MADOU DJEMBÉ –
PERCUSSIONS D’AFRIQUE
Les percussions africaines sont une planète sonore à part et un monde en
soi. Ce que la musique africaine a inventé et est presque la seule à avoir
inventé, c’est la polyrythmie. La musique africaine est fondée sur les
percussions comme aucune autre musique au monde et la seule diversité que cette
musique pouvait développer c’était la diversité des percussions à deux
niveaux : les sonorités de chaque instrument et les rythmiques que chaque
instrument ou chaque main sur chaque instrument ou chaque main ou paire de mains
des divers instrumentistes sur les divers instruments qu’ils utilisent
simultanément. Cela donne la polyrythmie africaine. Aujourd’hui cette
polyrythmie s’est développée du fait de la traite des noirs et de l’esclavage.
Les esclaves noirs ont conservés contre vents et marées, contre toute
persécution cette polyrythmie qui faisait partie de leur chair, de leur fibre
plus que toute autre chose.
Cela a donné deux grands types de musique aujourd’hui devenus universels.
D’une part la musique noire et depuis cinquante ans au moins blanche de
l’Amérique du Nord. Certains de ces genres musicaux ont parcouru le monde
entier et se sont installés pour toujours dans la planète musicale mondiale. Le
gospel, le jazz, le blues, la soul en général, le rock and roll et tout ce qui
s’en est suivi. D’autre part dans les Antilles et en Amérique du sud,
particulièrement le Brésil où l’influence noire à été plus profonde
qu’ailleurs, la musique latino américaine dont certains styles sont eux aussi
devenus universels : rumba, particulièrement et quelques autres, mais pas
le tango qui lui a une origine espagnole. La forme la plus novatrice et
toujours novatrice est bien sûr la musique jamaïcaine, et en particulier le
reggae et les autres formes de cette musique avant, autour et après le reggae,
qui d’ailleurs n’est pas fini.
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Ceci étant dit il est nécessaire de revenir aux sources africaines pour
voir toute la richesse que ces percussions peuvent avoir dans le continent et
dans les cultures qui les ont produites. Et ce disque est une véritable
académie, une vitrine sans égale, presqu’une master classe. Bienvenue dans la
planète des percussions africaines. Demandez-vous comment vous pourriez danser,
comme le font les Africains, sur ces musiques. Vous pouvez choisir un des
rythmes modérés et danser une danse calme et qui ne prend ni vitesse ni excès.
Mais vous pouvez aussi suivre un des rythmes plus rapides et alors vous allez
pouvoir monter progressivement vers des rythmes de plus en plus rapides et qui
vous mèneront à la transe de ce que l’on appelle le vaudou, et que l’on devrait
appeler le vodun, musique, danse et religion d’origine traditionnelle africaine
et qui se fonde sur ces rythmiques. Le prêtre, l’officiant, voir les participants
en général se laissent aller à ces rythmes rapides et passent de l’autre côté
du miroir, avec ou sans l’aide de rhum ou d’alcool de palme.
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L’alcool n’est en rien une obligation puisqu’il suffit de suivre une rythmique
rapide pour arriver à ce niveau de la transe où le corps tout entier se fond
dans cette rythmique et tous les rythmes vitaux du corps s’alignent sur cette
rythmique rapide, des pieds à la tête en passant par le cœur, le cerveau et les
autres organes à rythmique interne..
Ce disque est un excellent exemple de cette culture originale qui est
devenu une norme universelle dans toute la musique amplifiée et même au-delà.
Bonne écoute
Dr Jacques COULARDEAU
LA HUASTECA –
DANSES ET HUANPANGOS – Mexique
Cette musique qui concerne un territoire et une population couvrant ou
occupant l’ancien domaine Maya n’est en rien une musique qui remonte aux formes
les plus anciennes de culture maya, pas le moins du monde. Il s’agit d’une
musique qui s’est construite sur plusieurs siècles après la conquête espagnole
mais on doit comprendre qu’un siècle après, à la fin du seizième siècle
quatre-vingt-dix à quatre-vingt-quinze pour cent de la population originelle
indienne avait disparu par massacre, par torture, par maladies ou simplement de
faim.
Cette culture est dont typiquement mexicaine, le Mexique ayant conquis son
indépendance de l’Espagne en 1810, déclaration d’indépendance, et effective en
1821. La culture mexicaine est une création originale qui mêle les traditions
chrétiennes, les traditions espagnoles ou ibériques, et quelques formes qui se
développent dans les Antilles, bien que l’influence noire sera très réduite
puisque le Mexique ne compte pas de vaste héritage démographique africain, les
esclaves noirs ayant été exclus très vite..
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Vous reconnaîtrez des instruments typiquement européens, d’autres qui sont
d’origine locales ou bien des instruments qui ont été modifiés localement, mais
à la différence de la musique sous influence noire en Amérique du Nord il n’y a
pratiquement pas de polyrythmie, même si la ligne mélodique semble plus rapide,
en fait ce n’est qu’une illusion la rythmique de base en arrière et la
rythmique de la mélodie en avant sont strictement réglées sur les même temps
forts et donc sont équivalentes, au point devenu plutôt mécanique et lassant
comme dans les pistes cinq à huit, Danza de Moctezuma.
Le nom peut faire penser à l’empereur aztèque auquel il réfère, mais nous
n’avons aucun véritable élément pour dire que c’est un héritage direct et
fidèle de la musique des Aztèques d’avant la conquête. Il est sûr que c’est une
musique très répétitive. On notera la mention de Malintzin, plus connue comme
La Malinche, présentée dans la notice comme l’interprète indienne de Moctuzema
alors qu’elle était la concubine et interprète de Cortès lui-même, et mère de
son fils. On touche ici à un phénomène typique du Mexique, l’expulsion des
références à la conquête espagnole alors même que la source principale
de la culture mexicaine est la culture espagnole importée au Mexique du
temps de la conquête.
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L’association du violon, de la guitare quinta huanpanguera et de la guitare
jaruna, qui ne sont que des guitares propres à la région, est typique des pistes
neuf et dix par exemple. On voit bien là que nous n’avons que des instruments
européens ou simplement modifiés localement. L’association du violon et des
guitares est fort intéressante, mais en quelque sorte fortement espagnole de
tradition. On reste donc dans les instruments à corde, frottées ou pincées.
Cette formation est la base du trio traditionnel utilisé dans de nombreux
morceaux de cette musique. Trio instrumental auquel s’ajoute des assemblages de
voix variant d’une voix de femme (assez rare) et d’une ou plusieurs voix
d’homme et de chœurs plus ou moins étoffés maos ne dépassant pas trois voix.. On
notera que ces voix ne se définissent pas selon les registres européens.
D’ailleurs quand Philippe Jaroussky a enregistré avec des chanteurs traditionnels
d’Amérique latine, ceux-ci n’ont jamais fait un duo avec lui car les
définitions de leurs voix n’étaient pas en accord avec celle de Jaroussky,
alors même qu’une des voix était de toute évidence une voix d’alto masculin.
On notera aussi au niveau des voix que les voix de femmes sont très basses
pour des voix de femme, au moins dans le registre des mezzo sopranos, sinon
même un peu plus bas. Les voix d’hommes ici sont aussi assez basses plutôt dans
le registre des barytons-ténors très proches en quelque sorte des voix de femme,
avec utilisation assez fréquente de la voix de tête des hommes, que certains
appellent voix de fausset, terme désagréablement péjoratif. La marque la plus indienne de ces musiques
sont certains titres qui sont en langues indiennes, par exempl la piste quinze
en Nahuatl et pourtant dédiée à la Santa Maria de Guadalupe, cette Vierge
locale qui a permis d’imposer la religion catholique et d’expulser toute
survivance des religions indiennes.
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Les pistes seize à dix-neuf ont une autre formation musicale avec un
ensemble tamborcillo et akapitsali, donc instrument à vent local et tambourin
lui aussi original. On revient ensuite au trio traditionnel, le Trio Tamazunchale, qui a trois voix d’homme qui jouent l’une comme
l’autre sur un registre un peu plus élevé de quelques notes de fausset
Le trio suivant, Los Vaqueros de Temporal emprunte des
pratiques instrumentales à une autre tradition, celle des xochisoneros qui
donne une musique beaucoup plus répétitive de phrases musicales courtes.
Le style tamaulipeco classique donne une musique
sensiblement différente mais à nouveau répétitive, bien que moins que le trio
précédent, avec une utilisation systématique de la voix de fausset de l’homme
en fin de chaque phrase musicale.
Et pour finir un trio plus traditionnel, Herencia
Huasteca. Le voyage vaut le déplacement.
Dr Jacques COULARDEAU
# posted by Dr. Jacques COULARDEAU @ 3:16 PM