PATRICIA
STIRNEMANN – NOUVEAU REGARD SUR LA BIBLE DE SOUVIGNY – 1999
Un beau livre bien illustré, dans lequel je n’ai cependant pas trouvé la référence
des illustrations de couverture. La présentation est courte et clairement
articulée autour de l’idée qu’il y a un style au niveau des illustrations qui
permet de définir une zone géographique qui se centre sur cette Bible de
Souvigny largement inspirée de celle de Clermont Ferrand. Les auteurs appellent
ce style le style du Centre et parlent des Bibles du Centre (sans que ce centre
ne soit vraiment précisé, centre de la région dite du centre en 1999 ou centre
faisant référence au Massif Central, ou quoi encore puisque Limoges et Lyon y
sont attachées ?). Cependant il n’est pas clair si Souvigny est un copieur
de génie ou si Souvigny est à l’origine de ce style quand ils concluent :
« L’histoire de l’enluminure en Bourbonnais. . . A chaque occasion on
s’est adressé aux professionnels des régions voisines : le Lyonnais, le
Berry, l’Auvergne. Entouré par les grandes villes florissantes de Lyon,
Bourges, Clermont-Ferrand, qui ont attiré les meilleurs talents, le Bourbonnais
a toujours eu le don pour flairer la qualité et inciter les maîtres à se
surpasser. »
On ne peut être plus ambigu. Les grandes villes attirent les meilleurs
talents qui viennent donc de l’extérieur, mais d’où exactement ? Et le
Bourbonnais emploie les professionnels des régions qui l’entourent. Quelle est
alors son originalité née et portée par ce Bourbonnais qui emploie des maîtres
qu’ils trouvent dans les régions avoisinantes, maîtres qui ont été attirés dans
les villes de ces régions avoisinantes sans que l’on sache d’où ils
viennent ?
Ceci étant dit, e livre insiste sur divers caractères et surtout sur un
style dit byzantin avec une courte discussion du comment ce style est arrivé en
Bourbonnais et les auteurs semblent favoriser l’idée qu’il serait arrivé par la
Sicile. Mais à la fin du 12ème siècle on est un siècle après le
début des croisades et il eût été bon de dire un mot sur la possibilité d’une
influence de ces croisades dans cette région du Centre. Et là il s’agit de
savoir de quel centre on parle. La première croisade fut appelée de Clermont
Ferrand par le Pape Urbain II en 1095 et nombreux furent les nobles, guerriers
ou autres, et même les simples gens des régions et des villes citées comme
faisant partie du Centre à avoir participé à ces croisades et en être revenus.
Or c’est quelque chose de simple à vérifier que la participation des
Bourbonnais, nobles ou non, à ces premières croisades et seuls vraiment
capables de financer un projet aussi ambitieux que cette Bible, car la question se pose : qui l’a commandée et
sur quelles finances ?
Mais outre les illustrations l’originalité de cette Bible au niveau du
contenu textuel n’est pas abordé. Cependant le titre d’un ouvrage qui est
probablement cette Bible est en latin
« novum et vetus Testamentum » ce qui donne donc l’ordre « le
nouveau et l’ancien Testaments » que cependant les auteurs de ce livre
traduisent (et dans c e cas trahissent) par « l’ancien et le nouveau
Testament ». Il eût été intéressant de se demander si l’ordre des
Testaments de la Bible inversé dans ce titre en latin représentait ou non un
ordre courant au 12ème siècle. Sinon l’inversion a alors un sens
encore plus particulier que de vouloir dire que le nouveau Testament est
premier et donc plus important. Cela veut-il dire que l’Ancien Testament est la
référence ultime de tout Chrétien et donc du nouveau Testament ?
Cet enjeu est passé sous silence et ce silence est couvert par une fausse
traduction. Les auteurs sont des chercheurs du CNRS. On attendrait mieux.
Cela n’empêche que les illustrations sont très belles et très bien rendues.
Dr Jacques COULARDEAU
# posted by Dr. Jacques COULARDEAU @ 1:58 AM