LES ATTENTATS
ANTISÉMITES DE France
Dr Jacques COULARDEAU
Je me permets de vous communiquer la déclaration suivante de l’organisation « Une Autre
Voix Juive » dont je fais partie. J’aimerais avoir vos réactions sur cette
déclaration car elle me pose un certain nombre de problèmes. On ne peut pas
mettre à part les attentats antisémites de tous les autres actes de violence
terroriste. Les mettre à part signifierait que les Juifs parce qu’ils sont
Juifs ont droit à une protection spéciale. La sécurité des citoyens ne saurait
fonctionner ainsi. Nous devons tous être égaux devant la loi et la loi nous
doit à tous une égale protection que nous soyons juifs, musulmans, chrétiens,
bouddhistes, hindous, ou croyants de quelque religion que ce soit, ou encore
relevant d’une forme ou d’une autre d’athéisme ou d’agnosticisme. Ceci
d’ailleurs pose que toute position qui dénonce telle ou telle religion va à
l’encontre même de ce principe, ce qui est le cas de nombreux laïcards français
qui veulent interdire l’expression religieuse dans tous les lieux publics (y
compris les moyens de transport et les gares, et sous toute forme imaginable.
Il est cependant important de signaler que cette mise à part des actes
antisémites pose que l’on doit reconnaître à chacun le droit d’être
publiquement reconnu dans sa religion et dans ses choix philosophiques, si ce
chacun le désire, donc jamais contre le vœu de ce chacun. La France sur ce
point est extrêmement en retard. Un professeur de droit à par exemple récemment
refusé d’enseigner dans une classe de l’Université de Paris 13 parce que dans
cette classe une jeune fille portait le foulard islamique parfaitement légal
dans les universités françaises.
Que ce professeur ait été suspendu immédiatement ne change rien à son
argument que la liberté de la jeune fille est peut-être de porter ce foulard,
mais que sa liberté à lui est de refuser d’enseigner dans ses conditions-là. Il
ne voit même pas que les deux actes ne sont pas de même niveau. Le foulard est
de l’ordre de la liberté religieuse personnelle et n’empêche en rien la liberté
religieuse des autres (sinon nous devrions abattre toutes les églises et les
cathédrales dont la vue peut choquer les convictions de certains : la
Révolution Française a fait abattre des milliers de clocher pour qu’ils ne
soient pas plus haut que les beffrois des mairies) alors que la position du
professeur nie la liberté d’apprendre et d’étudier de tous les élèves de la
classe, musulmans ou non, liberté qui n’est en rien niée pour ce professeur.
D’autre part il serait bon que l’on définisse clairement et que l’on
différencie tout aussi clairement les trois termes suivants :
1- antisémite
2- anti-Juif
3- antisioniste
Ces trois termes ne sont pas équivalents. Si la loi française affirme que
l’antisémitisme et le révisionnisme sont des crimes, c’est une toute autre chose que de dire qu’on
n’est pas pour la vision créationniste de la Genèse de l’Ancien Testament ou de
la Thora, que l’on n’aime pas telle ou telle forme de culture juive, littéraire
ou pas, et que l’on est contre la théorie sioniste du rétablissement de l’état
d’Israël dans ses frontières d’avant la destruction du Temple par les Romains,
ou de toute autre date de référence d’il y a plus de vingt siècles.
Un débat est nécessaire sur ces questions et se lancer dans une
rhétorique qui considère que toute critique de toute chose juive ou de la
théorie sioniste est une forme d’antisémitisme relève de l’embuscade
démagogique et populiste. Hélas certains politiciens français se laissent aller
à un tel amalgame.
Je vous remercie d’avance de vos suggestions.
Une Autre Voix Juive -
Après les attentats antisémites
Ingérence et récupération
La succession croissante d’attentats criminels à caractère antisémite,
leur caractère orchestré dans la dernière période avec le cas de Toulouse, du
Musée juif de Bruxelles et, associée à l’horreur du massacre de Charlie Hebdo,
la tuerie de Vincennes, sont l’objet d'une récupération politique révoltante de
la part de Netanyahou qui se permet d’agir en France pour souder nos compatriotes
juifs autour de sa politique.
Cette instrumentalisation des attentats par la politique israélienne
actuelle, a déjà des conséquences négatives par l’émigration d’un nombre
croissant d’entre eux vers Israël, où, en fait de « sécurité », ils trouveront
un climat de haine anti-arabe, une politique coloniale et de discrimination
exacerbée sans même parler d’attentats meurtriers visant des civils israéliens.
Cela nécessite une réflexion nouvelle de la part des forces qui en France
agissent pour une paix juste et durable au Proche–Orient.
La peur a saisi une large partie de nos compatriotes juifs. Les
déclarations gouvernementales réaffirmant le caractère délictueux du racisme et
de l’antisémitisme vont dans le bon sens; elles rappellent que celui-ci est un
délit grave passible de la Loi, et que les actes racistes ou antisémites seront
poursuivis avec la plus grande sévérité.
A propos des réactions
Les déclarations de responsables religieux et au premier rang de
responsables de la religion musulmane en France sont à la fois courageuses et
dignes; elles doivent être soulignées; rien ne serait pire qu’un amalgame
faisant de tout musulman un antisémite potentiel, et a fortiori « un terroriste
». Une Autre Voix Juive s’élève avec indignation contre toute tentative visant
à induire que par essence la foi de nos compatriotes musulmans serait de nature
à provoquer des actes criminels; il est impossible de ne pas voir comment des
mouvements d’extrême droite et le Front National en tout premier lieu agitent,
répandent, excitent les populations pour faire de nos compatriotes musulmans,
et plus généralement des immigrés, des boucs émissaires; de façon symétrique
les campagnes ouvertement antisémites des Dieudonné et Soral, entretiennent un
climat profondément malsain . Une Autre Voix Juive repousse catégoriquement
l’idée d’un « complot » des services israéliens .
Positives, les réponses gouvernementales, compte tenu de leur ambiguïté
tragique dans le conflit du Proche Orient, sont très largement insuffisantes.
La logique de la guerre – fût-ce contre un adversaire invisible désigné comme «
le terrorisme » -- ne constitue en rien la bonne réponse.
Une Autre Voix Juive repousse catégoriquement l’idée selon laquelle le
monde serait en proie à « Une guerre des civilisations ».
Les crimes qui se sont déroulés récemment sur notre territoire et dans
l’Union Européenne, leur caractère organisé, supposent que les commanditaires
soient identifiés et mis hors d’état de nuire. Les campagnes djihadistes sur
internet doivent cesser; avant toute chose, la réponse est de nature politique,
pas d’abord d’ordre militaire. Elle ne doit pas être recherchée dans des
mesures d’exception qui s’en prennent aux libertés fondamentales et qui
contribuent à instiller un climat de défiance et de peur.
Les groupes puissamment armés qui font régner la terreur dans divers pays
d’Afrique et d'Asie, quel que soit le nom dont ils s’affublent se réclament
d’une idéologie dont le recours au Coran n’est qu’un voile et qui porte un nom
connu: un fanatisme de type fasciste. Ces groupes sont financés et armés par
des puissances étatiques parmi les plus riches de la planète ou avec leur
complicité. C’est ce lien organique qui doit être brisé. L’existence de
filières djihadistes en France en dérive, quelle que soit leur nocivité. Elles
prennent appui sur des questions lourdes d'ordre international. Des décennies
de myopie et d’hypocrisie de la part des principales puissances occidentales
les ont laissé croître démesurément; comme notamment le conflit du Proche Orient
dont les grandes lignes de solution pacifique, juste et négociée sont connues
de longue date.
L’ensemble de ces éléments confère des responsabilités nouvelles aux
organisations qui se réclament, dans notre pays, de la lutte pour les droits
fondamentaux du peuple palestinien, pour une paix juste et négociée au
Proche-Orient.
Elles ne sauraient sous-estimer, selon Une Autre Voix Juive, les effets
de la propagande israélienne sur nos compatriotes juifs, propagande
qu’alimentent et relaient puissamment les attentats criminels les prenant comme
cible.
Au moment ou l’on commémore le 70ème anniversaire de la
libération d’Auschwitz, ces attentats et cette propagande influencent une
population qui garde la mémoire transmise ou directe du génocide nazi; cela ne
fait pas de la majorité de nos compatriotes juifs des soutiens indéfectibles et
a priori de la politique israélienne mais les rend réceptifs à l’idée qu’ils et
elles sont menacé-es dans leur existence en tant que juifs.
POUR UNE PAIX JUSTE, NEGOCIÉE, ET DURABLE AU PROCHE ORIENT, POUR LES DROITS
FONDAMENTAUX DU PEUPLE PALESTINIEN ET LA SÉCURITÉ DES PEUPLES PALESTINIEN ET
ISRAÉLIEN.
Donner à voir, en toute circonstances, la visée humaniste et progressiste
du mouvement de soutien aux droits nationaux palestinien est un impératif. A la
fois pour contribuer à dissuader des jeunes égarés par la colère à verser dans
le terrorisme, pour dissiper les peurs de nos compatriotes juifs et pour
permettre au plus grand nombre de citoyens de toutes origines et de toutes options
philosophiques de rejoindre notre combat.
Les formulations qui se limitent à exciter la colère contre Israël, à
fortiori contre la légitimité de son État, sont à bannir. Elles ont des effets
négatifs sur la perception de nos objectifs, à la fois chez les uns et chez les
autres.
Sanctionner la politique israélienne actuelle est indispensable. Voir
Netanyahou et Libermann parader le 11 janvier aux côtés de nos compatriotes et
s’immiscer grossièrement ensuite dans la politique française soulève l'indignation.
Mais aujourd’hui toute l’activité des forces qui agissent en France pour une
issue juste, pacifique et négociée au Proche-Orient doit plus que jamais,
indépendamment de la critique la plus nécessaire et légitime de la politique
israélienne actuelle, intégrer fortement la dimension de la sécurité d’Israël
et de sa légitimité; nombre de nos compatriotes juifs y sont profondément
attachés et c’est compréhensible. Il est notoire que lors des meurtres visant
des civils israéliens à Jérusalem, l’Autorité Palestinienne les a condamnés
sans équivoque alors que le Hamas et d’autres groupes s’en sont félicités. La
critique des forces qui propagent la haine doit être sans éclipse. Nos
discours, nos mots d'ordre, nos actions doivent constamment exprimer notre solidarité
aux forces progressistes, qu'elles soient israéliennes ou palestiniennes.
Dire cela n'est pas prendre parti dans les débats politiques internes du
peuple palestinien. C'est à lui de déterminer ses méthodes de lutte, et ceux
qui le représentent. Mais notre responsabilité, en France, est de renforcer le
front de la lutte pour une Paix Juste, Négociée et Durable.
Tout ce qui concourt à présenter les « juifs » comme des alliés
inconditionnels de la politique Israélienne, tout ce qui excite la haine de
l’État israélien comme tel doit être chassé de la mobilisation visant au
rassemblement en France. C'est sur sa force et son déploiement que repose le
véritable soutien des droits fondamentaux du peuple palestinien.
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# posted by Dr. Jacques COULARDEAU @ 6:22 AM