SALUT VICTOR – 1989
Un film d’un autre temps futur Qui nous vient du passé et nous parle de
toujours, de l’amour. Mais quel amour ! Quand deux hommes se rencontrent
en maison de retraite quand le grand âge les rend incapables de continuer à
vivre seuls. Ces deux hommes, Philippe et Victor, son tellement différents qu’on
croirait qu’ils n’ont rien en commun, qu’ils ne pourraient pas communiquer. Et
on se tromperait.
L’un sait qu’il est homosexuel comme il dit. L’autre ne se définirait ni
comme gay ni comme homosexuel, tout au plus un peu « fifi ». L’un a
quitté sa femme et ses enfants pour vivre trois ans avec un pilote d’avion qui
s’écrasera contre le flanc de la montagne. Trois ans de bonheur et une vie à
attendre que le ciel s’ouvre à lui. L’autre n’a jamais connu l’amour public,
simplement neuf semaines de bonheur avec un jeune Mexicain qu’il employait dans
son magasin d’antiquités et à qui il apprenait à lire et à écrire. Et lui aussi
perdra son amour qui fut pris sans retour, mais par les services de l’immigration.
Et autant Victor continua à vivre sa vie et à chercher des amis, y compris
encore quand il ne pouvait guère plus rien espérer et que sa route croisa, ou
plutôt son couloir croisa celui de Philippe, autant Philippe mena une vie de
célibat austère jusqu’au jour où son couloir croisa celui de Victor et où il
découvrit le bonheur d’aimer et qu’il put donner à l’autre le bonheur d’être
aimé et d’aimer à nouveau.
Ce ne pouvait être qu’un amour mental, émotionnel, passionnel, dans la tête,
les yeux et les oreilles et avec tout au plus une main sur l’épaule, une main
dans la main, une main sur le cœur, une embrassade, comme si alors le monde
allait s’arrêter.
Et la vie est cruelle qui appelle la mort quand le bonheur vous est promis,
même si ce n’est qu’une montée dans le ciel en montgolfière. Le cœur est l’esclave
de cette vie mortelle car on en meurt de la vie et on ne survit pas à cette
mort. Le film devient alors poignant car on ne peut que se dire que la vie est
injuste et pourtant la vie n’est qu’une partie de dominos aléatoire et
insensée, qu’un château de cartes monté sur une table en plein courant d’air,
un château en Espagne que l’on ne peut jamais réaliser. C’est un privilège d’être
en vie et on ne doit jamais douter que le moment de bonheur de cet instant-ci
risque fort d’être le dernier et de ne pas avoir de lendemain. Et ce n’est pas
une question d’âge. C’est une question de pure chance probabiliste qui dicte
votre fin comme elle a dicté votre début et chaque instant entre ces deux
points, entre votre alpha et votre oméga.
C’est trop triste mais c’est si beau de découvrir l’amour quand plus
personne n’ose espérer et de perdre celui qu’on aime ainsi sur le tard au
moment même où le bonheur est à son comble comme si le sol vous fuyait sous les
pieds. Et celui qui reste va réaliser le rêve le plus secret, qu’il est seul à
connaître, de son ami qui est parti comme si c’était la dernière chose au monde
qu’il se devait de faire. Et hélas qu’il survive longtemps ou pas ce sera bien
la seule et dernière chose qu’il se devait de faire. Et c’est là la beauté du
grand âge. Etre capable de découvrir le bonheur dans ces derniers instants et
de découvrir ou redécouvrir que le vrai bonheur c’est de donner un peu de joie
et de bonheur à quelqu’un qui essaie de se faire croire qu’il n’y a pas de
raison d’être triste alors même que son cœur voit bien lui que la fin est
proche et qu’il risque de finir dans la détresse.
On ne peut vraiment apprécier ce bonheur de la fin que quand on est proche
de cette fin. Permettre à l’autre de bien finir malgré tout le malheur qui s’accumule
comme nuages de tempête. Voilà l’ultime chance de survie dans la débandade
finale.
Dr Jacques COULARDEAU
# posted by Dr. Jacques COULARDEAU @ 9:42 AM