LA VILLE DON LE PRINCE
EST UN ENFANT – THE FIRE THAT BURNS – 1997
Ce film français est admirable mais probablement pas pour les bonnes
raisons, probablement pour toutes les mauvaises raisons que l’on peut imaginer.
Il s’agit de deux amours qui se croisent et se haïssent avant même qu’elles
ne se parlent. Le premier amour est celui entre un jeune adolescent et un
adolescent plus avancé dans un ancien collège catholique, un collège de frères
comme on les appelait encore il y a une cinquantaine d’année en France. Celui
que je connaissais et devant lequel je passais régulièrement en faisant un
détour au retour de l’école publique était un collège de frères rue Frère à
Bordeaux. On ne pouvait mieux dire. Deux adolescents qui s’aiment d’un amour
d’une pureté telle qu’elle n’admet pas la moindre tache mais n’arrive pas à
s’affirmer en pleine lumière car la lumière l’éblouit de la critique et de la
jalousie des autres.
C’est que de telles amours sont interdites par les prêtres et autres abbés
et pères supérieurs. Et l’interdiction les rend quelque part malsaines,
impropres mais fascinantes. Ces deux adolescents vivront toute leur vie dans
l’ombre de cet amour qu’on leur a interdit et pour lequel on les a punis en les
excluant, en les renvoyant le plus loin possible l’un de l’autre. La bêtise
chrétienne n’a d’égale que la bêtise humaine, parce qu’elle est d’abord et
avant tout humaine.
Le deuxième amour est celui de l’abbé de l’école qui est amoureux lui du
plus jeune de ces deux adolescents. Un amour tout aussi pur que l’autre car il
s’agit de l’amour d’un homme qui se prend le goût d’être père alors qu’il ne le
sera jamais. L’enfant qu’il se met à aimer, d’une famille pauvre, est un enfant
qui se défend contre l’accusation de pauvreté par le sarcasme et la provocation
et quand on lui signale qu’il a des trous dans son chandail, il répond que ce
ne sont pas des trous mais des ouvertures. Au mépris répond un esprit caustique
et donc angélique. Vous pouvez imaginer combien les adultes, prêtres,
surveillants, séculiers ou religieux haïssent de telles réparties qui leur
montrent toute leur cruauté, si ce n’est pas la condescendance d’une fausse
charité chrétienne qui ne donne qu’à qui l’on considère comme inférieur.
Cet abbé voulait aimer cet enfant d’un amour de père céleste plus encore
que terrestre mais sur terre car c’est
là que l’amour a un vrai goût de sucre. Dans le ciel l’amour divin n’a qu’un goût
de sacrifice, soit le sel de la terre, soit le sang du sauveur, soit l’hydromel
écœurant de je ne sais quelle bande d’anges messianiques.
C’es deux amours sont concurrentes et se heurtent dès qu’elles ont
conscience l’une de l’autre. L’amour de l’abbé se double de l’autorité de cet
abbé qui va piéger l’adolescent le plus âgé qui fera une faute de désobéissance
et il sera viré comme un malpropre sur le champ. Mais c’est alors que le Père
Supérieur empoignera le glaive de l’archange Gabriel et chassera de l’école des
frères cet enfant plus jeune qui a osé attirer l’amour fautif de cet abbé,
ainsi punissant l’abbé autant que l’enfant. Allez cher enfant pervers gagner
votre amour à la sueur de votre front. Allez cher abbé mal inspiré gagner votre
paradis aux larmes de votre cœur.
Mais si ce n’était que cela, ce serait déjà un miracle car cela prouve que
l’amour est la plus belle chose qui puisse exister entre deux êtres humains,
quels qu’ils soient, puisque ceux qui prêchent l’amour de Dieu et l’amour pour
Dieu, prêche aussi que l’amour entre les hommes ne peut être qu’un amour en
direction de dieu et non en direction de ce qu’ils appellent la créature, et
ils punissent ceux qui prétendent le contraire.
Le père supérieur tire la leçon de sa bêtise à la fin du film :
« …l’amour pour la créature quand il atteint un certain degré dans
l’absolu et donc dans l’oubli de soi, il est alors si proche de l’amour de dieu
qu’on dirait que la créature n’a été conçue que pour nous faire déboucher sur
le créateur… » De telles déclarations sont de véritables crimes contre
l’humanité. L’homme n’aime plus un être humain mais une sorte de fantôme divin
dans le corps qu’il manipule pour ses seules fins jouissives et pour la gloire
de dieu en lui faisant un petit chrétien de plus si possible. Heureusement que
ça ne réussit pas toutes les fois.
Cela condamne toutes les amours qui ne sont pas divines dans l’esprit et
procréatives dans la chair. Cela condamne l’immense majorité des amours de ce
monde qui n’entrent pas dans cette définition. Cela condamne la sexualité à
n’être qu’une fornication dégoûtante. Cela condamne l’amour à n’^être qu’une
abstraction qui habille et couvre la nudité de cette fornication.
Ce film est un cri dans le désert des religions qui croient que dieu est le
seul être que l’on doive aimer. Ce film est un cri de rage contre tous ceux qui
torturent les autres pour les empêche d’aimer qui ils veulent et comme ils
veulent. Ce film est un cri de certitude que ces oripeaux religieux qui
couvrent la misère de l’homme soumis et assujetti à une telle religion ne sont
que des cache-misère, des cache-sexe, des cache-passion qui devraient nous
faire honte.
Il n’y a rien de plus beau qu’aimer quelqu’un, quel qu’il ou elle soit, sans
la moindre pudeur et la moindre honte, sur les bancs publics de Brassens comme
sur les quais d’Amsterdam de Brel. Ces religieux rabaissent tellement le couvercle
du ciel sur nos âmes que l’on a l’impression de nous noyer dans un crachat
d’eau, de nous étouffer sous une tonne de sable, de nous ensevelir sous un
tombereau d’ordures sacrées.
Mais dieu que ce film est nostalgique sur un passé que nous savons hélas
encore loin d’être révolu. La preuve c’est qu’ils en sont encore à faire du
mariage une exclusivité hétérosexuelle procréative dans un temps où les
préservatifs, la contraception et l’avortement, dieu soit béni, font que
procréer est devenu le dernier des cadets des soucis de la majorité des gens,
sauf bien sûr pour les prêtres catholiques qui eux pourtant sont privés de
cette procréation sacramentelle comme si pour eux c’était une faute.
Dr Jacques COULARDEAU
# posted by Dr. Jacques COULARDEAU @ 3:39 PM