Thursday, October 27, 2016

 

Le morbide rationnel de Topor nous prend par les "bollocks"

ROLAND TOPOR 1 JEAN-MICHEL RIBES – BATAILLES – 2008

Entre Deux personnes l’attirance n’est qu’un accident de parcours qui ne peut être que conflictuel, fortement mortifère et toujours fait de soumission absolue à la dépendance et même l’aliénation.

Deux naufragés au milieu de l’Océan Indien nécessairement transportent avec eux dans cette situation les différences sociales qui les séparent, d’abord en les reproduisant puis en les inversant, mais toujours en les conservant et en les faisant activement hostiles dans une situation ou cependant le travailler ensemble devrait l’emporter. La vie est un tel naufrage que les couples qui se forment sont nécessairement aliénés et aliénants. SOS stop SOS stop SOS stop etc. C’est le MayDay permanent et soyez sûr que ce n’est en rien le Mayflower ni le Maypole. Rien à voir avec le gentil mois de mai non plus. Rien que la haine et le devoir de dominer.


Il est venu du ciel, en fait du balcon de l’étage au-dessus et il tombait à point car la voisine du dessous s’ennuyait, alors elle l’a rescapé. Et puis ces rencontres qui tombent du ciel ne durent pas plus longtemps qu’une éclaircie dans un orage, une pause dans la pluie de la mousson et la voisine du dessous se lasse de l’homme providentiel qui alors menace de sauter par le balcon. Elle le laisse pendre là pendant un certain nombre d’heures jusqu’à ce qu’enfin il laisse tomber, mais déception de la voisine du dessous, il tombe sur le balcon de la voisine d’un étage plus bas et elle le récupère avec du champagne. Rien ne sert de courir, il faut tomber à point.


Puis voilà-t-il pas que nos deux mâles se retrouvent un peu en dessous de trois mille mètres sur la terrasse d’un café dans la montagne. Celui qui monte et qui vient de perdre ses guides – on les appelle d’un nom exotique dans le massif de l’Himalaya – rencontre un homme en redingote ou en smoking qui boit du champagne. « O rage O désespoir O vieillesse adorée, Ne voila-t-il pas qu’en ce bar la mort se cache. » Il était donc parti avec ses sherpas et le voila qui n’arrive qu’à la porte de la mort sans transition, sans surprise, sans effort. Et la serveuse n’est pas mieux pourvue puisqu’elle aussi a franchi le Styx sans même s’en apercevoir. Dieux ! que la vie est bête et combien les hommes sont des animaux, aussi bêtes que la première chèvre venue, bien que la chèvre sache grimper mieux que l’homme au flanc des montagnes. Sinistre perspective que la vie ne soit que la mort en travesti, femelle ou mâle peu importe. Un travesti peut en cacher un autre. C’est là que les passages à niveaux existentiels sont le plus dangereux. Un travesti vital mâle nous passe sous le nez et nous traversons sans regarder quand un travesti femelle nous déboule sur le crâne et on est pris au piège de la mort soudaine. Arrêt du cœur, ma chère ! Aucun espoir de rédemption avec ces gens qui ne savent pas que vivre n’est qu’une illusion mortelle !


Puis on peut alors se laisser aller à une femme qui vit dans un cagibi et qui a laissé entrer un homme un jour qui l’a prise littéralement en otage : fais ceci, fais cela, jusqu’à ce que mort s’ensuive. Mais la femme a un instinct de survie supérieur et donc un jour joue d’un couteau effilé et de fil du rasoir en dague acérée elle le transperce de coups qui finissent par le faire taire. N’est-ce point étrange ? Comment les hommes finissent toujours par se taire quand on leur met quelques remarques tranchantes dans les gencives, et si possible sur la carotide et dans le cœur. Et c’est ainsi qu’elle a du ensuite trancher dans le mort pour s’en débarrasser dans le vide-ordures. Bien fait ! Tenez-vous bien, messieurs, ces dames veillent la dague au poing. Finies les vipères. Bienvenue au sabre !


Il ne reste plus alors qu’à voir nos deux hommes à nouveau ensemble dans un moment de retour d’Afrique pour l’un et de longue période calme pour l’autre. C’est que le dernier a été libéré de son épouse par le premier qui ne savait pas ce qu’il allait perdre alors que le premier savait que c’était lui le gagnant. Mais une criminelle revient toujours sur le lieu de son crime, si possible avec le souvenir de ses victimes. Elle va donc s’installer avec son deuxième homme de retour d’Afrique à deux kilomètres de son premier mari qui peut dire au-revoir et même adieu ou au diable à sa pause, sa sieste, son calme, son répit. Il en est dépité mais à deux ils pourront peut-être mieux résister à la gorgone, sauf si elle les manipule bien et les fait se déchirer l’un l’autre. On en est donc revenu au début. Le naufrage est au rendez-vous et l’Océan Indien va les faire mijoter à petit feu sur le radeau de sa méduse.


Si vous aimez le glauque réaliste à couper au couteau, n’hésitez pas et laissez-vous tomber les bras devant cette horreur à laquelle vous survivrez peut-être, et ne me marchez pas sur les mains. Nous sommes au 150ème étage et je m’accroche péniblement au rebord de la terrasse. Je me mets en mode élimination pour alléger ma misère.


Dr Jacques COULARDEAU



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