JEAN-MARIE
BESSET – CE QUI ARRIVE ET CE QU’ON ATTEND – PETIT MONTPARNASSE – 2010
Sept acteurs et actrices. C’est la Semaine Sainte, c’est l’Épiphanie, c’est
un miracle, c’est la résurrection du Christ, c’est enfin quelque chose qui
arrive et qu’on n’attendait plus, quelque chose qui part et qu’on attendait
depuis longtemps. Ne plus attendre est comme la nouvelle devise des braves
d’aujourd’hui dans un monde en changement, qui perd ses bases et retrouve ses
dynamiques éternelles que vingt siècles d’intégrisme avaient comme ensevelies. C’est
la vengeance de tous les Adonis et de toutes les Sapho sur le fondamentalisme
juif des rouleaux de la Mer Morte, chrétien de Paul et de la norme du sacrement
du mariage hétérosexuel comme seule norme de vie, islamique sinon islamiste de
la négation des sentiments, de l’amour et de la victoire du seul contrat familial
et économique de la seule relation hétérosexuelle sans partage et polygame si
possible.
Une situation administrative compliquée d’un concours d’architectes pour
construire le premier monument sur la lune, une niaiserie si risible qu’on en
pleurerait, fait que se rencontrent deux hommes qui s’étaient aimés d’un amour
tendre et adolescent au lycée, se retrouvent ces deux hommes dans la jungle dictatoriale et terroriste d’une
grande cheffe, probablement Sioux, de l’architecture, de l’art et du
patrimoine, ou quelque chose d’aussi pompeux comme si on appelait les bennes à
ordures des palanquins de recyclage.
Ils ne s’attendaient plus, les deux hommes qui avaient décidé de se quitter
à l’âge adulte pour mener des vies normales. L’un finit mal avec le SIDA du
fait d’une promiscuité sans frein. L’autre part en Afrique avec une femme pour
mener une vie de couple hétérosexuel où la femme attend que l’homme soit prêt
et disponible. Cela rappelle gentiment Rimbaud, mais lui il est parti en
Ethiopie pour ouvrir un commerce d’esclaves et en reviendra avec une maladie
incurable et innommable pour mourir sur les quais du port de Marseille, mais en
France quand même.
On fait donc dans le moins tragique, le moins radical, mais cinq ans plus
tard ce couple hétéro qui se consume à petit feu sans jamais se consommer
revient à Paris et patatras les deux anciens ados amoureux tombent l’un sur l’autre
et c’est le grand charivari. L’épouse du revenant d’Afrique en tombe pour l’ami
du moment de celui qui est resté en France et est devenu quelque chose comme un
bureaucrate européen, et l’Africain de retour tombe presque pour le même partenaire
de circonstance mais est sauvé juste à temps par son ancien amant qui le
récupère avant qu’il ne sombre dans ces bras voraces et promiscus (promiscue :
adjectif féminin. Le masculin, si
on l'employait, serait promiscu. Eh bien employons le au pluriel).
Et les retrouvailles qui passent par l’hôpital
dont il faut bien espérer que le pauvre bureaucrate européen aux rapports
charnels promiscus et apparemment non-couverts en sortira autrement que six
pieds sous terre. Mais la pauvre épouse qui attendait la venue du Messie ne
peut plus compter dessus. Il vient d’être crucifié. Il a ensuite ressuscité
mais c’est pour monter au ciel dans quelques jours. Il y a comme cela des
destins qui ne se décrivent plus. Ils se vivent et s’enterrent quand la mort
les emporte.
Mais cette pièce a-t-elle une autre
profondeur que la complaisance aux liaisons dangereuses, ou sont-ce des amitiés
particulières ? Il y a le thème effrayant des bureaucrates qui sont l’éternité
de l’immédiat qui ne saurait avoir changé, changer ou devoir changer, l’éternité
de la bureaucratie népotiste et dictatoriale qui se trouve aujourd’hui être le
lieu d’affrontements entre des femmes geôlières qui se disent plus puissantes
que des hommes omnipotents qui ne savent pas que c’est une illusion. De toute
façon ce n’est que magouille, gymnastique corporelle autant membrée que
démembrée, croix de bois croix de fer, de plaisir ou de besoin, celui qui
mourra ira en enfer de toute façon. Et le premier qui rira aura une tapette. Et
on s’étonne ensuite que plus personne ne fasse confiance à ces énarques sans
cervelle qui nous gouvernent.
Dans une situation d’attente, que
vaut-il mieux faire ? Attendre avec patience et en fermant les yeux. Ou bien
attendre les yeux grands ouverts pour voir ceux qui passent et repérer ceux qui
pourraient être une ouverture, une aventure, une amertume et qui sait peut-être
une fois n’est pas coutume, mais on ne sait jamais si on ne voyeurise pas les
corps qui passent.
Jean-Marie Besset est divertissant,
amusant même, cruel toujours et vous n’aurez votre bonbon que si vous souffrez
un peu, beaucoup passionnément, à la folie, pas du tout, tant pis pour vous. Il
sait comment ça parle et ça s’aparle dans le beau monde de la classe moyenne
supérieure établie et plus qu’assise, rassise pour ne pas rance. Et dire que c’est
ça qui domine le monde dans lequel nous croupissons. On se prend parfois à
vouloir mettre une bombe dans tout ce machin chose bidule là. Mais où trouver
la bombe suffisamment puissante pour éliminer la racaille administrative ?
Je crois que je vais écrire un poème engagé d’agitprop à la Vladimir Maïakovski,
pas Ilitch du tout.
Dr Jacques COULARDEAU
# posted by Dr. Jacques COULARDEAU @ 1:35 PM