Saturday, September 24, 2016

 

Entre l'islamisme et l'intégrisme, il ne reste que le suicide

BRUNO DUMONT – HADEWIJCH – 2009

Après avoir mis la Flandre agricole et sa jeunesse en parallèle avec l’Irak et la guerre religieuse et coloniale que l’on y mène, après avoir mis en parallèle les rapports charnels entre hommes et femmes, hétéros s’entend, avec le viol et l’assassinat déguisés en actes militaires, bref après avoir réduit la vie de toute une génération à l’ennui et l’insensé, même pas l’absurde qui a un sens caché mais l’absence totale de sens, Bruno Dumont se devait de chercher un peu de spiritualité dans ce monde.


Pour ce faire il fuit le Nord et se réfugie entre tous les lieux possibles dans une maison au moins 17ème siècle, sinon 16ème dans l’île Saint Louis à Paris. Plus rupin, plus minoritaire supérieur, plus bourgeois et fortuné que cela, et je me fais curé. Et bien justement je n’aurai pas à faire ce choix radical, ni même à devenir moine bouddhiste car la fille de cette famille dont le membre le plus attachant est un caniche sans nom, sinon « le chien », la fille donc fait des études en théologie chrétienne bien sûr et veut devenir religieuse. Elle est vierge et a l’intention de le rester. Et Bruno Dumont sombre dans le rétrograde superstitieux 19ème siècle bon poids. Et cette pauvre fille de vingt ans dirons-nous, jusqu’à plus ample informé, nous fait transiter dans une caricature de religion à genoux sur des prie-Dieu d’antan, devant des autels, dans des églises bariolées les mains jointes à prier un dieu qu’elle veut et qui ne répond pas.


Il doit être débordé il est vrai de ces gens qui croient que la spiritualité et la foi, que la religion en un mot est dans la prière ostensible, dans le recours à dieu comme s’il était le concierge d’un immeuble de luxe ou je ne sais quel employé municipal affecté au balayage des trottoirs et des rigoles. Et justement cela fait rigoler car si la foi c’est ça, alors oui je ferais bien de revoir mon bréviaire et de chercher une issue ailleurs.


Et justement, faute de Jésus on prend le premier musulman venu, Jésus est trop pur, trop absent, trop distant. Alors mieux vaut un vrai garçon de dix-huit ans à tout casser, en plus musulman, un peu voleur et qui s’approprie un scooter pour la faire voyager à travers Paris et l’amener à sa banlieue. En tout bien tout honneur, bien sûr.


Va-t-elle découvrir Dieu dans cette banlieue ? Suspense pllus que crucial. Elle découvre qu’il est visible parce qu’invisible et qu’il ne devient visible et tangible que par l’action des fidèles. Un attentat antimusulman, un crime islamophobe en d’autres termes, fait des victimes innocentes dans un endroit de cette banlieue et entraine une manifestation spontanée et la préparation d’une action qui devra rendre dieu visible pour tout le monde. Et ce sera dans le métro du côté de Kléber avec l’Arc de Triomphe en arrière plan, en fond d’écran. L’action directe de révélation de Dieu fait fuir notre jeune vierge vers son couvent où pourtant on lui a dit qu’elle ne serait pas admise à faire ses vœux, même si le couvent lui restera toujours ouvert.


Et voilà que notre Bruno Dumont nous refait le remake du Décaméron. Un ouvrier, qu’on a croisé en prison peu de temps plus tôt, fait du ciment et renforce un faite de mur en haut d’une échelle, le torse nu comme s’il faisait très chaud, en jeans au lieu d’un short moulant. Notre Hadewijch se promène, déambule à la recherche de l’entrée de la Jérusalem messianique dans le jardin du couvent quant un déluge s’abat sur le couvent justement ; Hadewijch et une jeune religieuse se réfugient dans la serre-arche de Noé où elles retrouvent le maçon récemment vu en prison nu de la ceinture à la tête. Une religieuse plus âgé vient s’inquiéter de ce qu’elles font . Elles sont trempées, dit la jeune religieuse. C’en est presque érotique.


La pluie cesse. Le maçon remonte à son échelle. Hadewijch va prier à genoux et mains jointes dans la chapelle. Puis elle fuit jusqu'à un refuge plus loin sur une hauteur où une piéta sert de lieu de pèlerinage aux fidèles qui accrochent un ruban ou une autre fanfreluche de ce genre à la grille. Puis elle s’enfuie cette fois pour de bon et va se noyer dans la rivière en bas dans la vallée. Et quand tout est presque fini, enfin presque, pas tout à fait car elle n’a pas encore craché son dernier souffle, on aurait vu les bulles, le maçon sorti récemment de prison, toujours à moitié nu plonge et la remonte et enfin elle étreint la nudité de ce corps comme si elle avait enfin trouvé son Jésus, ou est-ce son radeau de la Méduse ?


Ce film a-t-il un sens ? Oh que oui ! Mais pas le sens romantique que vous voudriez qu’il ait. C’est encore une fois un film sans musique, sauf une bribe et une seule. C’est un film sans dialogues et tout au plus des morcelets de bribes ici et là, de toute façon incompréhensibles sauf le prêche ou la leçon de catéchisme musulman par le frère de cet Arabe qu’elle a rencontré à Paris et avec qui elle est sortie sans vouloir que la relation ne devienne quoi que ce soit. C’est ce frère qui révèle la profondeur de dieu qui est invisible dans sa propre visibilité que le croyant doit réaliser, rendre évidente par son action d’assertion de Dieu. Et c’est clairement une bombe dans le métro, station Arc de Triomphe-Charles de Gaulle-Etoile. Ne lésinons pas sur les symboles.


Non vraiment la voie/voix de l’Islam ne mènerait qu’à l’islamisme. Monsieur Bruno Dumont fait pour le moins dans l’anti-islamisme facile, très facile, même vraiment pleutre et ridicule. Dupont-la-joie n’est pas encore complètement mort. IL semble même retrouver de la vigueur dans certaines sphères dites culturelles. Liberté de création, vous dites ? Liberté d’expression, vous dites ? Facile quand on fait dans la caricature.


Mais ne croyez pas que le Christianisme soit épargné. La jeune fille est ridicule d’une foi qui ne sert à rien, même pour elle-même, et qui la mène au suicide. Pourquoi dont Bruno Dumont n’a-t-il pas travaillé sur les sœurs ouvrières et les prêtres ouvriers du Nord ? Là il aurait trouvé la foi, la vraie, la foi de l’aide aux autres et non de l’enfermement dans les mains jointes et les génuflexions. Ses religieuses à lui sont totalement coupées du monde. Ce Christianisme n’est pas le Christianisme du 21ème siècle, le Christianisme de mon ami le Père Emmanuel Gobillard, le Christianisme de ces prêtres et de ces religieuses qui se mettent au service des malades et des pauvres, des sidéens et des réfugiés, des illettrés et des affamés. Franchement cette vision du Christianisme est misérabiliste au niveau spirituel. Quelle guêpe a donc piqué notre cinéaste ?


Alors, un sens ? Encore une fois rien, l’insensé et la salvation de cette pauvre fille est dans les bras nus contre la poitrine nue d’un maçon juste sorti de prison et on peut imaginer la suite, on nous laisse voyeuriser la suite. Fin qui sonne aussi mal qu’un tocsin pour un mariage, qu’un tambour militaire endiablé pour une berceuse câline. A croire que Bruno Dumont se prend pour Samuel Beckett. Mas en attendant, ce ne sont ni Godot, ni Vladimir, ni Estragon (qui était juif dans le première version  jamais publiée) qu’on verra venir dans ce discours sans presque de paroles qui sont inaudibles de toute façon. J’imagine que c’est son absence totale de foi, de référence spirituelle, de religion, d’être suprême qui fait que Bruno Dumont sombre dans l’agnostique sans fond, sans fin et sans finalité. Dans un autre contexte certains diraient qu’il est un mécréant. Mais nous ne sommes plus au Moyen Âge, alors je dirai simplement qu’il est un sans Dieu, sans âme et sans  véritable vertu. Oops ! Un mot qu’il doit appliquer aux femmes dans cette dimension négative.


Dr Jacques COULARDEAU

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