Sunday, August 10, 2014

 

La Chaise Dieu et ses grandes orgues dans l'Abbatiale Saint Robert

JEAN LUC PERROT – SUITES ET VERSETS – LA CHAISE DIEU – 1998

Les orgues de l’Abbatiale Saint Robert de La Chaise Dieu venait juste d’être totalement restaurée par Michel Garnier (un chantier de 1990 à 1995) et il ne restait plus qu’à les donner à entendre. Il faut comprendre que les orgues sont le seul instrument que l’on doit nécessairement enregistrer danS le lieu où elles se trouvent. Pas de studio pour ces grandes dames. C’est pour cela que dans un tel enregistrement on n’a pas que les orgues elles-mêmes mais que l’on a aussi l’acoustique de l’Abbatiale Saint Robert de La Chaise Dieu. Et tout est dans cette abbatiale. Il faudrait plusieurs pages pour expliquer comment cette abbatiale a une structure générale qui symbolise l’Apocalypse. C’est une abbatiale apocalyptique dans le plus pur sens de Saint Jean lui-même.

Et c’est cette sonorité qu’il faut louer dans un premier temps. L’Abbatiale n’a pas de retour, ou un retour totalement insignifiant, et cela tient à sa seule structure. Elle a la taille d’une cathédrale mais n’a aucun écho. Les sons restent purs de bout en bout et où que vous soyez dans l’abbatiale. C’est pour cela qu’il n’y a pas de perte de son pour les grands concerts dans le chœur, même au-delà du jubé, sauf pour certaines voix qui ne savent pas porter, mais c’est une caractéristique propre à ces voix qui sont toutes des individus avant d’être des voix et ne porteraient pas mieux dans le théâtre romain d’Orange.

Le plaisir de cette pureté du son fait la célébrité de cette Abbatiale et Jean Luc Perrot sait en jouer parfaitement dans ce CD. Dans ses propres compositions comme dans les pièces du répertoire qu’il retient il choisit celles qui se marient le mieux avec la sonorité des orgues et l’architecture de l’Abbatiale. Certains regretteront probablement que les grands jeux ne soient pas aussi écrasants que quelques uns imaginent qu’ils doivent être et qu’ils sont ici et là. Les grands jeux doivent exprimer la puissance de Dieu et pas la malfaisance de je ne sais quel diable et la modération est une qualité divine. Laissons au diable ses excès.

Jean-Nicolas Geoffroy se fait une joie d’être dans cette abbatiale car c’est une musique française du 17ème siècle sur un orgue français et la musique de ce que certains ont appelé le Grand Siècle quand elle ne prend pas le ton délirant des louanges adressés dans les opéras de Thomas Corneille et Marc-Antoine Charpentier au Roi Soleil, travaille mélodie et harmonie en vue d’un équilibre et d’un charme qui doit plaire, attirer, fasciner, mais surtout ne pas écraser ou effrayer, même quand on met en scène Médée elle-même.

Et ici les pièces retenues sont toutes de ce genre, légères, tendres parfois, douces, intimes presque toujours et simplement là pour ravir nos oreilles et avec elles nos âmes car nous sommes dans le recueillement musical nécessaire pour nous élever au-dessus des contingences terre-à-terre de la vie quotidienne. Même quand on a des « airs de bergères » on a une musique si fine qu’on pourrait croire qu’elle va se perdre dans l’immensité de la nef de cette abbatiale, et pourtant elle se promène légère et court vêtues entre les piliers et sous les voûtes sans perdre la délicatesse et la finesse que ces airs badins et champêtres, rupestres aussi, ont nécessairement.

Le « Dialogue pour le clavessin et des violes » est quelque part amusant car ce dialogue sous ces arches et dans ces galeries à mi hauteur de la voûte paraissent un peu folâtres mais aussi espiègles, « Attrape-moi si tu peux, clavecin chéri » « Vous pouvez toujours courir, violes endiablées, nous avons plus d’un tour dans notre sac, et une bonne douzaine de sacs dans notre Tour. » La Tour Clémentine bien sûr comme il s’impose ici à La Chaise Dieu.

Tout cela semble plutôt impie et un peu mécréant, mais il n’en est rien. Les Anonymes de Limoges du début du 18ème siècle nous amènent gentiment à l’Ave Maris Stella et toute la profondeur spirituelle de la Vierge transparaît fortement dans la fugue par exemple. Le « Récit de Nazard ou de Tierce » est comme une lecture d’évangile, à la fois plein d’inspiration, de réflexion et de méditation nous élevant vers nos limites célestes. Et la « Tierce en taille » qui suit comme nous accueille en ces hauteurs de recueillement et de communion.

Degrigny retrouve ensuite une puissance nouvelle dans son « Ouverture en G ré sol bémol. » et nous renvoie au 17ème siècle un peu formel, bien structuré, balancé et surtout nous offrant la force et la puissance même si c’est un peu sans autre but que celles-ci elles-mêmes.

Jean-Nicolas Geoffroy à nouveau nous revient avec un Tombeau, cette forme funéraire qui deviendra bientôt un Tenebrae et plus tard un Requiem. Ce Tombeau n’a pas encore la profondeur effrayante des Tenebrae et n’a pas non plus l’évocation de la damnation que tout Requiem contient. On est plutôt en train de dialoguer avec le mort dans le recueillement que l’on doit observer sur une tombe par respect du mort qui s’y repose, qui y repose. On pourrait se demander si même il n’y a pas un embryon de dialogue avec ce mort, ou du moins son âme venue nous accueillir sur cette pierre

Nous finissons avec les « Versets Alternés sur la Messe Orbis Factor » de Jean-Luc Perrot. Musique religieuse aux tonalités variées en fonction des moments d’une messe, Commençant avec un Kyrie et un Christe pour ensuite passer à divers moments et articulations dans le rite. La composition de Jean-Luc Perrot a un art certain qui ne cherche pas l’enjolivement excessif ni l’épure d’ascèse. Il garde la retenue des phrases mais sait enrichir cette retenue du dialogue nécessaire entre les registres et les instruments. Il ne s’agit pas d’écraser mais d’élever et on n’élève rien en surchargeant le trait.

Un enregistrement ancien que vous pouvez apprécier comme une introduction à ces orgues dans cette abbatiale de La Chaise Dieu. Je ne peux que vous souhaiter d’un jour y passer pour un concert, une grand messe ou simplement une visite, mais insistez pour qu’elle soit en musique et en orgues, et dialoguez avec la Vierge Noire andalouse du 12ème siècle.

Dr Jacques COULARDEAU


MICHEL CORETTE (1707-1795) – JEAN-LUC PERROT – ORGUES DE LA CHAISE-DIEU – OFFERTOIRES ET AUTRES PIÈCES – 2014

La grande vedette de ce CD est bien sûr les orgues de l’Abbatiale Saint Robert de La Chaise Dieu. Depuis sa rénovation en 1990-1995 elles ont retrouvé tout leur éclat mais surtout elles ne sont parfaites, et même plus que parfaites que du fait de l’architecture de l’Abbatiale Saint Robert. Pour comprendre la force de cette architecture, il faut comprendre que tous les paramètres de la construction sont ceux de la géométrie grecque sur un plan au sol et en hauteur qui entrelace des formes géométriques simples mais articulées les unes sur les autres selon deux nombres fondamentaux, PI et PHI, le paramètre du cercle et le nombre d’or. Cela est peu visible mais c’est audible. Ce respect strict des paramètres géométriques grecs donnent à cette Abbatiale une acoustique absolument parfaite qui n’a donc pas de retour ni d’écho. Les sons restent purs d’un bout à l’autre et portent dans l’entier de l’Abbatiale. Les voix portent de la même façon, du moins si ce sont des voix capables de se projeter et donc d’être portées par l’architecture. Certains chanteurs n’ont pas la force nécessaire pour projeter leur voix qui alors ne porte pas beaucoup plus loin que le tombeau de Clément VI. Et j’en témoigne pour avoir pendant neuf ans suivis pratiquement tous les concerts du Festival de La Chaise Dieu, soit des rangs presse dans le chœur des moines, soit dans le buffet d’orgue, un des lieux que je préférais à bien d’autres.

Mais la magie de cette abbatiale vient d’un autre fait architectural. Sa structure est fondée sur l’Apocalypse de Saint Jean, sur la Seconde Venue de Jésus, sur le Jugement Dernier. C’est une Abbatiale apocalyptique. J’ai eu l’occasion de vérifier tout cela le dernier dimanche de Juin 2014 après avoir entendu quelques surprenantes déclarations qui se voulaient doctes.

Je ne parlerai pas de la prétendue "influence" anglaise quand le tombeau des anges musiciens fut changé en proportion sur les images projetées et on oublia totalement de mentionner les anges musiciens. On s'évertua à montrer les arborescences du haut des verrières et des porches et dire qu'elles étaient semblables ici à La Chaise Dieu et là en Angleterre (comme si une ressemblance était une preuve de filiation: faute première des étudiants de niveau licence) alors qu'elles étaient en quatre feuilles pour la plupart, parfois trois, parfois trois fois quatre ou même quatre fois quatre. Ce fut superficiel car tout l'art roman et gothique d'avant la Renaissance travaille sur une simple symbolique numérologique:

4 = la crucifixion,
3 = la trinité,
3 fois 4 = les douze apôtres,
7 = la semaine sainte,
6 = le nombre Salomon ou l'étoile de David donc les Juifs, y compris leur sagesse,
8 = la résurrection et la seconde venue du jugement dernier,
9 = l'heure de la mort du Christ, le diable, la damnation, surtout dans l'assemblage 999 ou (étrangement antisémite) 666 (de l'apocalypse de Saint Jean) = 6+6+6 = 18 = deux fois 9.

Je me suis amusé à compter les arches et les piliers dans l'abbatiale (enfin de les recompter). Le chœur compte sept arches et donc huit colonnes, la semaine sainte soit de la genèse, soit de la passion qui mène à la résurrection et la seconde venue du jugement dernier, l’alpha et l’oméga en quelque sorte (n’oublions pas que l’oméga n’est qu’un huit couché et que cela donne les entrelacs irlandais que l’on retrouve à Lavaudieu et l’Irlande a été christianisée par les Bénédictins les plus anciens qui soient et qui ont ajouté cinq lettres à l’alphabet Ogham de la langue celte qui ne les satisfaisait pas.). Si on enlève les deux arches des deux chapelles latérales qu'on peut considérer comme un transept (qui ne fait donc pas partie de la nef et qui par la structure du chœur lui même fait partie de ce chœur), on a alors cinq arches et six colonnes, ce qui est le nombre de Salomon contenant la trahison diabolique, c'est la version officielle de la mort du Christ par trahison de Judas Iscariot. Le chœur est cependant un chœur du jugement dernier, de la résurrection, de la seconde venue, et quelque part de l'apocalypse.
Mais le plus intéressant est la nef. La nef (dite chœur) des moines compte quatre arches et donc cinq colonnes. Si on considère la galerie qui fait suite au jubé on a cinq arches et six colonnes. Si on considère l'entier de la nef on a huit arches et neuf colonnes. L'abbatiale n'a pas de vrai narthex, même si la première travée qui contient le buffet d’orgues (bien plus tardif) est légèrement plus large de chaque côté. Et ce de chaque côté: répéter pour bien faire entendre. La logique de ces chiffres est extrêmement claire:

quatre la crucifixion
cinq la trahison satanique
six le nombre de Salomon, donc les Juifs
huit la résurrection, la seconde venue et le jugement dernier
neuf la bête de l'apocalypse

L'ingénieur ou l'architecte des bâtiments historiques ou de France n'a rien dit de cela ce dimanche 29 juin 2014. On a ici un chœur comme une nef qui sont entièrement construits sur la résurrection, la seconde venue, l'apocalypse, le jugement dernier le tout contenant la crucifixion, la trahison et le tout sous responsabilité des Juifs. Cet antisémitisme n'a pas à surprendre au 13ème siècle, mais oublier de donner cette richesse architecturale c'est ignorer que la commande se faisait par un commanditaire (ici le Pape Clément VI) qui demande à ce que l'église représente un évènement, de toute évidence ici c'est la résurrection, la seconde venue et le jugement dernier. L'architecte (en fait le maître constructeur) traduisait alors en chiffre cet évènement et en figures géométriques représentant ces chiffres. Chantal Lamesch a depuis longtemps démontré cela par le plan au sol. Et ce n'est qu'alors que les constructeurs commençaient le travail avec trois outils seulement: une équerre, un compas (ou rapporteur) et un fil à plomb, sans compter bien sûr la règle à mesurer. Cette richesse a été perdue.

Vérifiez les colonnes et les arches sur ce plan. Négligez les points rouges qui correspondent à tout autre chose.


Ceci dit, quel plaisir de découvrir la musique de Michel Corrette sur cet orgue, une musique parfaitement adaptée à ces orgues et cette architecture. Elle sonne juste jusqu’au denier bémol et au premier dièse. C’est la musique dont cette Abbatiale a besoin pour rutiler de tous ses feux.

En plus le choix contient six Offertoires que l’on croyait perdus et qui sont sortis d’une collection privée et que la Bibliothèque Nationale a rachetés très récemment. L’Offertoire de La Saint Dominique, en création mondiale (comme les autres Offertoires), ouvre le CD avec les grands jeux si célèbres mais qui ne sont pas écrasants car ils trouvent dans l’Abbatiale le volume nécessaire pour se déployer sans nous faire souffrir de leur poids. Bref ils expriment la puissance de Dieu et donc nous élèvent vers celui-ci et ne nous écrasent pas dans la terre, dans la poussière.

Le Magnificat en la mineur qui suit joue, quant à lui, sur toutes les nuances de la légèreté, de la bonhommie, de l’intime, du discret, et de quelques autres dimensions dans cette direction. J’aime particulièrement le « Récit de trompette » qui est enjoué, gai et tente de nous réconcilier avec la vie qui mérite vraiment d’être vécue aussi longtemps et intensément que possible. Et la « Musette » qui suit ne me démentira pas, au contraire, même si cette musette est un peu lente, cette musique populaire remise en forme pour la cour et un usage non plus frivole mais fervent. Et un dernier petit tour du Grand-jeu pour conclure mais juste modérément pour nous entraîner vers la joie magnifique de cette célébration.

L’offertoire de la Saint Benoist démarre comme une marche vivace de fête foraine, de cirque, un défilé d’animaux fiers et heureux d’être. Une musique populaire en diable dans un offertoire, serait-ce une provocation ou encore un appel du coude ou du pied. Jésus préférait, semble-t-il la compagnie des pécheurs plutôt que celle des riches Romains ou des puissants prêtres du Temple. Qui a dit que les orgues d’une Abbatiale ne pourrait pas accompagner une danse macabre en forme de farandole ?

L’offertoire de Saint Louis lui est en forme de chasse à coure, de poursuite pas effrénée ni essoufflée mais bien soutenue comme un jogging du lundi matin quand il faut repasser le collier sur la chemise fraichement repassée. Mais après quoi court-on ? Le plaisir serait-il dans la simple course ? Probablement.

Revenons aux choses sérieuses avec un grand Kyrie en forme de fugue, ce qui n’est pas bien difficile car sa forme originale à ce Kyrie est justement une fugue de Kyrie en Christe. Eleison, mes frères, surtout que cette musique plus formelle devient aisément un peu pompeuse, certainement moins créatrice. Le quatuor qui suit commence fort avec une basse profonde en arrière plan. Mais la musique semble tourner sur elle-même et progressivement s’enfoncer, même se dévitaliser. Se reprendra-t-elle ? Eh bien non, elle reste rengaine, ritournelle jusqu’au bout, lassante, lassée, enroulée sur elle-même comme au cœur de l’hiver au coin du feu.

L’offertoire de La Saint Pierre et Saint Paul, cette église faite de deux églises dédiés à deux saint rue de Rivoli à Paris et qui aurait en Louisiane, la grande Louisiane ses deux villes jumelles face à face sur un Mississippi ou un Missouri locaux. On me dit que le majeur et le mineur s’associent pour ces deux saints. Normal, puisqu’ils sont deux et si différents, bien qu’alliés dans la vulgate de l’invention de l’Eglise Catholique. Saint Pierre et Saint Paul associés contre – ou pour compenser la mort de – Saint Jacques lapidé en 62 de notre ère. Saint Pierre, celui qui renie trois fois avant que le coq ne chante, et Saint Paul l’autoproclamé apôtre des Gentils, des non-juifs.

L’offertoire de la Renommée revient à un style plus simple, légèrement dialogué mais sans que le moindre conflit n’apparaisse dans cette louange que l’on assume être de bonne renommée. Il travaille les aspects tournants, virevoltants qui émergent en ce 18ème siècle avec Bach et Mozart, mais sans avoir la légèreté de Mozart, ni heureusement la lourdeur rustique de Bach. C’est gentil. Musique bien française pour sûr.

Mais « Les Folies d’Espagne » sont autrement créatrices. C’était du clavecin originellement et cela se sent. C’est même presque moderne d’une certaine façon. On entend des sonorités, des tempi qui pourraient ici et là ne pas dépareiller dans du Stravinsky. Est-ce l’arrangement pour orgue qui donne à cette musique cet aspect moderne ou est-ce originellement dans la musique pour le clavecin ?

Par contre « La Prise de Jéricho », elle aussi arrangée pour orgue à partir du clavecin, est beaucoup trop lourde, brutale, violente. On n’entend que les murs tomber alors qu’on aimerait entendre les âmes s’élever, les âmes peut-être souffrir de leur perte, mais pas dans cette force excessive. Le clavecin serait autrement plus délicat et spirituel. Et c’est bien le choix de l’arrangeur.

« Les Etoiles » viennent aussi du clavecin et là l’orgue joue sur les claviers et registres légers. Ce sont bien des étoiles dans le ciel et pas une pluie d’astéroïdes. Il y a aussi comme l’expression de l’immensité calme du ciel étoilé, ou rien de brusque ne se produit, si ce n’est des scintillements dans l’obscurité céleste, des scintillements qui nous parlent, nous clignent de tous leurs yeux.

« Les Idées Heureuses » sont un contre-sens lexical car les Idées n’ont pas d’âme ni d’esprits et elles ne peuvent être ni heureuses ni malheureuses même si elles peuvent apporter la désolation et la mort quand elles sont mal utilisées. Il y a une sorte de nostalgie triste derrière, en arrière plan, avec une sorte de faux écho dans le plus grave, le plus profond. Une idée peut passer d’une application heureuse à une application malheureuse en un clin d’œil et rien n’est tout à fait plein ni tout à fait vide. Jouons donc sur les demi-temps, les demi-teintes.

« La Fest Sauvage » est populaire dans son démarrage. On imagine que cette musique carrément grivoise au clavecin dans un salon de noblesse devait faire frémir quelques vieux nobles mais devait donner des émois à quelques jeunes dans l’assemblée, ce qui devait provoquer l’ire encore plus lourd des vieux de juste avant.

L’offertoire de la Saint François ramène les grands jeux en joue et nous bombarde d’une musique qui doit nous inspirer de l’effroi et de la soumission j’imagine devant le miracle de la consécration, de l’Eucharistie. Cela devient un  peu plus doux, comme pour nous donner une minute pour réfléchir à notre sort si nous ne nous soumettons pas. Il est vrai que cette alternance de grands jeux et de moments de douceur passent bien dans l’Abbatiale, mais le sens m’ennuie un peu.

La suite du 3ème et du 4ème ton se déroule en neuf morceaux pour la plupart très courts, neuf comme le nombre de piliers dans l’Abbatiale, comme l’Apocalypse que chante cette Abbatiale. Qui a fait ce choix signifiant ? « Le Récit de hautbois » pâtit un peu de la répétition systématique des phrases comme si on avait un menuet, un peu lent à vrai dire, et déplacé dans ce lieu sacré. Heureusement que le « Duo » qui suit retrouve un peu de vigueur. Mais la « Musette » qui suit revient à un rythme lent et une musique certainement pas populaire, et à nouveau répétitive. Quelle étrange idée de répéter toutes les phrases. La variation des registres introduit un peu de surprise pour quelques secondes. Les « Flûtes » du morceau suivant sont un peu plus dynamiques et moins endormies. Le « Récit à la basse » Nous réveille un peu par un tantinet de puissance mais l’écho, la répétition est effacée par la superposition de phrases. Cela mène directement au grand jeu final qui a une certaine mélodie ou harmonie mais la force ne permet pas à ces morceaux de phrases mélodieusement attirantes de réussir leur attrait.

On peut alors conclure avec le « Carillon » de Noël. La forme du canon du début se retricote ensuite en un entremaillage plus subtil qui permet à quelques bribes de phrases mélodieuses de surnager. A trois minutes six secondes la facture musicale change et devient alors une sorte de musique minimaliste qui se fonde sur des répétitions rapides de deux ou trois notes avant que le Grand Jeu ne reprennent la haute main.

Les grandes orgues ont un potentiel monumental de polyrythmie mais cette forme de musique typiquement africaine qui a transité aux USA pour nous revenir aujourd’hui ne semble pas avoir attiré l’attention des organistes. Avec quatre claviers et un pédalier, avec quatre mains en plus on peut avoir une riche architecture de trois ou quatre lignes rythmiques s’articulant les unes sur les autres. Les grandes orgues, hélas enfermées dans leurs églises, devraient pouvoir offrir une richesse rythmique à la musique qui jusqu’à présent n’a pas encore été exploitée.

Dr Jacques COULARDEAU



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