PATRICK ROSSI –
LA DANSE MACABRE DE L’ABBAYE DE LA CHAISE-DIEU – EDITIONS JEANNE D’ARC – LE PUY
EN VELAY – 2006
Il est indéniable que ce livre set capital et porte sur une œuvre tout
aussi capitale dans une abbaye en rien moins capitale encore. L’Abbaye de La
Chaise Dieu était la maison mère d’un ordre bénédictin essentiel en Europe,
particulièrement en Europe méridionale du 11ème siècle à la fin du
Moyen Âge. Il est encore plus important aujourd’hui de publier de tels livres
car cette Abbaye est enfin en train de bouger architecturalement car elle est
devenue un chantier majeur en Haute-Loire, au moins comparable, toutes
proportions gardées, à la Cathédrale du Puy.
Il est donc nécessaire d’écarter les petits défauts du livre avant d’en
discuter le contenu. La bibliographie n’est pas en ordre alphabétique, comme il
est standard que ce soit, mais en ordre chronologique, et il manque au moins
une œuvre citée dans le livre, il est vrai aujourd’hui introuvable. Les
nombreuses illustrations des personnages de la fresque, ainsi que les esquisses
dessinées sont intéressantes et riches, mais pourquoi le bandeau complet de
cette fresque est-il étrangement coupé, son début n’étant pas à la tête du
bandeau pour une raison qui semble mineure : avoir le début de la fresque
sur le repli intérieur de la première de couverture, ce qui coupe ce début de
sa suite qui est sur le repli intérieur de la quatrième de couverture et le met
linéairement après (à la droite de) la fin de la fresque qui se place à droite
de la première de couverture pour se poursuivre en remontant vers le début de
la fresque vers la gauche puis sur la quatrième de couverture et enfin sur le
repli de cette quatrième de couverture. En ordre linéaire complet cela met le
Pape juste après l’enfant – pardon le nourrisson dans ses langes – et le
dernier personnage vif. Cela est regrettable. D’autre part le CD interactif
donne à voir beaucoup d’images mais le texte n’est que la lecture du livre.
Mais mis à part quelques défauts de ce genre, le livre est d’une grande
valeur. L’essentiel est dans l’approche du contexte de la Danse Macabre et de
son analyse.
Sur le contexte il est bon d’insister sur le tournant démographique
négatif de la fin du 13ème
siècle. Crise de surpopulation pour une agriculture et une proto-industrie
rurale qui ne peuvent occuper tout le monde ni même nourrir tout le monde. Le
système féodal d’attachement des paysans à la terre qu’ils travaillent a
atteint ses limites d’où un exode rural sauvage
soit vers les marges sociales, comme le brigandage, soit vers les marges
de la ville comme la mendicité. On a ainsi l’apparition d’une classe de brigands
et parasites qui deviennent le vivier des crises sociales.
Cela n’est pas suffisamment expliqué car le développement de l’agriculture
après la réforme religieuse du 10ème siècle n’est pas identifié,
avec la révolution verte très importante qui intensifie les résultats et les
récoltes (assolement triennal, jachère, fumier animal et humain, collier du
cheval, retour à la charrue métallique celte, joug pour les bœufs et sélection
de semences), avec l’instauration de 75
à 80 jours non travaillés compensés par le travail des moulins et donc par une
proto-industrie rurale propriété conjointe des seigneurs locaux et de l’église,
moulins qui permettent une meilleure alimentation avec les moulins à grain et à
huile, l’essor de la tannerie avec les moulins à tan et surtout l’expansion de
la culture, du filage et du tissage du chanvre avec les moulins à foulon, activité
qui dote les paysans, et leurs seigneurs, ainsi que l’église, de revenus
annexes fort importants avec le développement des marchés jusqu’au 13ème
siècle. Le retournement de la fin du 13ème siècle est alors cruel
pour la population et la région car il amène ce que certains ont appelé les hérésies,
en particulier les Cathares qui ont commencé à vouloir imposer le partage égal
des ressources alors que la solution était dans une seconde révolution verte et
une seconde révolution proto-industrielle portée par la production et le
commerce de biens de consommation justement commercialisables.
Cela ne viendra que deux siècles plus tard
La Peste Noire qui arrive à peine un siècle après le début de cette crise
démographique est le résultat d’un développement rapide de la Route de la Soie
de l’époque par la Crimée, Constantinople, Venise, Gênes et Marseille. Le coût
humain d’une baisse de 50% de la population en France et en Europe est
insuffisamment mis en avant, ainsi que le coût économique. On entre alors dans
une période de récession grave que les nobles féodaux à tous les niveaux ne savent gérer que par la
conquête, la guerre et le pillage, remettant en cause deux à trois siècles de
Paix de Dieu, Paix de Dieu encore une fois non-identifiée bien que partie au 10ème
siècle du Velay, du Cantal et de l’Auvergne.
Cette remise en cause de la Paix de Dieu ne peut qu’encourager le
brigandage à côté de la guerre, sans parler en Auvergne et sa région des
changements d’allégeance du Roi de France au Roi d’Angleterre et vice versa. Ce
sera la Guerre de Cent Ans précédée de nombreuses escarmouches.
Voilà l’essentiel du tableau. Crise démographique, crise économique, crise
de santé extrêmement grave, crise religieuse que l’Inquisition ne contrôle pas,
crise politique entre diverses couronnes, crise religieuse avec le Grand Schisme,
avec Avignon contre Rome, crise morale qui découle de toutes les autres.
Qu’en est-il en 1420, 70 à 80 ans après le déclenchement de la Peste Noire
et en plein milieu de la Guerre de Cent Ans ? A l’abbaye les rentres ne
rentrent plus. Il n’y a plus de récoltes et il n’y a plus personne pour les payer
ou même d’ailleurs les collecter. Ce sont la misère, la disette et même la
famine qui règnent et la peste s’installe pour durer comme ailleurs sans
compter les balancements entre les rois divers qui ambitionnent de faire main
basse sur la région et ses richesses, car elle en a. Et ne parlons pas des
victimes de la peste à l’intérieur de l’Abbaye car là aussi la peste arrive.
Les conséquences sur la vie intérieure sont énormes : se protéger de
l’épidémie de l’extérieur, donc des visiteurs, et pourtant assurer le devoir
d’hospitalité dans un bâtiment à part sous la coupe d’un frère lai spécifique
avec un infirmier à sa disposition. Les moines sont cependant en contact
courant avec les représentants de l’abbaye dans les prieurés de la région,
directement sous les retombées de la peste, ne serait-ce que par les rites
mortuaires aux mourants qui ne peuvent pas être refusés. Et ces moines des prieurés
ne sont pas des visiteurs comme les autres bien qu’ils peuvent amener la peste
avec eux, quand ils sont encore vivants.
La Danse Macabre apparaît alors comme ce qu’elle est : une libération
dans une épreuve finale. L’enseignement apocalyptique chrétien renforce et
réjouit l’expérience quotidienne. Savoir que le monde se finit avec nous est
comme la consolation majeure que tout mourant peut attendre : sa mort
apporte la Deuxième Venue, la Résurrection finale, le Jugement Dernier, la
Jérusalem messianique. Les mourants ne meurent pas pour rien.
L’approche iconographique de lecture fine est bonne et permet de poser
cette Danse Macabre comme la première en Europe. Mais le texte du livre ne
discute pas une citation de Nicéphore, Patriarche de Constantinople :
« L’image est un genre d’écriture plus grossière, et néanmoins plus
claire, pour les gens simples et frustres, afin que même les illettrés
apprennent par la simple vue ce qu’ils sont privés de connaître par la lecture,
et ainsi reçoivent une connaissance plus abrégée et plus claire des choses. Car
ce que souvent l’esprit n’a pas saisi en entendant les paroles, la vue, en le
percevant d’une manière stable, l’a interprétée plus clairement. »
L’auteur du livre utilise une traduction qui ne me semble pas correspondre à la
réalité du début du 9ème siècle, avant même la réforme religieuse et
de toute façon d’un patriarche de l’église orthodoxe et non catholique. Le
concept d’illettrés me semble totalement anachronique au 9ème siècle
où l’état normal de développement humain était de ne pas savoir lire, et même
de ne pas lire tout simplement car lire est dangereux. Peu de gens peuvent
consommer un livre comme il est clairement dit dans l’Apocalypse de Saint Jean.
Et encore faut-il avoir un livre. La plupart des églises n’ont même pas la
Bible et les prêtres ou moines ont simplement mémorisé les passages qu’il
citent, à l’oreille encore plus qu’à la lecture. Le Moyen Âge est
principalement une civilisation orale avec un écrit manuscrit parfaitement
marginal pour une élite étroite.
Les images cependant ne peuvent pas prendre sens en elles-mêmes car il faut
aussi savoir les lire et ce savoir ne peut venir que de la rencontre du texte
et de l’image. Sans l’explication du prêtre qui explicite le sens de la fresque
cette fresque est illisible pour quiconque n’a pas le lettrisme pictural
nécessaire. J’ai entendu de mes oreilles mêmes une guide de l’Abbaye faisant
entrer les touristes à partir du chœur des Moines dire à ces touristes que le
sens de la Danse Macabres était à sens inverse de l’ordre social puisqu’on la
parcourt du Pape à l’enfant. Ignorance que cette Danse Macabre n’était ouverte
au public que très rarement, quand ce public pouvait remonter le latéral non pas jusqu’au chœur qui est des moines,
mais jusqu’à l’autel latéral nord. Les occasions étaient rares et ce
public alors remontait la Danse Macabre de l’enfant au Pape dans l’ordre social
habituel. Le lettrisme pictural ne vient que d’un long commerce avec les explications
qui accompagnent les images et au Moyen Âge elles ne pouvaient venir que des
moines ou des prêtres dont une bonne proportion étaient illettrés par ailleurs
car ils récitaient des chapitres entiers de la Bible de mémoire et pas en
lecture. C’est le récit qui transmet le sens et l’unifie en le projetant dans
les images.
Et pourtant qu’on me comprenne bien : ce livre est d’une finesse
extrême pour l’identification des personnages et pour la datation. J’ai
beaucoup aimé le sergent à verge : même lui, le tortionnaire de
l’Inquisition, n’échappe pas à la mort. Visitez le film « Le Nom de la
Rose » et vous verrez comment Umberto Eco règle son compte à l’Inquisiteur
dans les scènes finales.
La discussion sur la vielle à roue se fondant sur une hypothèse que la
manivelle a été ajoutée par un graffitiste récent (sous-entendu d’après 1850 ou
quelque chose dans ce genre) est plus que discutable. Un simple historique de
l’instrument, par ailleurs rappelé par l’auteur, montre parfaitement que cet
instrument ne peut pas être autre chose surtout que ce musicien est très loin
dans la hiérarchie et est donc un musicien de marché, de foire et de places
publiques et non un musicien de cour, ce qui justifierait que l’on puisse
penser que c’est un luth. Un luth est beaucoup trop faible pour une musique de
rue, de marché ou de foire, une musique de danse populaire.
Je ne suis pas non plus convaincu par le même argument graffitiste pour les
bésicles du pauvre clerc théologien (d’ailleurs identiques à ceux du personnage
principal du « Nom de la Rose » comme si le graffitiste avait vu le
film). Ici il serait nécessaire de faire un vrai travail scientifique et donc
de prélever le carbone du fusain utilisé par le dater. Il existe même
aujourd’hui d’autres techniques de datation. Il serait intéressant aussi de
faire un travail sur ces bésicles pour prouver que le carbone n’a pas pénétré
dans l’enduit humide mais est exclusivement en surface et donc postérieur. Pour
en revenir au Ménestrel, c’est une très bonne initiative de l’appeler ménestrel
car il ne saurait être trouvère du nord de la France et du pays picard (le
premier trouvère, ou l’un des tout premiers, est Conon de Béthune et il écrit
en picard ancien), il ne saurait être
troubadour si on accepte qu’ils ont disparu au 15ème siècle, ce dont
on peut d’ailleurs douter, du moins au niveau des pratiques populaires. Le
ménestrel est un compromis qui permet d’éviter le débat. Mais soyons clair il
ne s’agit pas d’un ménestrel de château qui serait beaucoup plus haut dans la
hiérarchie car on ne doit pas oublier le concours de poésie et musique de la
Cathédrale du Puy en Velay en ces siècles reculés, concours doté d’un faucon de
chasse pour le vainqueur, le faucon de chasse étant un privilège de noblesse. S’il
est populaire, très loin dans la hiérarchie sociale de la Danse Macabre, il est
un ménestrel de marché et il utilise le seul instrument suffisamment puissant
pour cet environnement, une vielle à roue ou « chifonie ».
Les références artistiques de l’environnement de l’époque et issues
d’autres lieux sont trop rares et isolées. Il manque en particulier Saint
Austremoine d’Issoire et son Jugement Dernier (1475-1500). Mais plus encore il
manque tout le patrimoine pictural et
sculpté des églises du Livradois Forez et de la plaine d’Ambert qui relevaient
directement de l’Abbaye du fait des
prieurés et des pratiques artistiques de mise à disposition de moines
sculpteurs ou peintres. Je pense particulièrement à Beurrières et à Pignols,
mais la liste est longue de Dore l’Eglise à la plaine de Limagne.
De même la référence à Lavaudieu et à la Mort Noire, directe allusion à la
Peste Noire, aurait du ouvrir un chapitre de discussion sur les hypothèses de
l’origine de cette peste, hypothèse des Juifs rejetée et condamnée par Clément
VI lui-même, ou hypothèse des femmes qui étaient les accoucheuses et les
guérisseuses de ce temps-là, hypothèse qui va lancer une véritable campagne de
lutte contre la sorcellerie pour purifier le pays. Cette Mort Noire est donc
une femme parce qu’elle est de ce bord de la sorcellerie. Elle lance ses
flèches qui bien sûr frappent les mourants en plein cœur des bubons de la
peste. Elle transmet la peste. Si l’auteur avait pris cette fresque dans
l’ensemble de l’église de Lavaudieu il aurait vu qu’il y a là une rupture de
style et de ton et que l’ensemble de l’iconographie picturale ou sculptée de
cette église de Lavaudieu et de son cloître est centré sur l’alpha et l’oméga
représentés sous toutes leurs coutures possibles avec une seule solution qui est
l’élévation pour atteindre l’oméga de la fin, de la mort, de la résurrection,
du Jugement Denier, etc. La Mort Noire de cette Peste Noire de Lavaudieu est
alors celle qui amène l’Apocalypse et si elle est habillée de rouge c’est
qu’elle est Babylone, la prostituée diabolique de l’Apocalypse de Saint Jean.
La Danse Macabre devient alors la célébration de cette Apocalypse qui est comme annoncée
par cette Peste Noire, la récession, l a
régression démographique, les guerres et les dérèglements économiques et
sociaux. Cela fait bien au moins et au bas mot quatre chevaux, un Dragon et une
Bête.
La mort devient alors la vie car la mort est la porte vers la seule vie qui
vaille la peine d’être vécue, la vie éternelle.
Là ce livre est capital mais hélas il ne donne pas à voir, et encore moins
à lire, les œuvres qu’il cite et en premier lieux le « Dit des Trois Morts
et des Trois Vifs ». Et ce n’est là qu’un exemple. Mais j’ai l’impression
que la distance temporelle et le public touristique visé empêche de saisir
l’immense morbidité joyeuse, heureuse et endiablée de cette Danse Macabre,
comme d’ailleurs de toutes les autres. Plus qu’une danse, elle est une transe.
Dr Jacques COULARDEAU
LA VIELLE À ROUE (1)
L'ancêtre de la Vielle à Roue est
né il y a 1000 ans, probablement en Occident. C'est un instrument dont les
cordes sont frottées par une roue actionnée à l'aide d'une manivelle, un
"archet perpétuel".
L'Organistrum, est représentée
dans la sculpture romane en Europe, souvent
dans les mains des Vieillards de l'Apocalypse. Le clavier rudimentaire à tirettes
exige l'usage des deux mains. Aussi l'instrumentiste est assisté d'un aide qui
tourne la roue. L'instrument possède trois cordes qui jouent la mélodie à la
quinte et à la quarte. Ses possibilités réduites le limitent au soutien du
chant religieux dans les églises.
L'évolution du clavier va permettre l'arrivée, à la fin du 13e siècle,
d'autres instruments plus petits, joués par un seul musicien : Symphonie,
Chifonie, Rote, Lyra...
On y ajoute des cordes "bourdon". Ces instruments, au
registre plus aigu et aux phrasés plus rapides, vont s'insérer parmi les
instruments savants de la musique profane. C'est à cette époque que l'on chasse
les instruments des églises.
A partir du 14e siècle, la forme se diversifie, avec une caisse de
résonance plus large. Le nombre des cordes augmente. L'adjonction de la
"trompette", ce chevalet mobile qui percute la table et permet de
créer une rythmique puissante sur la mélodie, va orienter l'usage de la vielle
à roue vers les musiques à danser populaires. Elle devient chromatique à la fin
du 15e siècle.
Dans toute l'Europe,
on la retrouvera longtemps dans les mains des musiciens de rues, surtout des
aveugles qui chantent en s'accompagnant de la vielle. (http://www.corinne-duchene.com/qui_je_suis/historique_vielle_a_roue)
LA VIELLE À ROUE (2)
Si le principe de cordes frottées nous vient de l'Orient, la vielle à roue
(premier instrument à cordes sur lequel un clavier est appliqué) est très
vraisemblablement d'origine européenne, même si certains la voient arriver sur
notre vieux continent avec les invasions Mauresques. On en trouve les premières
traces (sous sa forme ancestrale) vers 1100 dans un texte rédigé dans
une abbaye bénédictine en Bavière, et sur les frontons de cathédrales
espagnoles (Saint Jacques de Compostelle notamment).
L'Organistrum, ancêtre de la vielle, était un instrument joué par deux
personnes : l'un tournait la roue, l'autre poussait ou tirait les touches. Utilisé
essentiellement dans l'interprétation de musiques sacrées (en accompagnement de
chants liturgiques), on trouve de représentations de cet instrument datant du
XIIe siècle, en Espagne et dans le Nord de l'Europe. Si le principe de fonctionnement est à peu près resté
le même depuis son origine, la vielle a subi quelques modifications avec le
temps.
À partir du XIIIe siècle, l'instrument subit une évolution par la
recherche d'un confort pour les joueurs. Il devient plus court, et sa
manipulation ne nécessite plus qu'une seule personne ; désormais on pousse les
touches vers soi. Au début de ce siècle, sous le nom de symphonia, cet
instrument sert surtout à l'interprétation de musique que l'on qualifie de
savantes. Mais vite détrônée par l'orgue qui accompagne de plus en plus les
chants religieux, la symphonia devient profane du fait de l'extension de son
répertoire, souvent dansé, et de multiples améliorations techniques modifiant
petit à petit sa personnalité. Changements
techniques, changement social : les bandits et truands la récupéreront fin
XIIIe.
Au XIVe siècle le chien fait son apparition, et est utilisé
uniquement pour les danses dans les campagnes. Le nombre de cordes
augmente également pour passer à cinq voir six (deux cordes mélodiques, une
corde rythmique, deux à trois bourdons) ; quant à la tessiture, elle évolue
petit à petit d'un octave diatonique vers deux chromatiques complets. Ainsi ce
siècle a été une véritable période charnière pour la chiffonie. On la
trouve aussi bien dans les églises, à la cour des Rois que chez les bandits, et
jusqu'au XIXe elle subira une oscillation entre ces milieux.
En ce qui concerne sa forme, elle passe du
rectangulaire à l'ovale trilobée (fin XVe), forme que l'on retrouve dans les
représentations de vielleux du peintre français De La Tour. (
http://xaime.pagesperso-orange.fr/vielle/histoire/vielhisto.html)
Le premier instrument de musique à roue que l'on connaît au Moyen Age est
attesté au XIIe siècle. Il s'agit de l'organistrum, représenté notamment
sur de nombreux tympans d'églises construites sur les chemins menant à Saint
Jacques de Compostelle et aussi en l'église même de Saint Jacques. L'instrument
(auquel Christian Rault a consacré en 1985 un ouvrage important) est biplace et
destiné à un répertoire religieux. Il est toujours actionné par deux moines
dont l'un tourne la roue et l'autre manie les sillets mobiles. Il est
généralement monté avec trois cordes, parfois deux, quatre ou cinq. Instrument de monastère, on pense
généralement qu'il servait aussi de guide-chants pour aider les moines dans
l'apprentissage des chants liturgiques.
La situation se complique ensuite. Il est impossible d'assurer une
terminologie indiscutable ; selon les époques et les lieux, un même nom ou des
noms ayant la même racine peuvent désigner des instruments de musique
différents, alors que des dénominations différentes pourraient aussi désigner
le même instrument.
Me ralliant à une définition majoritairement admise, j'appellerai chifonie
(ou encore symphonie ou symphonia), l'instrument à
roue de forme rectangulaire, par opposition aux autres formes, très diverses
et non stabilisées au Moyen Age, de l'instrument à roue que l'on doit alors
désigner comme étant des vielles à roue. En tant que telle, la chifonie
disparaîtra au XV° siècle, et ne demeureront que les vielles à roue. De plus, le terme de vièle rencontré dans
les textes médiévaux, renvoie le plus fréquemment à la vielle à archet, parfois
à l'ensemble des instruments à cordes frottées (ensemble qui comprend alors la
vielle à roue).
Pour ce qui est des cordes, en l'absence d'informations exploitables, je vais
prendre en compte l'hypothèse qui donne au joueur le plus grand nombre de
possibilités quant à "l'orchestration". On considérera alors
que la chifonie est montée avec deux cordes chanterelles, mais qu'elle possède
aussi deux cordes bourdons qui délivrent chacune la même note de manière
"obstinée". J'y reviendrai plus avant de façon détaillée.
LA VIELLE À ROUE (3)
THE HURDY GURDY'S ANCIENT ROOTS
The earliest known form of the vielle a roue was called an organistrum and bore
little resemblance to the modern one. It was so large that one person turned
the crank and another played the keys. The wooden keys were arranged in various
ways depending on whether secular or religious music was to be played. The
organistrum was only capable of playing slow melodies and simple harmony
because of the hard key action. It's main use was in the medieval church. The
first mention of the organistrum was in a construction manual by Odo of Cluny,
which was discovered in the twelfth century and possibly written in the tenth
century. There are also other depictions dating from the twelfth century.
During the thirteenth century, the organistrum was redesigned to be playable by
one person, which encouraged use by blind and itinerant musicians. The improved
key action with drone accompaniment made it ideal for dance music. It was
adopted for popular and folk music of the day, and use in the church
diminished. Even the name organistrum had died out by the fourteenth century.
In
France,
it was known as a symphonia until it was abandoned for popular music in the
late fifteenth century. One can surmise that, at this time, the name changed to
vielle a roue, which is still used today. The vielle was used only for folk
music by peasants and street musicians. It was known all over
Europe
by about 1650 but remained a peasant instrument for the next one hundred years.
By this time the design had standardized to the size and shape familiar today.
(
http://www.hurdygurdy.org/pdfs/hghistory.pdf)
# posted by Dr. Jacques COULARDEAU @ 8:23 AM