BRUNO
DUMONT – HADEWIJCH – 2009
Après avoir mis la Flandre agricole et sa jeunesse en parallèle avec l’Irak
et la guerre religieuse et coloniale que l’on y mène, après avoir mis en parallèle
les rapports charnels entre hommes et femmes, hétéros s’entend, avec le viol et
l’assassinat déguisés en actes militaires, bref après avoir réduit la vie de
toute une génération à l’ennui et l’insensé, même pas l’absurde qui a un sens
caché mais l’absence totale de sens, Bruno Dumont se devait de chercher un peu
de spiritualité dans ce monde.
Pour ce faire il fuit le Nord et se réfugie entre tous les lieux possibles
dans une maison au moins 17ème siècle, sinon 16ème dans
l’île Saint Louis à Paris. Plus rupin, plus minoritaire supérieur, plus
bourgeois et fortuné que cela, et je me fais curé. Et bien justement je n’aurai
pas à faire ce choix radical, ni même à devenir moine bouddhiste car la fille
de cette famille dont le membre le plus attachant est un caniche sans nom,
sinon « le chien », la fille donc fait des études en théologie chrétienne
bien sûr et veut devenir religieuse. Elle est vierge et a l’intention de le
rester. Et Bruno Dumont sombre dans le rétrograde superstitieux 19ème
siècle bon poids. Et cette pauvre fille de vingt ans dirons-nous, jusqu’à plus
ample informé, nous fait transiter dans une caricature de religion à genoux sur
des prie-Dieu d’antan, devant des autels, dans des églises bariolées les mains
jointes à prier un dieu qu’elle veut et qui ne répond pas.
Il doit être débordé il est vrai de ces gens qui croient que la spiritualité
et la foi, que la religion en un mot est dans la prière ostensible, dans le
recours à dieu comme s’il était le concierge d’un immeuble de luxe ou je ne sais
quel employé municipal affecté au balayage des trottoirs et des rigoles. Et
justement cela fait rigoler car si la foi c’est ça, alors oui je ferais bien de
revoir mon bréviaire et de chercher une issue ailleurs.
Et justement, faute de Jésus on prend le premier musulman venu, Jésus est
trop pur, trop absent, trop distant. Alors mieux vaut un vrai garçon de
dix-huit ans à tout casser, en plus musulman, un peu voleur et qui s’approprie
un scooter pour la faire voyager à travers Paris et l’amener à sa banlieue. En
tout bien tout honneur, bien sûr.
Va-t-elle découvrir Dieu dans cette banlieue ? Suspense pllus que
crucial. Elle découvre qu’il est visible parce qu’invisible et qu’il ne devient
visible et tangible que par l’action des fidèles. Un attentat antimusulman, un
crime islamophobe en d’autres termes, fait des victimes innocentes dans un
endroit de cette banlieue et entraine une manifestation spontanée et la
préparation d’une action qui devra rendre dieu visible pour tout le monde. Et
ce sera dans le métro du côté de Kléber avec l’Arc de Triomphe en arrière plan,
en fond d’écran. L’action directe de révélation de Dieu fait fuir notre jeune
vierge vers son couvent où pourtant on lui a dit qu’elle ne serait pas admise à
faire ses vœux, même si le couvent lui restera toujours ouvert.
Et voilà que notre Bruno Dumont nous refait le remake du Décaméron. Un
ouvrier, qu’on a croisé en prison peu de temps plus tôt, fait du ciment et
renforce un faite de mur en haut d’une échelle, le torse nu comme s’il faisait
très chaud, en jeans au lieu d’un short moulant. Notre Hadewijch se promène, déambule
à la recherche de l’entrée de la Jérusalem messianique dans le jardin du
couvent quant un déluge s’abat sur le couvent justement ; Hadewijch et une
jeune religieuse se réfugient dans la serre-arche de Noé où elles retrouvent le
maçon récemment vu en prison nu de la ceinture à la tête. Une religieuse plus
âgé vient s’inquiéter de ce qu’elles font . Elles sont trempées, dit la
jeune religieuse. C’en est presque érotique.
La pluie cesse. Le maçon remonte à son échelle. Hadewijch va prier à genoux
et mains jointes dans la chapelle. Puis elle fuit jusqu'à un refuge plus loin sur
une hauteur où une piéta sert de lieu de pèlerinage aux fidèles qui accrochent
un ruban ou une autre fanfreluche de ce genre à la grille. Puis elle s’enfuie
cette fois pour de bon et va se noyer dans la rivière en bas dans la vallée. Et
quand tout est presque fini, enfin presque, pas tout à fait car elle n’a pas
encore craché son dernier souffle, on aurait vu les bulles, le maçon sorti
récemment de prison, toujours à moitié nu plonge et la remonte et enfin elle étreint
la nudité de ce corps comme si elle avait enfin trouvé son Jésus, ou est-ce son
radeau de la Méduse ?
Ce film a-t-il un sens ? Oh que oui ! Mais pas le sens romantique
que vous voudriez qu’il ait. C’est encore une fois un film sans musique, sauf
une bribe et une seule. C’est un film sans dialogues et tout au plus des
morcelets de bribes ici et là, de toute façon incompréhensibles sauf le prêche
ou la leçon de catéchisme musulman par le frère de cet Arabe qu’elle a
rencontré à Paris et avec qui elle est sortie sans vouloir que la relation ne
devienne quoi que ce soit. C’est ce frère qui révèle la profondeur de dieu qui
est invisible dans sa propre visibilité que le croyant doit réaliser, rendre
évidente par son action d’assertion de Dieu. Et c’est clairement une bombe dans
le métro, station Arc de Triomphe-Charles de Gaulle-Etoile. Ne lésinons pas sur
les symboles.
Non vraiment la voie/voix de l’Islam ne mènerait qu’à l’islamisme. Monsieur
Bruno Dumont fait pour le moins dans l’anti-islamisme facile, très facile, même
vraiment pleutre et ridicule. Dupont-la-joie n’est pas encore complètement
mort. IL semble même retrouver de la vigueur dans certaines sphères dites
culturelles. Liberté de création, vous dites ? Liberté d’expression, vous
dites ? Facile quand on fait dans la caricature.
Mais ne croyez pas que le Christianisme soit épargné. La jeune fille est
ridicule d’une foi qui ne sert à rien, même pour elle-même, et qui la mène au
suicide. Pourquoi dont Bruno Dumont n’a-t-il pas travaillé sur les sœurs ouvrières
et les prêtres ouvriers du Nord ? Là il aurait trouvé la foi, la vraie, la
foi de l’aide aux autres et non de l’enfermement dans les mains jointes et les
génuflexions. Ses religieuses à lui sont totalement coupées du monde. Ce
Christianisme n’est pas le Christianisme du 21ème siècle, le
Christianisme de mon ami le Père Emmanuel Gobillard, le Christianisme de ces
prêtres et de ces religieuses qui se mettent au service des malades et des
pauvres, des sidéens et des réfugiés, des illettrés et des affamés. Franchement
cette vision du Christianisme est misérabiliste au niveau spirituel. Quelle
guêpe a donc piqué notre cinéaste ?
Alors, un sens ? Encore une fois rien, l’insensé et la salvation de
cette pauvre fille est dans les bras nus contre la poitrine nue d’un maçon
juste sorti de prison et on peut imaginer la suite, on nous laisse voyeuriser
la suite. Fin qui sonne aussi mal qu’un tocsin pour un mariage, qu’un tambour
militaire endiablé pour une berceuse câline. A croire que Bruno Dumont se prend
pour Samuel Beckett. Mas en attendant, ce ne sont ni Godot, ni Vladimir, ni
Estragon (qui était juif dans le première version jamais publiée) qu’on verra venir dans ce
discours sans presque de paroles qui sont inaudibles de toute façon. J’imagine
que c’est son absence totale de foi, de référence spirituelle, de religion,
d’être suprême qui fait que Bruno Dumont sombre dans l’agnostique sans fond, sans
fin et sans finalité. Dans un autre contexte certains diraient qu’il est un
mécréant. Mais nous ne sommes plus au Moyen Âge, alors je dirai simplement
qu’il est un sans Dieu, sans âme et sans véritable vertu. Oops ! Un mot qu’il doit
appliquer aux femmes dans cette dimension négative.
Dr Jacques COULARDEAU
# posted by Dr. Jacques COULARDEAU @ 1:50 PM