ARTHUR RIMBAUD – UNE SAISON EN ANGFER – TEPS DES CERISES – 2011
Etrange assemblage
de trois textes qui en trois ans font passer Arthur Rimbaud de ses fantasmes de
collégien plus ou moins jésuite, en tout cas d’une prison rhétorique catholique
intégriste et intégrale de « Un cœur
Sous une Soutane » à son texte dernier, de « Une Saison en Enfer » avant de partir pour l’Ethiopie
où il sera un vendeur d’esclaves noirs pour colonisateurs blancs. Entre les
deux la Commune de Paris où il trouvera sur quelque barricade la satisfaction
de ses désirs les plus intimes en ce qui ne serait aujourd’hui qu’un viol homosexuel,
plus ou moins consenti et consentant dans une situation de harcèlement sexuel
libertaire. Récupéré par Verlaine il deviendra l’objet sexuel, que dis-je
purement et simplement le jouet sexuel que Verlaine exhibe plus ou moins nu,
promène dans ses chairs révélées et prête à qui veut bien le prendre, mais pour
un instant seulement.
De l’enfer du
collège de Jésuites à l’enfer du salon de Verlaine il n’y a que le pas de la
fuite vers un troisième enfer, celui du colonialisme. Et c’est ce rêve de
fuite, de libération, de délivrance sans avenir que Rimbaud nous livre dans sa
Saison en Enfer.
La préface d’Aragon
apporte peu. Trop ancienne. « Une sorte de radium intellectuel, dont on ne
peut deviner l’usage, mais dont les ravages au loin se font déjà merveilleusement
sentir. » Il est sûr que la poésie finale de Rimbaud est un radium radical
nucléaire qui vous brûle la thyroïde et vous ensemence le corps tout entier d’un
cancer qui vous dévore. Quant à se poser la question d’un quelconque
utilitarisme d’usage, il faudrait avoir l’esprit tordu de qui verrait Rimbaud
comme un gigolo, une prostituée, un simple jouet de chair, de sang et de jus
prostatique. Rimbaud est un jeune homme d’à peine vingt ans qui a été trahi par
sa famille, par sa religion, par l’histoire de la Commune et par son sauveur Verlaine.
Il n’est qu’une épave radioactive qui vous aveugle de son rayonnement absolument
assassin.
S’il n’est que le
« moucheron enivré de la pissotière de l’auberge, amoureux de la
bourrache, et que dissout un rayon » nous ne sommes que les voyeurs de
cette tasse de pissotière qui comme Rimbaud sommes attirés par l’odeur âcre de
cette bourrache qu’il déguste goutte à goutte dans son palais buccal gourmand,
goulu, vorace. Et nous regardons ébahis cette scène inouïe de nos yeux devenus
sourds à la simple morale de survie. Ce n’est pas tant la bourrache qui nous
gêne, que l’absolue asservissement de Rimbaud à n’être justement que ce
moucheron rejeté dès qu’il a bu le jus de bourrache que l’on sait, condamné à n’être
que cela et à ne jamais naître à la vie réelle.
Il cherchait l’amour
et il n’a trouvé que le viol et la prostitution.
Toute l’œuvre n’est
qu’un recueil littéralement obsédé de tous les oxymorons que l’on peut
imaginer. Rimbaud est à ce moment-là une simple condensation d’acides et de
bases qui se déclarent la guerre sur le terrain de sa peau. Il n’est qu’un
champ de bataille pour bourgeois monnayés qui veulent se payer un moment de plaisir
illicite et pervers. Il n’est qu’une tempête de silence, d’absolue immobilité
et de violence à la fois inexistante et retenue qui lui détruit « le cœur,
l’âme, l’esprit » de « mille amours qui m’ont crucifié. » Et la
trinité sainte et divine se transforme en crucifixion sans le moindre avenir. « Quand
irons-nous . . . saluer la naissance du travail nouveau, la sagesse nouvelle,
la fuite des tyrans et des démons, la fin de la superstition. » L’espoir
du salut est crucifié d’une naissance, d’une sagesse, d’une fuite et d’une fin.
Il ne reste alors qu’un rêve mythique « d’adorer . . . Noël sur la terre. »
Et cette
adoration devient le cinquième clou du pentacle diabolique de cette métaphore
rythmique qui enterre à jamais un quelconque espoir d’un monde de vérité, de
liberté et de sincérité dans l’amour des autres et pour les autres. Nous ne
sommes que les esclaves des vendeurs d’esclaves que nous sommes en même temps
et parallèlement. Et si nous n’avons pas d’esclaves à vendre, nous sommes prêts
à nous vendre nous-mêmes pour le simple plaisir de l’échange et de n’être plus
qu’une marchandise dans ce monde de mercantis et de marchands. Nous sommes les
pourvoyeurs de la valeur ajoutée de cet achat en chair et en os.
Et ce cri de
désespoir et de fuite se termine sur une dénonciation de tout ce que le monde
actuel peut appeler amour ou amitié, crucifiant haut et fort tout ce que le cœur,
l’âme et l’esprit pourraient souhaiter dans la vie.
« Que
parlais-je de main amie ! » Il n’y a que la main du tyran qui vous
possède puis vous vend au plus offrant. « Un bel avantage, c’est que je
puis rire des vieilles amours mensongères, et frapper de honte ces couples
menteurs, » Les amours de ces bourgeois qui se paient, s’achètent et s’entretiennent
quelque jouet jouissif le soir après le spectacle ou le midi entre deux alcools.
Peu importe le genre, peu importe le jeu, car de toute façon on ne les montre
pas ces jouets. « - j’ai vu l’enfer des femmes là-bas ; » Et il part
pour l’Ethiopie pour gérer et marchander cet enfer de marchandises femelles
humaines. « et il me sera loisible de posséder la vérité dans une âme et
un corps. » Dans son âme et son corps ? Dualité non chrétienne, non païenne,
mais juive et sémitique, heureusement ternarisée par une vérité que l’on
possède comme une marchandise dûment achetée et qui n’est alors qu’un
supplément d’âme, une valeur ajoutée au corps que l’on utilise comme un outil
pour le plaisir.
Beaucoup ont vu
cette souffrance extrême d’un Rimbaud qui se nie en partant et qui se régénère
en fuyant. Mais il ne sera et restera que ces trois années infernales qui l’ont
mis à cheval sur les barricades de la Commune et l’on violé autant que cela
était possible, c’est-à-dire des milliers de fois, pour la simple suffisance et
satisfaction d’un Verlaine et de sa clientèle. C’est du moins ce que le chat de
chez Verlaine a pu voir et revoir, de jour et de nuit, jour après jour, nuit
après nuit. Et mon ternarisme de trois paires nominales me permets d’atteindre
la sagesse de Salomon, que Rimbaud n’a jamais pu atteindre et n’a probablement
pas même soupçonnée. Mais amplifiée de la paire verbale initiale cette sagesse
se hisse à une Seconde Venue du Sauveur suprême, à la résurrection finale
et au jugement dernier. Apocalypse salvatrice des âmes d’amour libérées des
corps de lucre et de luxure.
Dr. Jacques COULARDEAU
# posted by Dr. Jacques COULARDEAU @ 8:20 AM