Sunday, October 02, 2016

 

Peuple! Croupissez en silence!

JEAN-MARIE BESSET – CE QUI ARRIVE ET CE QU’ON ATTEND – PETIT MONTPARNASSE – 2010

Sept acteurs et actrices. C’est la Semaine Sainte, c’est l’Épiphanie, c’est un miracle, c’est la résurrection du Christ, c’est enfin quelque chose qui arrive et qu’on n’attendait plus, quelque chose qui part et qu’on attendait depuis longtemps. Ne plus attendre est comme la nouvelle devise des braves d’aujourd’hui dans un monde en changement, qui perd ses bases et retrouve ses dynamiques éternelles que vingt siècles d’intégrisme avaient comme ensevelies. C’est la vengeance de tous les Adonis et de toutes les Sapho sur le fondamentalisme juif des rouleaux de la Mer Morte, chrétien de Paul et de la norme du sacrement du mariage hétérosexuel comme seule norme de vie, islamique sinon islamiste de la négation des sentiments, de l’amour et de la victoire du seul contrat familial et économique de la seule relation hétérosexuelle sans partage et polygame si possible.

Une situation administrative compliquée d’un concours d’architectes pour construire le premier monument sur la lune, une niaiserie si risible qu’on en pleurerait, fait que se rencontrent deux hommes qui s’étaient aimés d’un amour tendre et adolescent au lycée, se retrouvent ces deux hommes  dans la jungle dictatoriale et terroriste d’une grande cheffe, probablement Sioux, de l’architecture, de l’art et du patrimoine, ou quelque chose d’aussi pompeux comme si on appelait les bennes à ordures des palanquins de recyclage.


Ils ne s’attendaient plus, les deux hommes qui avaient décidé de se quitter à l’âge adulte pour mener des vies normales. L’un finit mal avec le SIDA du fait d’une promiscuité sans frein. L’autre part en Afrique avec une femme pour mener une vie de couple hétérosexuel où la femme attend que l’homme soit prêt et disponible. Cela rappelle gentiment Rimbaud, mais lui il est parti en Ethiopie pour ouvrir un commerce d’esclaves et en reviendra avec une maladie incurable et innommable pour mourir sur les quais du port de Marseille, mais en France quand même.

On fait donc dans le moins tragique, le moins radical, mais cinq ans plus tard ce couple hétéro qui se consume à petit feu sans jamais se consommer revient à Paris et patatras les deux anciens ados amoureux tombent l’un sur l’autre et c’est le grand charivari. L’épouse du revenant d’Afrique en tombe pour l’ami du moment de celui qui est resté en France et est devenu quelque chose comme un bureaucrate européen, et l’Africain de retour tombe presque pour le même partenaire de circonstance mais est sauvé juste à temps par son ancien amant qui le récupère avant qu’il ne sombre dans ces bras voraces et promiscus (promiscue : adjectif féminin. Le masculin, si on l'employait, serait promiscu. Eh bien employons le au pluriel).


Et les retrouvailles qui passent par l’hôpital dont il faut bien espérer que le pauvre bureaucrate européen aux rapports charnels promiscus et apparemment non-couverts en sortira autrement que six pieds sous terre. Mais la pauvre épouse qui attendait la venue du Messie ne peut plus compter dessus. Il vient d’être crucifié. Il a ensuite ressuscité mais c’est pour monter au ciel dans quelques jours. Il y a comme cela des destins qui ne se décrivent plus. Ils se vivent et s’enterrent quand la mort les emporte.

Mais cette pièce a-t-elle une autre profondeur que la complaisance aux liaisons dangereuses, ou sont-ce des amitiés particulières ? Il y a le thème effrayant des bureaucrates qui sont l’éternité de l’immédiat qui ne saurait avoir changé, changer ou devoir changer, l’éternité de la bureaucratie népotiste et dictatoriale qui se trouve aujourd’hui être le lieu d’affrontements entre des femmes geôlières qui se disent plus puissantes que des hommes omnipotents qui ne savent pas que c’est une illusion. De toute façon ce n’est que magouille, gymnastique corporelle autant membrée que démembrée, croix de bois croix de fer, de plaisir ou de besoin, celui qui mourra ira en enfer de toute façon. Et le premier qui rira aura une tapette. Et on s’étonne ensuite que plus personne ne fasse confiance à ces énarques sans cervelle qui nous gouvernent.


Dans une situation d’attente, que vaut-il mieux faire ? Attendre avec patience et en fermant les yeux. Ou bien attendre les yeux grands ouverts pour voir ceux qui passent et repérer ceux qui pourraient être une ouverture, une aventure, une amertume et qui sait peut-être une fois n’est pas coutume, mais on ne sait jamais si on ne voyeurise pas les corps qui passent.


Jean-Marie Besset est divertissant, amusant même, cruel toujours et vous n’aurez votre bonbon que si vous souffrez un peu, beaucoup passionnément, à la folie, pas du tout, tant pis pour vous. Il sait comment ça parle et ça s’aparle dans le beau monde de la classe moyenne supérieure établie et plus qu’assise, rassise pour ne pas rance. Et dire que c’est ça qui domine le monde dans lequel nous croupissons. On se prend parfois à vouloir mettre une bombe dans tout ce machin chose bidule là. Mais où trouver la bombe suffisamment puissante pour éliminer la racaille administrative ? Je crois que je vais écrire un poème engagé d’agitprop à la Vladimir Maïakovski, pas Ilitch du tout.


Dr Jacques COULARDEAU



Comments: Post a Comment



<< Home

This page is powered by Blogger. Isn't yours?