EPSILON – CHOEUR SAINT VINCENT – CHANTS DE NOËL EUROPÉENS – 2011
Un ensemble de
chants de Noël d’Europe qui sont une sorte de célébration nostalgique pour gens
de ma génération. C’était le temps où nous avions trois Messes de Minuit et
puis une grand’messe à 10 heures le matin de Noêl dans l’Eglise de Saint
Martial à Bordeaux. Nous en avions pour un an à digérer le souvenir de ces
chants multicolores et multinationaux que nous, les enfants, chantions
avec joie et puissance pour tous les parents, nos parents d’ici et d’ailleurs,
assemblés dans la grand’nef et sur les bas-côtés. Dieu que nous étions fiers de
ces bergers et de ce petit enfant Jésus que nous voyions comme ce qu’il sera toujours
pour nous, un bébé, un nouveau-né, un nourrisson, un petit quinquin, un petit
rochin qui rêve de pain d’épices et de barbe à papa.
La nostalgie
passée, il reste un très beau disque qui travaille le chœur dans les aigus
enfantins, peut-être un peu trop car une contre voix plus sombre et plus
profonde aurait enrichi les voix enfantines, comme nous le faisions il y a si
longtemps car en plus des gamins et des gamines, des drôles et des drôlesses
comme on disait encore en ce temps-là en Bordeluche de Burdigala. On avait un
contre-chœur adulte qui donnait de l’ampleur à notre chant. Mais c’est très
beau de rester dans les voix enfantines avec un ensemble de cuivre que nous
n’avions pas vraiment. On avait un orgue mais pas un grand orgue car nous
étions une église de quartier populaire, mais nous avions une ou deux flûtes, quelques
flûtiaux et pipeaux que nous apportions pour l’occasion, et parfois même une
trompette qu’un grand du collège ou du conservatoire sortait pour notre fête,
car c’était notre fête. Ce n’était pas encore la mode des guitares électriques
et des batteries. Nous en rêvions un peu car Johnny Halliday commençait à faire
parler de lui et le dimanche nous écoutions la grande musique de l’émission
d’opéra à 13 heures sur Paris Inter.
Un petit plaisir
à déguster ici et là comme pour s’endormir dans la vieille vie à jamais
disparue mais qui est toujours vivante dans nos têtes. Je ne sais pas ce que
les jeunes générations ont perdu mais je suis sûr qu’elles n’apprécient plus
Noël comme nous l’apprécions. Le Père Noël est une telle hypocrisie face à cet
enfant Jésus. Et les rennes n’ont rien à offrir en face de ce bœuf et de cet
âne. Eux, c’étaient des animaux que nous connaissions bien, tandis que les rennes
étaient pour nous des bêtes volantes sans ailes, bref des animaux de cirque. Il
me manque vraiment, ce bœuf qui avait le goût de la mandarine que nous avions
une fois par an après nos trois messes de Noël, une seule et une seule fois,
tout autant que cet âne qui avait le goût du chocolat que l’on avait fondu pour
le mélanger aux châtaignes écrasées pour faire la bûche de Noël que nous ne
devions manger que le lendemain, ou presque, bref pour Noël, le vrai repas
après avoir ouvert nos cadeaux.
Désolés mais ce
disque n’est qu’une tranche de nostalgie un peu romantique qui nous rappelle le
bonheur d’une fête dans une vie de travail et de parcimonie car pour nous les
choses les plus belles étaient aussi les choses les plus rares comme les
mandarines, fruit de luxe et de fête, ou le chocolat, dessert de gourmandise et
de célébration d’occasions rares.
Alors je suis sûr
que certains des auditeurs de ma génération ou de la précédente qui ont vécu
des Noëls de guerre comme j’ai vécu les Noëls de l’après-guerre vont verser une
larme attendrie et se demander s’ils ont vraiment gagné quelque chose avec
notre monde moderne où tout n’a plus de valeur car rien n’est exceptionnel.
Dr Jacques
COULARDEAU
EPSILON ENSEMBLE DE CUIVRES FRENCH BRASS – LES 40èmes RUGISSANTS
– 2008 & 2010
Un quartette de
cuivres est amusant, même si les ensembles de cuivres sont courants aux
USA, mais ils le sont moins en France. Et je dois dire qu’ici le résultat est
plus que « funny », il est parfois hilarant par des arrangements qui pourraient
être un peu jazzés ou simplement de fanfare de défilés pourquoi pas militaires
ou simplement de carnaval. Mais en plus ce sont pour la plupart des adaptations
de classiques comme Mozart, Debussy, Bach, Berlioz et quelques compositions de
Thierry Thibault, né à Toulouse et expatrié à Valenciennes dans les Hauts de France
qui sont bien sûr la patrie du carnaval de Dunkerque et des ducasses avec géants
et fanfares et parfois des majorettes comme dans le film La Parade de Mehdi Ahoudig et Samuel Bollendorf. Et commencez dans
l’ironie avec Mozart et sa maman.
Parfois cependant
il y a un peu de nostalgie, presque de tristesse, mais pas trop avec Debussy et
ses Arabesques. Mais pas pour longtemps car quelques rythmes cubains nous
rendent la vie un peu plus pétillante. Puis Epsilon nous entraine dans une petite
chose lancinante et langoureuse avec leur Kerlouan. Mais ils enchainent avec leur
Bop. Et bien maintenant dansez les mémés et les pépés. Gentiment, comme dans un
salon de bois ciré ou un cave voûtée. Imaginez ces cuivres dans une église
romane comme on en trouve dans le Livradois Forez, à Beurrières par exemple,
tout près d’Ambert, ou dans les caves du Furet du Nord de Lille, si elles y
sont toujours.
Mais Mozart nous
ramène son Directeur de Théâtre, un peu pontifiant mais alerte comme il se
doit, mais pas trop quand même, on ne sait jamais ce qui pourrait arriver si la
folie de la scène gagnait la salle et surtout le parterre. On n’est pas au
théâtre bouffe des pauvres avec une représentation quelconque de la Flûte Enchantée. Mais tu peux causer
tant que tu veux et tourner en rond comme une toupie, le Directeur de Théâtre se
doit d’avoir le dernier mot et il l’aura bon gré mal gré et les points sur les
i s’il vous plait.
Mais je dois dire
que le « Golliwogg’s Cakewalk » de Debussy devient une sorte de
parade jazzée, un peu jazzy, à peine swinguée et certainement hésitante en diable
avant de devenir une sorte de parade de mode avec petits ronds de jambes, et
demis-pas avant, demis-pas arrière, et reprise de la parade sur un petit air
court et passage de l’arme à gauche et bonjour le berger, petit comme il se
doit avec ses douze ans à peine et ses envie de fuite dans le ciel ou le feuillage
mais il ne peut rien faire d’autre que de rêver un instant entre deux regards
circulaires sur ses moutons, mais il nous manque la flûte, le pipeau, le flûtiau
de tout petit berger qui se respecte. Pour finalement déboucher sur un petit
nègre typique de la Nouvelle Orléans, et avec pourtant un peu de tristesse
comme si ce petit nègre était un clown blanc triste comme un pleureur en deuil,
lui le danseur de break du quartier français, juste devant le Café du Monde où
ses « clients » dégustent café au lait et croissants avant de lui jeter
quelques petites piécettes pour le divertissement.
On peut alors
changer de style et retrouver le pompeux et solennel Bach dans un prélude et
fugue comme il en a tant composés. C’est gentil, bien tempéré et suffisamment
guindé pour nous faire croire qu’on serait à Leipzig dans un salon ou une
église pour célébrer je ne sais quelle occasion luthérienne qui ne permet pas
la joie, simplement le sourire de l’âme satisfaite du travail bien fait, de la
souffrance bien ressentie, de la mission chrétienne bien contemplée et
atteinte, finie, complète, achevée. C’est bizarre comme cet air de suffisance
morale de Bach est bien rendu par une musique et un arrangement qui donne envie
de rester assis à jamais à attendre le jugement dernier qui nous garantit que l’on
sera parmi les élus car nous le méritons bien.
Mais revenons au
vilain garçon pubère, ce Mozart qui ne peut pas s’empêcher d’aller chercher
chez les Turcs les plaisirs et les rythmes qu’il n’arrive pas à trouver à la
cour de Vienne entre les mains prudes et puritaines d’une aristocratie qui méprise
le beau dès qu’il y a un peu trop de notes qui vous donnent le tournis sinon
carrément le vertige. On voit Marie Antoinette éduquée à cette puritainerie et
qui va devenir une mangeuse de brioche dans son petit Trianon entre deux moutons
de luxe à la laine d’or, mais du vrai or bien sûr tondu au dos des paysans en
train de mourir de faim ; Ils auront leur vengeance tôt ou tard et
vengeront en même temps la mort misérable de ce petit malpoli et incorrect garçon
frileux et impudiques qu’était Mozart en faisant rouler la tête de cette reine
dans la sciure de l’échafaud.
Berlioz est une
autre histoire. Tous les cuivres du Premier Empire et de la Restauration, ce
régime où les restaurants de luxe étaient bien garnis et fournis en ventres ventripotents
comme Louis XVIII et en forme de poire comme Louis Philippe. Oubliez Charles X
il est misérablement dévot pour ne pas dire austère comme un moine affamé et
une mule rabrouée. Et on vous dit que c’est une valse, vous savez ce truc tournant
inventé au 19ème siècle à partir de la bourrée légère et
virevoltante de Mozart qui l’avait empruntée et déraillée de la bourrée lourdaude
et paysanne pour ne pas dire rustique de Bach qui l’avait lui-même volée aux
paysans français probablement par l’intermédiaire de la version un peu
guindée de la cour royale qui avait aussi emprunté la cornemuse ou cabrette du
Bourbonnais et de l’Auvergne pour en faire une musette un peu aristocrate sur
les bords avec un soufflet adoucisseur.
Mais Mozart
revient avec un petit rondo coquin, plus coquin que vous pourriez croire. Il
lève la cheville et le genou des dames et soulève leurs jupons, le vilain
polisson. Cachez le turbulent espiègle garçonnet sous la table et il réussira
toujours à tirer sur les bas des dames et à les priver de leurs jarretelles non
pas sans qu’elles s’en aperçoivent mais certainement sans qu’elles protestent ;
Et pourquoi donc le feraient-elles : les doigts de ce garçon grivois leur
donnent des frissons que leurs mâles époux pompeux et cérémonieux ne leur
donnent plus depuis longtemps.
Il ne reste plus
qu’à conclure avec Thibault et un petit air de Dixie, Nouvelle Orléans ou autre
province du Sud profond des USA à la « tant de tant de brass bands »
de « high-schools » et de parades populaires. Je dois dire que j’ai
tellement entendu ce thème en variations multiples dans les rues, les couloirs
et les salles de théâtres ou de music-hall dans tellement d’états, du Tennessee
à la Caroline du Nord, du Mississippi à la Nouvelle Orléans que cela ne peut
être que la plus parfaite conclusion de ce disque, comme la clôture d’une « County
Fair » ou d’une « State Fair » à Raleigh ou à Atlanta, le clown
Ronald de MacDonald faisant quelques pitreries pour donner faim et soif aux
enfants.
Dr Jacques COULARDEAU
# posted by Dr. Jacques COULARDEAU @ 10:06 AM