SOPHIE LE
GALLENEC & FLORENT CHAPEL – AUTISME LA GRANDE ENQUÊTE – 600 000
AUTISTES PRIVÉS DE LEURS DROITS : LE RETARD FRANÇAIS – 2016
Voilà un livre qui vient à point. Le retard français dans ce domaine est
tel que l’on a le droit de crier à la maltraitance
de masse. On ne parle pas ici d’une maladie marginale, mais bien d’une
maladie qui touche au moins 1% de la population de la naissance à la mort, donc
pendant toute la durée de leur vie, et qui plus est, est en croissance rapide
sans que l’on sache pourquoi.
« Retard dans le diagnostic, absence de prise en charge adaptée et
efficace, faible scolarisation, mauvaise intégration sociale et
professionnelle, hospitalisation au long court. » (p. 183)
Et ce ne sont pas les nouvelles
nominations de cette maladie qui peuvent couvrir le gâchis humain que
représente cette situation avec l’anonyme TSA (Troubles de Spectre Autistique)
et le cache-misère TED (Troubles Envahissants du Développement). Appelons
autisme ce qui est de l’autisme ou bien décidons l’absurdité de dorénavant
appeler le cancer un TDC (Trouble de Développement Cellulaire). Je vais dans
les notes qui suivent essayer de prendre à bras le corps les questions qui se
posent, que ce livre pose, et ce qui me semble être quelques manquements.
NON INTÉGRATION DANS LA
RECHERCHE MONDIALE
La recherche mondiale est en anglais, mais passer de l’anglais au français
est un vrai problème. Le français n’ayant pas suivi, comme nous allons le voir,
le développement mondial en anglais, n’a pas su inventer les mots nécessaires
pour « traduire » les mots anglais. Parfois une bataille peut être
gagnée, puis reperdue, comme pour « caméra numérique » en place de
« digital camera », gagnée dans les années 80-90 et qui est en train
d’être reperdue aujourd’hui au profit (ou plutôt déficit) de « caméra
digitale ».
Un exemple puissant se trouve dans ce livre avec la traduction de « evidence-based
practice » par « pratique fondée sur la preuve » (p. 216). Le
livre est plus honnête que la plupart des livres, y compris d’ailleurs des
travaux de recherche, qui oublient de donner l’original. Ce n’est pas le cas
ici. C’est pour cela que sans le moindre effort nous pouvons comparer
l’original anglais et la traduction française qui est erronée.
« evidence » ne signifie pas preuve mais ici « efficacité
constatée ». C’est donc une « preuve appliquée » et non une
« preuve scientifique ».
La preuve de la pomme pour Jacques Prévert qui la confronte à Pablo Picasso
c’est qu’après le passage du peintre il n’y a plus qu’un trognon. Mais le fait
d’avoir été mangée par ce virtuel Pablo Picasso ne prouve en rien que la pomme
n’était pas empoisonnée. Une technique peut fonctionner efficacement sans que
l’on sache pourquoi véritablement. Et les auteurs ne font pas l’erreur de s’en
tenir à la surface de ce mot français et dans la foulée du terme ils expliquent
que cette preuve est la constatation du bienfondé de « méthodes
d’inspiration cognitivo-comportementale évaluées et validées » (p. 217),
exactement ce que l’anglais appelle « evidence ».
Le livre page 193-194 rappelle par une longue citation de Franck Ramus,
directeur de recherche ai CNRS, combien la recherche française s’enferme dans
la langue française, dans le territoire français, parfois même dans l’ethnie
française au point de ne plus être branchée sur le monde extérieur et de faire
totale fausse route faute d’ouverture sur l’anglais tant en lecture qu’en
écriture et en compréhension. Et cela est vrai dans toutes les matières ou
presque. Les chercheurs à même de présenter et discuter leurs recherches dans
une enceinte internationale en anglais se comptent sur les doigts des deux
mains et parfois on croit savoir que l’individu est manchot et qu’il n’a plus
de pouce. Au nom de la défense de la langue française, la recherche française
s’enferme dans la paresse de la non-acquisition de l’anglais. J’ai enseigné
l’anglais à de nombreuses classes de mastère où les étudiants savaient beaucoup
plus d’anglais que leurs enseignants, et pourtant ce n’était toujours glorieux.
LA FRANCE TERRE D’EXCEPTION
Cela nous amène naturellement à l’exception française. Faute de s’intégrer
à la recherche internationale sur l’autisme, la France cultive comme un seul
homme ou presque des caractéristiques peu glorieuses. Le traitement prioritaire
est un traitement en trouble psychiatrique et en premier lieu par un
« traitement » psychanalytique posant la mère comme responsable soit
parce que trop distante, soit parce que trop possessive. 90% des autistes
adultes pris en charge (et ils sont une minorité dans l’ensemble) le sont par
relégation dans des structures inadaptées, d’autant plus qu’aucune étude épidémiologique
n’est faite en France, ce qui permet de ne pas voir l’immensité du problème,
alors même que la maladie est en pleine croissance que certains considèrent
comme galopante. Faute d’études françaises on ne peut que citer le cas des
USA : étaient atteintes d’autisme une personne sur 525 en 1992, une sur
110 en 2006, une sur 68 en 2014 et une sur 45 en 2015. En France 77% des
autistes ne sont pas pris en charge correctement (dans des structures
d’accompagnement et de développement cognitif et comportemental, sans parler
d’insertion professionnelle) alors qu’aux USA 80% le sont et ce sur la base
d’un recensement extrêmement plus contraignant et précis.
La deuxième cause de cette exception française est le refus du corps
médical et psychologique ou psychiatrique de diagnostiquer la maladie pendant
les six ou sept première années de l’enfance alors qu’il est prouvée par
l’expérience que le diagnostic précoce est possible et que la prise en charge
cognitivo-comportementale dès 16 ou 18 mois permet des progrès immenses, voire
des quasi-guérisons et l’expérience tardive des français montre le coût humain
élevé de cette non-prise en charge précoce.
Mais la France bétonne son exception au niveau des enfants (jusqu’à l’âge
de 26 ans si on écoute les services sociaux) en mettant les familles sous
pression sociale, voire judiciaire, par le biais de signalement
« d’absence de soins » ou de « négligence parentale »,
voire de « m altraitement »,
quand les parents refusent d’interner leurs enfants dans des services
psychiatriques d’hôpitaux généraux quand ce n’est pas dans des hôpitaux
psychiatriques à part entière où ils sont abandonnés seuls dans des cellules
capitonnées sans mobilier quel qu’il soit pour qu’ils ne causent aucun dégât,
ne se blessent pas ou ne blessent pas les autres, ne serait-ce peut-être que
par leur vue. Entre la maltraitance psychiatrique des enfants (jusqu’à 26 ans
sous la responsabilité parentale, qui pourra perdurer jusqu’à la mort sous
autorité hospitalière) et l’absence de soins pour refus de cette maltraitance,
les services sociaux de la république française ont choisi le premier mal alors
que le second peut être ou pourrait-être, si les procédures
cognitivo-comportementales sérieuses étaient appliquées, une vraie libération,
y compris d’ailleurs de la valeur ajoutée de leur travail pour la tranche des
autistes savants qui ne sont pas encore en France recensés sérieusement :
être autiste est une raison absolue pour un employeur de refuser l’emploi,
malgré les obligations d’emplois de personnes handicapées : les employeurs préfèrent
acheter du papier hygiénique ou de la papeterie à une institution spécialisée
(CAT) car cela les libère de l’obligation d’emploi qui n’est jamais une
obligation d’emploi direct.
Quelles pistes de réflexion pouvons-nous avancer ?
REFUSER PSYCHOLOGISATION
ET PSYCHIATRISATION
D’abord refuser tout traitement par hospitalisation même de jour. Le
traitement doit être cognitivo-comportemental et doit viser à l’intégration des
autistes dans la société normale avec assistance appropriée si nécessaire, y
compris systématiquement en milieu scolaire dès la maternelle. Le Royaume Uni a
du attendre Margaret Thatcher pour que cela soit. Les USA ont du attendre
Ronald Reagan pour que cela soit. Jusqu’à quand la France devra-t-elle
attendre ?
Il s’agit aussi d’abandonner toutes les théories fictives et inefficaces
qui n’expliquent rien et ne donnent aucun avantage pratique. Nous devons nous
orienter vers une approche appliquée qui expérimente des méthodes déjà prouvées
efficaces dans d’autres pays, puis développer de nouvelles approches
systématiquement évaluées et validées. C’est la seule voie raisonnable car elle
améliore réellement le vécu de ces personnes autistes. Au niveau international
les méthodes suivantes ont fait leur preuve pour développer les autistes tant
au niveau cognitif qu’au niveau comportemental : PECS (Picture Exchange
Communication System, système de communication par échange d’images, p. 131),
ABA (Applied Behavior Analysis, analyse appliquée du comportement, p. 137) et
TEACCH (Treatment and Education of Autistic and related Communication
Handicapped Children, traitement et éducation des enfants autistes ou souffrant
de handicaps de communication apparentés, p. 143). C’est à partir de là que
l’on doit progresser. D’ailleurs le retour à des classiques français comme
Célestin Freynet, francophones comme Jean Piaget ou européens comme Vygotski
permettrait de (re)trouver une certaine dynamique dont nous sommes dépourvus à
l’heure actuelle.
On pourrait alors chercher à définir plus précisément l’autisme. On peut
poser aujourd’hui que l’on naît autiste (p. 33), que c’est une maladie en
partie génétique (p. 81), que cette maladie par application d’une approche
« big data » concerne davantage les populations blanches plutôt que
noires ou hispaniques, quatre à cinq fois plus les garçons que les filles, les
enfants nés de père de plus de 40 ans six fois plus pour un garçon et dix sept
fois plus pour une fille que les enfants d’un père de 20 ans, avec mutations
génétiques spontanées (de novo) au moment de la conception plus élevées en
fonction de l’âge du père (p. 83-84). On sait aussi que l’autisme est déclenché
par des éléments de l’environnement immédiat y compris pendant la gestation
comme l’inhalation de pesticides par la mère enceinte (recherche de
l’Université de Californie à Davis).
Cela prouve (dans la pratique autant que dans les expérimentations
scientifiques (génétiques et biologiques variées) qu’il ne faut pas attendre en
ne faisant rien. Il faut diagnostiquer le plus vite possible et offrir un
accompagnement cognitivo-comportemental le plus rapidement possible. Toute
attente, l’arme au pied est criminelle. Mais c’est là qu’intervient le problème
du langage du fait de la déficience communicationnelle des enfants autistes. Ce
livre n’est pas écrit avec la collaboration d’un linguiste spécialisé dans la
psychogenèse du langage et c’est un manque certain. Le cas de Josef Schovanec,
aujourd’hui adulte et socialement intégré, qui a su lire et écrire avant de
parler (p. 49), ou le cas de Naoki Higashida, un enfant japonais qui à 13 ans
écrivait à l’ordinateur un texte dont la maturité est surprenante alors qu’il
était non-parlant (texte surprenant car n’étant pas typique d’un enfant de 13
ans mais texte qui a nécessairement été traduit d’une langage de deuxième
articulation phylogénique dans une langue de troisième articulation
phylogénique, et le japonais est une langue à tons, à tonalités, une langue
également isolante et donc une langue plus difficile à manier, à écrire, que
l’anglais qui a du être la première traduction et raison de plus le français
qui doit être une traduction indirecte par l’intermédiaire de l’anglais, p. 32)
montrent que le langage est la clé du problème car le langage est l’outil
humain le plus important de la communication et surtout de la maturation et du
développement cérébral et mental (les deux ne sont pas la même chose).
LANGAGE ET COMMUNICATION
Nous avons d’abord de simples sensations sensorielles qui montent au
cerveau par influx nerveux. Il serait intéressant de savoir si les enfants
autistes voient de la même façon que les enfants « neurotypiques »
tant au niveau de la rétine que de l’influx nerveux qui en part. Puis le
cerveau transforme ces sensations en perceptions par analyse en éléments plus
ou moins simples qu’il identifie ensuite par reconnaissance ou par simple
classement. Nous ne savons pas si le cerveau autiste et le cerveau neurotypique
fonctionnent de la même façon à ce niveau là. C’est sur la base de ces deux
niveaux de travail sensoriel et neuronal que le monde extérieur est saisi et
déconstruit/reconstruit en éléments enregistrés par le cerveau et pouvant alors
être reconnus avec une identification cérébrale. C’est sur la base de ces trois
niveaux d’opération que le langage va se construire en donnant des noms à ces
éléments ou objets, noms empruntés au monde adulte et se fondant sur
l’expérience corporelle (« mama » sur base de mouvement labial de
succion, « papa » sur base de mouvement labial de fin de succion, etc.).
C’est ici que l’on constate l’autisme car l’enfant ne va pas être capable
naturellement (s’entend par un processus de développement et croissance
totalement gouvernés par la génétique et modulés par l’expérience) de
développer ce langage premier. Il va rester non-oral. Cela ne veut pas dire
qu’il n’a pas les notions abstraites correspondant à ces éléments de
perception. Le livre donne la preuve qu’il les a, mais l’absence d’un linguiste
fait que cela n’est pas vu et que le niveau réelle de possession n’est pas
expérimentalement mesuré.
La procédure de médiation de la communication par des images est la preuve
que l’enfant est capable de développer les concepts nécessaires à la saisie de
la valeur de ces images : si l’image du chocolat désigne le chocolat et si
le fait de donner l’image à l’adulte signifie qu’il veut qu’on lui donne du
chocolat, l’image et le geste matérialise des concepts qu’il a abstraits dans
son esprit (un autre mot qui manque au français : « mind »).
Savoir lire et écrire implique que l’on possède la langue concernée et donc que
l’autiste non-parlant qui apprend ainsi à lire et écrire visuellement et par le
sensori-moteur de la main a la possession mentale de la langue ou du moins
construit mentalement cette langue dont il a besoin pour lire et écrire. Il lui
manque le sensori-moteur de la parole. L’enfant qui est capable d’écrire un
texte complexe sur son expérience d’autiste non-parlant avec un ordinateur à
l’âge de 13 ans possède la langue qu’il utilise sur cet ordinateur sans être
capable de la parler. De nombreux autres cas posés dans le livre vont dans le
même sens. La recherche psychogénétique du langage des autistes reste à faire.
Dommage car il y aurait beaucoup à dire après une procédure de recherche
compliquée. Mais c’est hélas un trait français en linguistique : le mépris
pour la linguistique appliquée et l’isolement de la linguistique des champs
d’application de celle-ci, même si ce fait semble être assez universel et est
le fait des linguistes qui ne semblent pas vouloir condescendre au niveau de
l’application, des applications.
AUTISME POSITIF
C’est maintenant que l’on peut approcher le problème de l’autisme de façon
positive. Citons les qualités potentielles de certains, nombreux ( ?),
autistes listées p. 60-61 :
« le perfectionnisme, la minutie, un haut niveau de concentration, de
constance, même dans les tâches répétitives, la persévérance, l’assiduité, un
puissant investissement dans le travail, l’intérêt pour les domaines hautement
pointus, la capacité d’acquérir des compétences techniques, une excellente
mémoire, une manière différente et souvent ingénieuse de chercher des
solutions, mais aussi, une loyauté et, on l’a vu, un sens de l’honnêteté
innés. »
On peut considérer que ce sont là les qualités maximum de l’autiste
Asperger, mais il reste à prouver que l’on ne peut pas développer ces qualités
chez la plupart des autistes. C’est ici que l’on rencontre la triade
autistique : les trois caractéristiques les plus évidentes d’une
personnalité autistique : « une difficulté à la socialisation »
(p. 68), « une entrave dans la capacité à communiquer »,
particulièrement au niveau du langage oral, premier concerné et souvent avec
blocage social du développement du langage sous d’autres formes en France (p.
71), et une concentration sur des « centres d’intérêt et des
activités » (p. 73). D’où la conclusion
« l’interaction sociale, la communication et les intérêts et activités
stéréotypées forment donc la triade autistique qui atteint tous les autistes,
sans toutefois définir un tableau unique de l’autisme, loin de là, tous les degrés
d’atteintes et les manifestations varient. (p. 76-77).
Pourquoi donc alors l’abandon dans lequel ils se retrouvent en
France ?
LES CAUSES DE L’ABANDON
C’est là qu’il est nécessaire de mettre l’accent sur le fait qu’en France
80 000 enfants en âge de scolarisation sont privés d’éducation car l’école
laïque de la république les refuse, ce qui fait que 37 000 d’entre eux
sont relégués dans des IME (Institut Médico-Educatif) ou en hôpital de jour
quand ce n’est pas psychiatrique. Et donc 43 000 sont enfermés dans leurs
familles, sans aide et sans possibilités de développement, ce qui n’implique
pas qu’ils sont sans amour. C’est ici que le coût social est énorme : un
parent, généralement la mère, sacrifie sa carrière professionnelle pour
s’occuper à temps plein de l’enfant (perte de salaire et perte de la valeur
ajoutée que cette mère aurait pu produire dans un emploi, sans compter la perte
de développement personnel et professionnel de cette mère, et ne parlons pas
des divorces, des infanticides et des suicides).
L’école les refuse car ils peuvent perturber la routine ronronnante quotidienne
d’un corps enseignant mal formé. Le livre ne voit pas une autre cause du côté
des enseignants : Ils ont été presque obsessionnellement formés à ne pas
établir de contact physique avec les enfants (au nom de la pédophilie), or
c’est une dimension importante pour les autistes (nécessité de sortir l’enfant
de sa claustration de non-contact), et en plus les enseignants ont été tout
aussi obsessionnellement formés à refuser tout contact psychologique et mental
avec les enfants car, comme le Docteur Claude Olivenstein l’a dit et écrit sur
les drogués, idée que l’on étend abusivement à tous les enfants, même les
neurotypiques, la relation peut devenir « cannibale » c'est-à-dire
que l’enfant exige un contrôle de cette relation et donc une pratique forte de
la part de l’enseignant qui devient prisonnier de cette relation. C’est là
d’ailleurs que l’on retrouve les psychologues qui ,pensent cela à haute voix
(Il n’y a pas de drogués heureux, donc il n’y a pas d’autistes heureux) et les
éducateurs (AESH, Accompagnants d’Elèves en Situation de Handicap) qui peuvent
eux aussi suivre cette logique et qui, étant des personnels mal formés ou pas
formés du tout sur des contrats précaires et des emplois à temps partiel, ne
sont pas capables d’assurer le suivi dans le temps long indispensable pour des
autistes. En plus il y a souvent ou parfois des groupes de parents d’élèves qui
interviennent pour stigmatiser l’autiste de la classe comme le frein, voire la
cause de l’échec, de leurs propres enfants.
VERS UNE CONCLUSION
On me dira qu’alors cela relève des tribunaux. Mais c’est que ces tribunaux
ont été saisis et ont tranché dans le bon sens mais en pure perte. Condamnation
de l’état français en 2005 par le tribunal administratif de Lyon, puis en 2007
par la cour administrative d’appel de Paris, puis en 2011 par le Conseil
d’Etat, et tout du long depuis longtemps par le Conseil de l’Europe comme traitement
non-conforme à la charte européenne de personnes en situation de handicap, et
même en 2011 et en 2015 par l’ONU et ses experts, sans compter la totale
irrégularité de ces pratiques et de cette situation par rapport à la Charte de
l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS/WHO) à Genève, la porte à côté.
Et rien n’y fait.
Concluons en comparant le coût sur une vie entière de la prise en charge
socialisée et éducative d’un autiste en Grande Bretagne entre 1,1 et 1,9
millions d’euros, et le même coût d’un autiste en France qui est médicalisé à
vie et représente 200 000 euros par an pendant disons cinquante-cinq ans, soit
11 millions. Il n’y a pas photo, mais il n’y a pas plus aveugle que qui ne veut
pas voir, et l’on accuse toujours le chien d’avoir la peste quand on veut
l’abattre, et l’état français ne veut pas voir malgré la position récente mais
claire de la Haute Autorité de santé (HAS) qui condamne sans détour ni retour
la psychanalisation et la psychologisation de la maladie et toutes les
pratiques qui relèvent de la maltraitance et même de la torture, souvent sans
l’accord des parents ou des personnes concernées adultes qui devraient conserver
leur doit au refus d’un traitement et leur droit à sortir de l’hôpital
librement. Si ces personnes représentent un danger pour elles-mêmes ou pour
autrui c’est à la société de mettre en place des procédures humaines de
prévention par le développement, raison de plus quand cela coûte dix fois moins
cher que l’enfermement à vie sans décision de justice qui devrait être la seule
à justifier une telle situation.
Note finale : le livre est clair sur les
revendications concrètes mais manque un objectif : il est urgent de
réaffirmer dans notre société que la justice est la seule autorité qui peut
retirer pour une durée déterminée la liberté d’une personne et suspendre pour
une durée également déterminée les droits civiques ou politiques de cette même
personne. Les lois françaises sont claires sur ces questions là. La charte
européenne l’est tout autant. Les traités internationaux de l’ONU ou des
organisations internationales qui en dépendent disent la même chose. Il serait
temps que la France se mette à niveau dans le monde. A force de ne pas faire ce
qui est urgent elle régresse de rang en rang toujours plus bas.
Dr Jacques COULARDEAU
# posted by Dr. Jacques COULARDEAU @ 6:55 AM