Monday, April 04, 2016

 

Rien n'est plus effrayant que la peur après la peur

CLAUDIE & PIERRE BOISSE – LA DANSE MACABRE DE LA CHAISE DIEU – WATEL, BRIOUDE – UNDATED

Ce livre est devenu une trouvaille . . .  introuvable justement. Il a toutes les qualités de son temps. Une photo dépliante en couleur de l’entier de la fresque après restauration et ensuite une étude personnage par personnage. Le livre devait être de luxe touristique mais pas trop et donc par trop épais. C’est pour cela que l’on cite parfois ici et là les poèmes des danses macabres de France, le « Dit des trois morts et des trois vifs », une strophe ici et là, mais jamais les textes complets. Or ces textes, la plupart détenus, listés et enregistrés sur le portail Internet de la Bibliothèque Nationale de France ne sont pas disponible pour le grand public ni pour le public des chercheurs un peu distant de Paris.


Alors que l’on trouve des reproductions de Danses Macabres allemandes, illustrations et poèmes, en images téléchargeables, rien pour les Français qui ne comprennent apparemment pas le manque à gagner pour la culture française et pour le rayonnement de cette culture car les Danses Macabres sont surtout présentes en France et en Allemagne. Le public doit nécessairement aller à Paris et à la BNF où il doit montrer patte blanche, c'est-à-dire payer pour avoir accès aux salles de lecture et il n’est même pas sûr que le dernier inconnu venu puisse avoir accès à ces manuscrits, au sens propre du terme, du Moyen Âge.


Ceci étant dit ce livre remet les choses en place sur quelques faits. La Danse Macabre est une procession qui respecte absolument l’ordre social et les échelons dans cet ordre social, donc Pape en tête, puis Empereur, etc. jusqu’à l’enfant et un homme final. L’enfant est en fait u nourrisson dans ses langes qui a bien du mal pour danser. La fresque contient une femme, ce qui est dit rare bien qu’il y aurait des Danses Macabres de femmes comme d’hommes, sans que l’on puisse en dire plus.


Le contexte est un peu allusif et ne donne pas suffisamment de détails sur des faits essentiels. Le Pape Clément VI, qui est enterré dans l’Abbatiale, dont le tombeau est dans le Chœur des Moines, est le Pape d’Avignon qui a fait construire cette Abbatiale car il fut moine ici, mais il est surtout le Pape qui ordonna de ne pas attaquer, condamner, exécuter les Juifs qui étaient accusés par ce que l’on appellerait aujourd’hui l’opinion publique, manipulée plus ou moins, plutôt plus que moins, par les représentants locaux de l’église, d’être les instigateurs et les propagateurs de la Peste Noire. Il a du falloir un peu de courage pour que ce Pape prenne cette décision qui va à l’encontre de l’antisémitisme systématique de l’époque.


Le livre cependant est trop allusif sur cette Peste Noire qui coûta la vie à une énorme proportion de la population qui baissa en Europe de 50%, ce qui représente avec la croissance démographique qui aurait du augmenter la population une mortalité de près de 75% de la population réelle, tant vivante que potentielle, ou simplement en gestation ou nouveau-nés. Le traumatisme n’étant pas quantifié dans son horreur on comprend mal l’obsession cathartique quasiment joyeuse qui s’exprime dans ces Danses Macabres. Je dois dire que la recherche dans ce domaine est bien plus avancée du côté des Anglais ou des Américains.


Je regrette donc que l’on n’ait pas les textes poétiques disponibles uniquement pour privilégiés de ces Danses Macabres et de ces célébrations des morts, et surtout de la Mort. N’oublions pas qu’en ce temps-là toute la vision de la vie et du monde était contenu dans l’alpha et l’oméga, le début et la fin, le début contenant la fin et la fin couronnant l’entre deux de la vie avec le jugement dernier et l’enfer comme récompense pour la plupart, puisque nous sommes tous pêcheurs. Il est dommage que le livre qui cite Ennezat et le « Dit des Trois Morts et des Trois Vifs » illustré dans l’église de Saint Victor et Sainte Couronne, ne cite pas la vision de l’enfer de Saint Austremoine à Issoire.


C’est la même période qui commença en fait à la fin du 13ème siècle, soit un siècle ou presqu’e avant la Peste Noire, avec la crise démographique conséquente au développement social, économique et démographique consécutif à la réforme religieuse du 10ème siècle. Je regrette cette incapacité des historiens à voir le panorama complet de l’époque : sans la crise démographique, pas d’hérésie, pas de Cathares, pas de croisade des Albigeois, pas d’Inquisition, et dans ce défilé de reculs humains et culturels la Peste Noire fut presque une libération car après il a fallu rattraper le temps perdu et inventer l’imprimerie pour développer les cadres d’une Europe qui va retrouver son expansionnisme vers l’Amérique cette fois, en même temps que la libération des esprits et la régression des guerres de religion avec la Réforme.


Je prétends ici que les Danses Macabres étaient un exercice d’exorcisme totalement cathartique de la peur de la Mort quand le mouvement commença à se renverser, donc environ quatre-vingts ans après son déclenchement, en plein tiers final de la Guerre de Cent Ans.


Dr Jacques COULARDEAU



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