Monday, April 03, 2017

 

De Noël en fanfare, les cuivres à la fête


EPSILON – CHOEUR SAINT VINCENT – CHANTS DE NOËL EUROPÉENS – 2011

Un ensemble de chants de Noël d’Europe qui sont une sorte de célébration nostalgique pour gens de ma génération. C’était le temps où nous avions trois Messes de Minuit et puis une grand’messe à 10 heures le matin de Noêl dans l’Eglise de Saint Martial à Bordeaux. Nous en avions pour un an à digérer le souvenir de ces chants multicolores et multinationaux que nous, les enfants, chantions avec joie et puissance pour tous les parents, nos parents d’ici et d’ailleurs, assemblés dans la grand’nef et sur les bas-côtés. Dieu que nous étions fiers de ces bergers et de ce petit enfant Jésus que nous voyions comme ce qu’il sera toujours pour nous, un bébé, un nouveau-né, un nourrisson, un petit quinquin, un petit rochin qui rêve de pain d’épices et de barbe à papa.


La nostalgie passée, il reste un très beau disque qui travaille le chœur dans les aigus enfantins, peut-être un peu trop car une contre voix plus sombre et plus profonde aurait enrichi les voix enfantines, comme nous le faisions il y a si longtemps car en plus des gamins et des gamines, des drôles et des drôlesses comme on disait encore en ce temps-là en Bordeluche de Burdigala. On avait un contre-chœur adulte qui donnait de l’ampleur à notre chant. Mais c’est très beau de rester dans les voix enfantines avec un ensemble de cuivre que nous n’avions pas vraiment. On avait un orgue mais pas un grand orgue car nous étions une église de quartier populaire, mais nous avions une ou deux flûtes, quelques flûtiaux et pipeaux que nous apportions pour l’occasion, et parfois même une trompette qu’un grand du collège ou du conservatoire sortait pour notre fête, car c’était notre fête. Ce n’était pas encore la mode des guitares électriques et des batteries. Nous en rêvions un peu car Johnny Halliday commençait à faire parler de lui et le dimanche nous écoutions la grande musique de l’émission d’opéra à 13 heures sur Paris Inter.

Un petit plaisir à déguster ici et là comme pour s’endormir dans la vieille vie à jamais disparue mais qui est toujours vivante dans nos têtes. Je ne sais pas ce que les jeunes générations ont perdu mais je suis sûr qu’elles n’apprécient plus Noël comme nous l’apprécions. Le Père Noël est une telle hypocrisie face à cet enfant Jésus. Et les rennes n’ont rien à offrir en face de ce bœuf et de cet âne. Eux, c’étaient des animaux que nous connaissions bien, tandis que les rennes étaient pour nous des bêtes volantes sans ailes, bref des animaux de cirque. Il me manque vraiment, ce bœuf qui avait le goût de la mandarine que nous avions une fois par an après nos trois messes de Noël, une seule et une seule fois, tout autant que cet âne qui avait le goût du chocolat que l’on avait fondu pour le mélanger aux châtaignes écrasées pour faire la bûche de Noël que nous ne devions manger que le lendemain, ou presque, bref pour Noël, le vrai repas après avoir ouvert nos cadeaux.


Désolés mais ce disque n’est qu’une tranche de nostalgie un peu romantique qui nous rappelle le bonheur d’une fête dans une vie de travail et de parcimonie car pour nous les choses les plus belles étaient aussi les choses les plus rares comme les mandarines, fruit de luxe et de fête, ou le chocolat, dessert de gourmandise et de célébration d’occasions rares.

Alors je suis sûr que certains des auditeurs de ma génération ou de la précédente qui ont vécu des Noëls de guerre comme j’ai vécu les Noëls de l’après-guerre vont verser une larme attendrie et se demander s’ils ont vraiment gagné quelque chose avec notre monde moderne où tout n’a plus de valeur car rien n’est exceptionnel.

Dr Jacques COULARDEAU


EPSILON ENSEMBLE DE CUIVRES FRENCH BRASS – LES 40èmes RUGISSANTS – 2008 & 2010

Un quartette de cuivres est amusant, même si les ensembles de cuivres sont courants aux USA, mais ils le sont moins en France. Et je dois dire qu’ici le résultat est plus que « funny », il est parfois hilarant par des arrangements qui pourraient être un peu jazzés ou simplement de fanfare de défilés pourquoi pas militaires ou simplement de carnaval. Mais en plus ce sont pour la plupart des adaptations de classiques comme Mozart, Debussy, Bach, Berlioz et quelques compositions de Thierry Thibault, né à Toulouse et expatrié à Valenciennes dans les Hauts de France qui sont bien sûr la patrie du carnaval de Dunkerque et des ducasses avec géants et fanfares et parfois des majorettes comme dans le film La Parade de Mehdi Ahoudig et Samuel Bollendorf. Et commencez dans l’ironie avec Mozart et sa maman.

Parfois cependant il y a un peu de nostalgie, presque de tristesse, mais pas trop avec Debussy et ses Arabesques. Mais pas pour longtemps car quelques rythmes cubains nous rendent la vie un peu plus pétillante. Puis Epsilon nous entraine dans une petite chose lancinante et langoureuse avec leur Kerlouan. Mais ils enchainent avec leur Bop. Et bien maintenant dansez les mémés et les pépés. Gentiment, comme dans un salon de bois ciré ou un cave voûtée. Imaginez ces cuivres dans une église romane comme on en trouve dans le Livradois Forez, à Beurrières par exemple, tout près d’Ambert, ou dans les caves du Furet du Nord de Lille, si elles y sont toujours.


Mais Mozart nous ramène son Directeur de Théâtre, un peu pontifiant mais alerte comme il se doit, mais pas trop quand même, on ne sait jamais ce qui pourrait arriver si la folie de la scène gagnait la salle et surtout le parterre. On n’est pas au théâtre bouffe des pauvres avec une représentation quelconque de la Flûte Enchantée. Mais tu peux causer tant que tu veux et tourner en rond comme une toupie, le Directeur de Théâtre se doit d’avoir le dernier mot et il l’aura bon gré mal gré et les points sur les i s’il vous plait.

Mais je dois dire que le « Golliwogg’s Cakewalk » de Debussy devient une sorte de parade jazzée, un peu jazzy, à peine swinguée et certainement hésitante en diable avant de devenir une sorte de parade de mode avec petits ronds de jambes, et demis-pas avant, demis-pas arrière, et reprise de la parade sur un petit air court et passage de l’arme à gauche et bonjour le berger, petit comme il se doit avec ses douze ans à peine et ses envie de fuite dans le ciel ou le feuillage mais il ne peut rien faire d’autre que de rêver un instant entre deux regards circulaires sur ses moutons, mais il nous manque la flûte, le pipeau, le flûtiau de tout petit berger qui se respecte. Pour finalement déboucher sur un petit nègre typique de la Nouvelle Orléans, et avec pourtant un peu de tristesse comme si ce petit nègre était un clown blanc triste comme un pleureur en deuil, lui le danseur de break du quartier français, juste devant le Café du Monde où ses « clients » dégustent café au lait et croissants avant de lui jeter quelques petites piécettes pour le divertissement.


On peut alors changer de style et retrouver le pompeux et solennel Bach dans un prélude et fugue comme il en a tant composés. C’est gentil, bien tempéré et suffisamment guindé pour nous faire croire qu’on serait à Leipzig dans un salon ou une église pour célébrer je ne sais quelle occasion luthérienne qui ne permet pas la joie, simplement le sourire de l’âme satisfaite du travail bien fait, de la souffrance bien ressentie, de la mission chrétienne bien contemplée et atteinte, finie, complète, achevée. C’est bizarre comme cet air de suffisance morale de Bach est bien rendu par une musique et un arrangement qui donne envie de rester assis à jamais à attendre le jugement dernier qui nous garantit que l’on sera parmi les élus car nous le méritons bien.

Mais revenons au vilain garçon pubère, ce Mozart qui ne peut pas s’empêcher d’aller chercher chez les Turcs les plaisirs et les rythmes qu’il n’arrive pas à trouver à la cour de Vienne entre les mains prudes et puritaines d’une aristocratie qui méprise le beau dès qu’il y a un peu trop de notes qui vous donnent le tournis sinon carrément le vertige. On voit Marie Antoinette éduquée à cette puritainerie et qui va devenir une mangeuse de brioche dans son petit Trianon entre deux moutons de luxe à la laine d’or, mais du vrai or bien sûr tondu au dos des paysans en train de mourir de faim ; Ils auront leur vengeance tôt ou tard et vengeront en même temps la mort misérable de ce petit malpoli et incorrect garçon frileux et impudiques qu’était Mozart en faisant rouler la tête de cette reine dans la sciure de l’échafaud.


Berlioz est une autre histoire. Tous les cuivres du Premier Empire et de la Restauration, ce régime où les restaurants de luxe étaient bien garnis et fournis en ventres ventripotents comme Louis XVIII et en forme de poire comme Louis Philippe. Oubliez Charles X il est misérablement dévot pour ne pas dire austère comme un moine affamé et une mule rabrouée. Et on vous dit que c’est une valse, vous savez ce truc tournant inventé au 19ème siècle à partir de la bourrée légère et virevoltante de Mozart qui l’avait empruntée et déraillée de la bourrée lourdaude et paysanne pour ne pas dire rustique de Bach qui l’avait lui-même volée aux paysans français probablement par l’intermédiaire de la version un peu guindée de la cour royale qui avait aussi emprunté la cornemuse ou cabrette du Bourbonnais et de l’Auvergne pour en faire une musette un peu aristocrate sur les bords avec un soufflet adoucisseur.

Mais Mozart revient avec un petit rondo coquin, plus coquin que vous pourriez croire. Il lève la cheville et le genou des dames et soulève leurs jupons, le vilain polisson. Cachez le turbulent espiègle garçonnet sous la table et il réussira toujours à tirer sur les bas des dames et à les priver de leurs jarretelles non pas sans qu’elles s’en aperçoivent mais certainement sans qu’elles protestent ; Et pourquoi donc le feraient-elles : les doigts de ce garçon grivois leur donnent des frissons que leurs mâles époux pompeux et cérémonieux ne leur donnent plus depuis longtemps.


Il ne reste plus qu’à conclure avec Thibault et un petit air de Dixie, Nouvelle Orléans ou autre province du Sud profond des USA à la « tant de tant de brass bands » de « high-schools » et de parades populaires. Je dois dire que j’ai tellement entendu ce thème en variations multiples dans les rues, les couloirs et les salles de théâtres ou de music-hall dans tellement d’états, du Tennessee à la Caroline du Nord, du Mississippi à la Nouvelle Orléans que cela ne peut être que la plus parfaite conclusion de ce disque, comme la clôture d’une « County Fair » ou d’une « State Fair » à Raleigh ou à Atlanta, le clown Ronald de MacDonald faisant quelques pitreries pour donner faim et soif aux enfants.


Dr Jacques COULARDEAU



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