossesse (âge ou le fœtus peut entendre et probablement voir
bien qu’il n’y ait pas beaucoup de choses à voir dans cette situation, mais
plein de choses à entendre), la « mind » donc ne peut surtout pas
fonctionner autrement.
Je viens tout juste de découvrir que le monde était différent de ce que je
voyais depuis l’âge de sept ans et mes premières lunettes et de ce que je ne
voyais pas avant. Je suis en train de découvrir que le monde a trois dimensions
spatiales, ce que je ne pouvais pas voir (n’ai pas pu voir pendent 62 ans)
après ne pas l’avoir vu du tout pendant 7 ans. Avant sept ans le monde était un
flou sans forme car sans profondeur ni épaisseur et tout n’était que des ombres
à des distances non spécifiées (« Il casse tout l’enfant ! »
aimait à dire la mère.) et quand ces ombres s’approchaient elles prenaient une
dimension menaçante. Après sept ans les formes étaient plus claires dans leurs
contours et leurs couleurs, leurs mouvements et leurs expressions, mais point
de 3D à disposition. Seule solution pour saisir la 3D de ce monde plat comme un
décor peint de fond de scène, toucher, voir avec les mains. Imaginez cet enfant
dans son parc pour lequel son père a fait des cubes en bois absolument cubiques
et parfaits et l’aventure que cela a du être pour les saisir, pour les empiler
les uns sur les autres en équilibre, et ensuite pour les faire tomber,
s’écrouler afin de recommencer, et tout cela sans le sens de la profondeur et
donc le sens de l’équilibre guidé par les yeux. Tout est alors dans la main,
les mains, le tactile.
Il est bien sûr alors que les lunettes à sept ans correspondant à la
lecture ouvriront un monde invisible par l’intermédiaire de la vue qui saisit
la surface textuelle et ouvre la porte de l’imaginaire d’un monde qu’il n’a
jamais vu avant et qu’il commence tout juste à voir en 2D plate. Et j’oserais
dire que l’œuvre majeure fut. . . Mensonge ! Le premier livre que j’ai
acheté à 14 ans avec les sous, car ce sont bien des sous, économisés en n’achetant
pas les tickets de tram pour aller en classe, mais en marchant matin et soir
pour pouvoir acheter ce Classique Larousse de la Légende des Siècles d’occasion
dans une caisse devant la porte d’une annexe de la librairie Gibert à Bordeaux
en contre bas de la prison du Fort du Hâ, derrière la Faculté de Droit, à un
jeté de pierre de la cathédrale et de la mairie. Le premier livre acheté, mais
pas la première « œuvre » qui fut en fait le premier livre de lecture du
CE 1, pas du CP. J’ai ce livre de lecture que j’ai acheté beaucoup plus tard en
vieux livre. La première fois que j’ai pu lire une histoire avec mes yeux dotés
de lunettes. Alors vraiment le livre crucial de X ou de Y, je n’en ai cure, ni
mie d’ailleurs. Pourquoi alors La Légende des Siècles ? D’abord pourquoi
le classique Larousse d’occasion en 1958, parce qu’il ne valait sur deux ou
trois francs anciens, quarante ou soixante sous. Puis Victor Hugo parce que je
connaissais ce nom par les livres de lecture, par le cinéma, quelques films que
je n’avais pas nécessairement vus, et par la radio, Paris Inter si j’ai bonne
mémoire qui faisait de Victor Hugo un auteur populaire ou qui jouait sur la
popularité de Victor Hugo pour résister à l’attrait d’Europe 1, RTL ou Radio
Monte Carlo. Alors dire que « La Conscience » me hanta alors et me
hante toujours c’est réduire le long et riche processus de la construction d’un
imaginaire et d’une image virtuelle du monde sans laquelle il n’y a pas
d’imagination.
La Carbuscrit ? A quand l’invenduscrit et surtout la
vieilleriedelavieilleruescrit (page 61-64), tout cela pour faire du matériau
pour pilon et du combustible pour sœur qui quête pour les pauvres qu’ont froid
l’hiver sans poêles. Avec un peu d’aide de l’Abbé du Plaisir de ma classe de
quatrième, cette baie dont nous rêvons tous, garçons et filles, gay ou straight
(l’anglais est bien plus beau que ‘« homo ou hétéro »). Cet abbé
s’appelait Abbé Joubert dans ma paroisse de Saint Martial, un jeune abbé qui ne
m’a laissé qu’un seul souvenir, outre qu’il avait en charge les prostituées des
quais sur lesquels nous vivions : « L’âge n’est pas le nombre
d’années que l’on a vécues mais le nombre d’années qu’il nous reste à vivre
avant de retourner à la maison du Seigneur. »
Page 17 et Paul Carton et sa plutôt triste Trinité de la bonne chère ou
est-ce chair ? Ce devrait être la bonne chaire pour le professeur de
lettres de la faculté de Lettres du Boulevard Pasteur qui disait :
« La poésie de Racine est surfaite avec son ‘Phèdre fille de Minos et de
Pasiphaé’ quand on peut tout aussi bien dire ‘Phèdre fille de l’ouvreuse et du
sapeur-pompier’. » « L’alcool, la viande et le sucre ! »
Certes. Mais de quelles nourritures terrestres Baudelaire s’abreuvait-il ?
Et Toulouse Lautrec ? Et Rimbaud pour sûr qui ajoutait à cela le sexe que
cette Trinité oublie et nous oublions de même que Rimbaud appris la beauté de
l’amour et des vers entre les jambes de Verlaine, pour ne pas parler de ses
aventures sur les barricades de la Commune.
Page 25, « Existent dans l’homme une fibre adorative et une fibre
détestative. La différence entre les êtres ne relève que des
proportions. » Cela semble logique, incontournable pour un esprit standard
pour qui le binaire est la seule logique qu’il connaît. Mais ce binaire n’est
que la systématisation d’une vision superficielle de notre propre corps, du
jour et de la nuit et son extension à toute la réalité qui nous entoure. Et
c’est une erreur. La première correction est de garder cette vision binaire
mais d’en faire les deux extrêmes d’une échelle de variation de transition de
l’un à l’autre. Ainsi à un bout l’adoration et à l’autre bout la dévastation.
Desalmand sent bien que cela ne fonctionne pas. Alors il fait de chaque extrême
la fin extrême d’une échelle de variation et les deux échelles sont parallèles.
Ainsi l’adoration varie de 0 à 10 et la dévastation varie de 0 à 10, et chacun
d’entre nous à un certain degré de chaque valeur. Mais hélas ce n’est pas comme
cela que l’homme se construit. Ce n’est pas par la juxtaposition d’éléments que
l’homme existe, mais de l’expérience existentielle, circonstancielle, etc., de
chaque instant de la vie, que chaque homme développe de nombreuses valeurs qui
croissent ou décroissent mais qui toutes se développent de façon coordonnée. C’est
la croissance de l’adoration qui va causer la croissance ou la décroissance de
la dévastation, pour garder les valeurs de Desalmand. Mais en fait on voit tout
de suite qu’il y a derrière un système complexe qui coordonne les éléments, et
il y en a plus de deux, soit en croissance parallèle, soit en décroissance
parallèle, soit en croissance-décroissance parallèle, soit dans le plus pur
désordre apparent.
Certaines personnes deviennent cruelles ou criminelles quand elles
éprouvent de l’amour. D’autre deviennent simplement incapables de dominer
l’autre dans la même situation et deviennent donc soumises, passives. Mais on
peut encore penser à d’autres qui deviennent collaboratives et ouvertes. Jamais
rien ne se réduit à deux extrêmes ou à deux échelles de variation parallèles
car d’abord il y a bien plus que deux éléments opposés, antagoniques ou pas, et
en plus il y a au plus profond un construit qui formate et commande l’entier
des comportements, et ce construit profond change et se développe au fur et à
mesure que la vie avance et l’expérience existentielle s’accumule. La beauté
d’un haïku japonais ou chinois c’est justement qu’il ne saurait être binaire
mais est multiple, multiforme, multi-dynamique, multi-rythmique. Il n’y a pas
en l’homme deux dimensions qui se développent au même rythme, de la même façon,
dans la même direction. Les marxistes ont oublié le principe de Marx lui-même,
qui d’ailleurs l’a souvent oublié aussi : tout réduire au noir et au
blanc, au positif et au négatif, c’est le principe même de la pensée métaphysique
et donc le contraire de la pensée rationnelle. Un peu de pensée orientale rend
cette approche si riche que l’on se perd dans les dédales de la raison et on
atteint alors la pensée bouddhiste profonde qui ne voit pas des causes et des
effets mais des totalité multiformes d’éléments enchevêtrés et simultanés dont
émergent quand certains niveaux sont atteint des phénomènes nouveaux, des
développements nouveaux et qui peuvent être parfaitement inattendus car
ils ne sont pas de l’ordre de la logique cause-effet.
Page 34-35. La remarque sur et le rejet de la fin rajoutée des mémoires
d’Outre Tombe est un développement extrêmement riche car c’est une vraie
confrontation avec la mort qui n’était pas vraiment saisie dans ce qui précède
cette fin. Y compris la voix et la voie religieuses même si pour des laïques un
peu trop normés et déformés par cette norme le crucifix semble excessif. Il ne
l’est que pour qui ne croit pas en cette religion de la crucifixion qu’on
appelle le Christianisme.
Page 38, l’obsession du trop bien écrire n’a de parallèle page 39 qu’avec
l’obsession du trop bien boire. Où est le rejet de la Trinité de la bonne chère
précédemment exprimée ? On peut rencontrer une âme, un esprit, une
« mind » autres et échanger avec elles sans devoir boire de l’alcool,
même – et surtout – du Saint Emilion qui exige un rite très complexe pour être
apprécié et non la simple consommation distractive ou distraite par autre chose
comme les émois charnels de la bonne chère ou de la chair de l’autre. Pourquoi
ne pas faire comme les Américains et mettre des glaçons, ou pire encore le
mélanger à du Coca, dans le même verre ou dans deux verres séparés, une gorgée
de Saint Emilion, une gorgée de Coca. Mon oncle qui était bouteiller à l’Hôtel
Splendid de Bordeaux en son temps ne tarissait jamais d’anecdotes sur les
Américains et les grands vins fins comme le Château Neuf du Pape ou le Saint
Emilion.
Page 46 et l’obsession de la vie privée, de la pensée privée de Stendhal.
Que dire de l’érudit biblique qui n’a jamais lu les apocryphes ? Ou que
dire de l’érudit biblique qui ne prend en compte que les Rouleaux de la Mer
Noire comme extension du Nouveau Testament, ou bien qui s’accroche au mythe des
deux Jacques, ou bien encore qui n’accepte pas que les frères de Jésus étaient,
au moins pour certains, des demi-frères issus du première mariage de Joseph,
veuf âgé qui épouse une fille du temple qui tissait le rideau du temple et est
tombée enceinte par la vertu du saint Esprit sans comprendre que Gabriel avait
le nom d’un certain Grand Prêtre, ou un de ses acolytes. Plus encore la vie
privée d’un auteur m’indiffère totalement. Ce qui importe ce n’est pas que
Shakespeare soit une personne ou une école. L’important c’est le style
absolument inimité et inimitable de Shakespeare. Comme si chaque coup de
pinceau de La Joconde avait été le fait du maître Léonardo da Vinci qui avait à
sa disposition une école riche en élèves et « disciples ».
Page 57 et la gérontophile. Superbe supercherie sur-argentée en
surnuméraire suranné de faits d’hiver gérontaux ou gérontiques qui ne sait pas
que le printemps est dans la sève descendue qui doit remonter un jour dans les
plantes de demain, dans les graines jetées au sol qui germeront éventuellement
peut-être. L’amour n’est en rien obligatoirement sexuel et la sexualité ne
demande en rien le moindre amour. Viagra est pour la sexualité. Si nous devions
avoir une relation sexuelle avec toutes les personnes que l’on aime, on
finirait rapidement sur les rotules, si vous voyez ce que je veux dire. La jeune
fille est simplement une imbécile mais le vieux qui la suit dans cette aventure
est simplement un fou. Viagra est la négation de l’amour au non de l’extension
de la sexualité. C’est un défaut ou un péché d’agisme.
Page 65 s’attarde trop longtemps sur le cas de Zola et manque un aspect
important. Germinal n’est pas un roman misérabiliste sur l’exploitation des mineurs
du Nord Pas de Calais. Du moins pas seulement. C’est aussi un avertissement
très clair au patronat minier des années 1880 qu’ils foncent tout droit dans le
mur avec leur politique d’exploitation extrême, et pourtant il faudra attendre
la catastrophe de Courrières en 1906 pour qu’enfin le patronat brutaliste des
mines cède la place au patronat paternaliste venu du textile, en particulier de
Roubaix, les Prouvost et les Mulliez, ceux de la Lainière entre autres, pour
mettre en place une politique sociale importante dont le symbole est l’aide aux
nouveaux nés appelée « La goutte de lait ». Le sémitisme de Zola, son
opposition à l’antisémitisme n’est qu’un des aspects de Zola qui était d’abord
et avant tout un réformiste.
Page 76, « Le christianisme enseigne que le monde est mauvais :
je le crois comme chrétien. . . » Voilà une bien belle bêtise de
Kierkegaard. Aucune part on ne peut trouver cela dans les écrits chrétiens. Que
le mal soit partie prenante du monde, sous la forme du démon et du diable qui
font du monde leur terrain de jeu, je veux bien accepter cela comme chrétien.
De la même façon l’homme n’est pas mauvais par essence mais il a le choix entre
le bien et le mal, entre dieu et le diable (pour faire médiéval) mais tout
dualisme dans ce domaine est rejeté comme le catharisme qui, s’il avait eu le
dessus, aurait imposé une vision intégriste proche de l’Islam intégriste
d’aujourd’hui car il est directement dérivé des logiques zélotes des Rouleaux
de la Mer Noire, une communauté marginalisée de Juifs du premier siècle dont
l’un des principaux représentants dans ce qui deviendra le Christianisme est
Jacques, le frère que je dis avec quelques autres l’aîné de Jésus et que
beaucoup veulent voir le cadet et de la même mère que Jésus. Par contre le
« je le crois » est du plus pur Paul qui fonde le christianisme sur
la foi alors que Jacques justement fondait l’héritage de Jésus sur l’action et
la foi. Le monde n’est pas une vallée de larmes. Le monde est simplement
illusoire à qui n’a pas la clarté, la lumière, la vérité disent les chrétiens,
de la distinction entre le bien et le mal qui ne sont ni l’un ni l’autre dans
l’homme mais qui se construisent dans ses actions fondées sur ses libres choix.
Page 83, « la vie est un jeu de l’oie. » Voilà une absurdité de
je ne sais quelle auteure. Tout dans la vie, y compris la vie, naît, se
développe et décroît, meurt et renaît ensuite au printemps suivant. Ce cycle
bouddhiste de « dukkha » est fondé sur la simple vérité que tout est
impermanent, que rien n’est permanent d’une part et que rien n’a d’essence fixe
et inaliénable d’autre part et cela à la fois fonde la vision cyclique et
découle de la vision cyclique. Nadine Monfils n’a pas compris grand-chose à la
vie si elle croit que c’est un jeu de l’oie. Même ma grand-mère savait que cela
était faux, cette grand-mère qui a survécu à un train qui lui est passé dessus
car elle a eu la chance ou le bon sens de s’aplatir devant lui bien contenue
entre les rails.
Page 85, quelle vanité d’Arthur Miller de vouloir à tout prix introduire un
quarteron d’influences comme s’il était crucifié à cette croix, et de rajouter
les quatre cavaliers de l’Apocalypse comme si ce quarteron d’influences était
l’apocalypse elle-même, le mythe de l’Apocalypse si commun aux trois traditions
religieuses sémitiques. On pourrait ensuite discuter les quatre élus, mais
l’important ici est la référence culturelle revendiquée. Où est la liberté
créatrice de l’auteur qui est entièrement informé et formaté par un mythe des
plus douteux, même si des plus beaux jamais illustrés par Jean, le petit jeune
homme de 14 ans, peut-être moins, au pied de la croix. Il ne pouvait guère
penser autrement après un tel traumatisme. On appelle cela le syndrome du
stress post traumatique : voir mourir sur une croix l’adulte que l’on
avait pris comme grand frère, comme substitut paternel, comme guide et prophète
dans la vie de ce temps là. Imaginez un peu ce que ce serait pour nous de voir
notre père ou notre grand frère crucifié sur la place du village et mourir sur
cette croix. Ce n’est pas parce que c’était courant en ce temps-là que cela
change la dimension traumatique de l’évènement.
Page 90, il faut rassurer Bukowki et sa vieille locomotive qui attend qu’on
l’emmène au dépôt. On n’est vieux que dans l’âme, et le corps qui vieillit
n’empêche pas le cerveau, l’esprit, la « mind » de continuer à penser
et à construire et les cellules cervicales continuent à mourir et se régénérer
bien après 65 ans, d’autant plus si on les entretient et les entraine à
survivre. On n’attend pas la mort. On doit se demander chaque soir si dans la
journée qui vient de s’écouler on a fait ce qu’il fallait pour mériter de se
réveiller le lendemain matin. Après avoir lu ce pamphlet, écrit cette critique,
et amplifié la dite critique, je dois devoir pouvoir me réveiller demain matin
malgré tous les maux qui m’accablent. Il est sûr que beaucoup ne le méritent
pas, et souvent bien plus jeune que moi. Le critère est simple : ai-je
produit de la valeur ajoutée physique ou virtuelle dans cette journée qui
s’éteint ? Si oui je mérite la suite. Sinon je suis un parasite et tôt ou
tard je disparaîtrai ou le corps vivant que je parasite mourra. Je parle bien
de retraite et de retraités.
Dr Jacques COULARDEAU
# posted by Dr. Jacques COULARDEAU @ 9:31 AM